La sculpture, art majeur à la cour de Lunéville au XVIIIe siècle
Gilles Kraemer
Le 2 janvier 2003, le château de Lunéville, « le petit Versailles Lorrain », œuvre de Germain Boffrand - élève de Jules Hardouin-Mansart, l’architecte du château de Versailles - édifié entre 1702 et 1723, fut victime d’un gigantesque incendie. Les travaux de restauration sont en cours. Dans la seule salle restaurée et ouverte au public, dans ce qui fut l’antichambre des appartements ducaux et dans la salle voutée sous la chapelle, l’époque des règnes de Léopold (1698-1729), de son fils François III (1729-1737) et de Stanislas Leszcynski (1737-17666) revit magistralement, servie par la pertinente scénographie de Flavio Bonuccelli autour de variations sur un art majeur : celui de la sculpture au XVIIIe siècle.
Paris, miroir de toilette d'Elisabeth-Charlotte d'Orléans, 1718. Bronze doré, miroir au mercure, bois peint. H. 70?5 cm. ; l. 53,7 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer.
Année faste dans cette célébration, cette exposition est l’instant de présenter, au sein de son parcours, une acquisition majeure de Lunéville, en cours de finalisation, auprès du marché de l’art, la galerie Benjamin Steinitz, celle du miroir de toilette d’Élisabeth-Charlotte d’Orléans (1676-1744), duchesse de Lorraine et de Bar, épouse du duc Léopold (1679-1729). Cet exceptionnel objet était réservé à une cérémonie quotidienne : la toilette publique de la duchesse se déroulant tous les matins en présence des courtisans, instant public et théâtralisé. (1)
attribué à François Vallier, vers 1740-50, cadre aux armes de Stanislas Leszczynski. Bois sculpté et doré. H. 143 ; L. 90 ; Pr. 20 cm.. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer.
Autre pièce maîtresse rejoignant pour quelques mois les appartements de Lunéville, prêt de la collection de Jacques Garcia, une table d’applique, en bois sculpté et doