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Publié par Gilles Kraemer

Gilles Kraemer (envoyé spécial)

 

Quelle famille que celle des Adam !

Lambert Sigisbert Adam, L'Air, un des Quatre Eléments, ca 1737 et 1746, marbre, collection particulière (détail) © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, septembre 2021, Nancy.©

De 1670, naissance de Jacob Sigisbert à 1814, décès de son petit-fils, Claude Michel dit Clodion, voilà une famille d'artistes qui eut la sculpture "dans la peau". Plus exactement, "La sculpture en héritage" comme le titre la remarquable exposition consacrée à cette famille par le palais des ducs de Lorraine-Musée lorrain au sein du musée des Beaux-Arts de Nancy, dans la ville des ducs de Lorraine et de Stanislas Leszczynski, le beau-père de Louis le bien-aimé. Commissariat de Pierre-Hippolyte Pénet, conservateur du Palais des ducs de Lorraine-Musée lorrain (toujours fermé pour rénovation) et de Guilhem Scherf du département des Sculptures, musée du Louvre. La première exposition-rétrospective relative à cette famille nancéienne du XVIIIe, de ce siècle des Lumières, dans une scénographie très simple, ouverte, lumineuse, dans un dialogue entre toutes les mains de ce clan.

Jacog Sigisbert Adam ?, Saint Joseph béni par l'Enfant Jésus, 1er quart du XVIIIe siècle, terre cuite © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, septembre 2021, Nancy.

Et encore, si l’on se réfère à la descendance du patriarche Jacob Sigisbert qui eut 7 enfants, manquent son gendre Thomas Michel également sculpteur ( ? - 1751), son petit-fils Nicolas Michel (1733 - après 1760), fils du précédent, ses autres petits-fils Gaspar Louis Charles (1760 - après 1844), sculpteur et Jean Charles Nicolas (après 1760 - après 1787), peintre.  Une famille qui "eut les arts dans la peau".

Comme le soulignent les deux commissaires, dans la préface du remarquable catalogue - faisant déjà date par la pertinence de ses études –, cette exposition dévoilant le travail d’une famille couvrant en trois générations l’ensemble du XVIIIe siècle, a permis la découverte des deux modèles en plâtre des médaillons de l’Oratoire du Louvre L’Agonie du Christ et La Nativité de Nicolas Sébastien Adam, présentés pour la première fois au public.

Jacob Sigisbert Adam (Nancy 1670 - 1747 Nancy), Charles V de Lorraine terrassant un Turc, ca 1700, terre cuite, collection particulère © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, septembre 2021, Nancy.

Dans la famille des Adam, comme un jeu des sept familles, je demande le fondateur, père et grand-père, les trois fils ou oncles, les trois neveux ou petits-fils. Le berceau d'une telle tribu, connue de Rome à Potsdam ? Nancy où naquit Jacob Sigisbert Adam (1670-1747). Bon sang ne serait mentir, le gène de la sculpture était dans ses veines pourrait-on dire car, son père Lambert II Adam était fondeur. La maison de Jacob Sigisbert existe toujours à Nancy, au 57, rue des Dominicains, sa façade s'ornant de ses bas-reliefs et de statues célébrant les arts et les dieux de la mythologie.

Dans un parcours chronologique, honneur au fondateur de la tribu, le statuaire du duc de Lorraine, par de nombreux bustes et statuettes, en terre cuite, de Charles V de Lorraine ou Léopold de Lorraine reconnaissable à son prognathisme. Jacob Sigisbert n'a nullement tenté quelques astuces pour les magnifier, nullement courtisan. Face à cette série de portraits tous aussi réalistes l'un que l'autre, des dieux et la très grande terre cuite de Saint Joseph béni par l'Enfant Jésus, qui lui est attribuée.

Lambert Sigisbert Adam (Nancy 1700 - 1759 Paris), Louis XV en Apollon, ca 1749,  buste en terre cuite et buste en marbre © © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, septembre 2021, Nancy.

Les trois frères, ses trois fils débutent en carrière chez les princes de l'Église, ã Rome, où ils séjourneront longuement. Lambert Sigisbert (1700-1759) pour 10 années, dès 1723, Nicolas Sébastien (1705-1778), de 1726 à 1734 et François Gaspard (1710-1761) en 1729 puis de 1742 à 1746.

Lambert Sigisbert Adam, au premier plan Neptune & Amphitrite, 1727, marbre, Postdam, Stiftung Preussische Schlösser und Garden Berlin-Brandenburg / Au fond, Jeune fille à la sandale, Tête d'une fille de Lycomède, Tête d'Ulysse, trois marbres antiques réinterprétés / Sur le mur de gauche, terre cuite de L'Apparition de la Vierge à saint André Corsini, 1732 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, septembre 2021, Nancy.

Titulaire d'un brevet de Pensionnaire à l'Académie de France, sous la protection du cardinal Melchior de Polignac, chargé des affaires du royaume de France auprès des états pontificaux, Lambert Sigisbert, dans l'influence du Bernin, sculpte les éblouissants portraits des souverains des fonds marins Neptune et Amphitrite (1727) d'une folle maîtrise, dans leur majestueuse grandiloquence, dans une dynamique virtuose, ne pouvant renier l’admiration pour l’art du sculpteur italien. S'il n'obtient pas d'être retenu pour la mythique fontaine de Trevi, accolée au Palais Poli dont Nicolas Salvi et Giovanni Paolo Panini seront les lauréats, il sculpte le bas-relief en marbre pour la famille papale des Corsini, L'apparition de la Vierge à saint André Corsini visible dans la basilique Saint Jean du Latran, dont le modèle préparatoire en terre cuite est ici présenté.

Lambert Sigisbert Adam, Les Quatre Eléments, L'Eau, 1730; L'Air, entre 1737 et 1746; Le Feu, entre 1737 et 1746; La Terre, entre 1737 et 1746, marbre, collection particulière © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, septembre 2021, Nancy. L'Air ou un jeune homme; Le Feu ou un homme barbu; La Terre ou Cybèle la déesse de la nature; L'Eau ou une jeune femme avec un dauphin.

Lambert Sigisbert Adam, Neptune calmant la tempête, accompagné d'un triton, marbre, 1737, musée du Louvre © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, septembre 2021, Nancy. Morceau de réception pour l'Académie royale de peinture et de sculpture où il fut agréé en avril 1733.

Dans cette époque où les fouilles mettaient au jour les sculptures de la Rome des Césars, lui et ses frères "restaureront" ces antiques pour le cardinal. De retour en France, reçu à l'Académie royale de sculptures, Lambert Sigisbert bénéficie des attentions royales. La Poésie lyrique, commandée par la marquise de Pompadour pour son château de Bellevue, laisse parler toute sa virtuosité dans le déhanchement de cette muse. Venu d'une collection privée, le marbre du buste de l’allégorie de Louis XV en Apollon couronné de lauriers (1749) retrouve sa version de terre cuite, dans le magnifique voltigeant drapé du manteau royal.  Cette sculpture ne plut pas au royal souverain Coup d'éclat des deux commissaires, un heureux collectionneur privé s'est séparé pendant quelques mois de ses Quatre Éléments, ex-collection Gustave de Rothschild, Salon de 1746, objets de toutes les attentions du public. Largement regardé, examiné et photographié L’Air, un aigle sur l’épaule, souffle littéralement aux visages des visiteurs. Il n'est pas masqué, lui !

François Gaspar Adam (Nancy 1710 - 1761 Paris) & Sigisbert François Michel (Nancy 1728 - 1811 Paris), Mars, 1764, marbre /  © François Gaspar Adam (Nancy 1710 - 1761 Paris), Minerve, 1760, marbre © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, septembre 2021.

François Gaspar, après ses séjours dans la Ville éternelle fera carrière auprès du souverain prussien Frédéric II qui le désigne comme son Premier sculpteur. Pour ce souverain et militaire "éclairé", il participe à la statuaire de Sans-souci dont Minerve et Mars, cette dernière statue avec l’aide de son frère Sigisbert François.

Nicolas Sébastien Adam (Nancy 1705 - 1778 Paris), Mausolée de Catherine Opalinska, marbres de différentes couleurs et marbre blanc, 1747-1749, église Notre-Dame-de-Bonsecours, Nancy © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, septembre 2021. Texte de Pierre-Hippolyte Pénet dans le catalogue au sujet de cette commande royale du souverain Stanislas Leszczynski pour honorer la mémoire de son épouse décédée au château de Luneville, âgée de 66 ans. Louis-Claude Vassé fut chargé d'édifier le Mausolée de Stanislas (1768-1775), placé en pendant de celui d'Adam.

Nicolas Sébastien Adam, Prométhée déchiré par un aigle, 1762, marbre. Musée du Louvre © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, septembre 2021, Nancy. Morceau de réception pour l'Académie royale de peinture et de sculpture où il fut agréé en janvier 1735. Présenté au Salon de 1763 ce morceau de bravoure n'était plus dans le goût du néoclassicisme des années 1760. 

Le troisième frère, Nicolas Sébastien, également reçu à l'Académie royale de sculpture fera carrière en France. Son chef-d'œuvre, visible à Notre-Dame-de-Bonsecours, est le monument funéraire de Catherine Opalinska, l'épouse de Stanislas Leszczynski, la reine accueillie par un ange lui montrant le ciel. Cette grande envolée, ce mouvement, se retrouve dans le marbre de  Prométhée déchiré par un aigle (1762), dans le bec de l'oiseau des dieux s'attaquant au titan dérobeur du feu, dont la torche est ã ses pieds, présenté face à une œuvre  préparatoire de 1738 en terre cuite. 

Et les neveux, les petits-fils Michel ?

Claude Michel dit Clodion (Nancy 1738 - 1814 Paris), Mausolée de Ninette, ca 1770, terre cuite. Nancy, palais des ducs de Lorraine - Musée lorrain © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, septembre 2021, Nancy. Composition non dénuée d'humour puisque le chien est représenté mort, étendu près d'une chaîne brisée; au registre inférieur, les atlantes sont remplacés par des chiens faisant le beau et posant les pattes sur des flambeaux de vie renversés

Après avoir succédé à son oncle François Gaspard à la cour de Prusse, Sigisbert François revient en France et avec son frère Pierre Joseph œuvrent pour des petites sculptures en terre cuite dans le goût d'une veine galante propre à séduire les amateurs. Formé également auprès de son oncle Lambert Sigisbert puis de Jean-Baptiste Pigalle, Claude dit Clodion à l'égal de ses deux frères travaille pour des connaisseurs privés dans des œuvres d'un retour à l'antique. De ce dernier, trois terres cuites, commande de Bergeret de Grandcourt, honorant les animaux de ce fastueux mécène, concluent cette exposition admirable, révélant cette talentueuse famille des Adam. Il n’y a pas que Pigalle, il n’y a pas qu’Houdon, il y a désormais les Adam ! Les Adam de Nancy.

Les Adam. La sculpture en héritage

18 septembre 2021 – 9 janvier 2022

Exposition hors les murs du palais des ducs de Lorraine-Musée lorrain présentée au musée des Beaux-Arts de Nancy

Commissariat Pierre-Hippolyte Pénet, conservateur du Palais des ducs de Lorraine-Musée lorrain (fermé pour rénovation) & Guilhem Scherf du département des Sculptures, musée du Louvre.

Catalogue remarquable, un vrai catalogue et non une suite de photographies. 346 pages. Prix 35 €.  

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, septembre 2021, Lunéville.

Dans le cadre de la saison consacrée à la sculpture lorraine au XVIIIe siècle, une seconde exposition se tient à Lunéville : La sculpture en son château. Variations sur un art majeur. Du 18 septembre 2021 au 9 janvier 2022. Commissariat Thierry Franz, responsable du musée du château de Lunéville & Guilhem Scherf du département des Sculptures, musée du Louvre. http://www.lecurieuxdesarts.fr/2021/12/la-sculpture-art-majeur-a-la-cour-de-luneville-au-xviiie-siecle.html

Louis Claude Vassé, Mausolée de Stanislas Leszczynski, marbres de différentes couleurs et marbre blanc, 1768-1775, église Notre-Dame-de-Bonsecours, Nancy © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, septembre 2021. Louis-Claude Vassé fut chargé d'édifier le Mausolée de Stanislas (1768-1775), placé en pendant de celui d'Adam Mausolée de Catherine Opalinska.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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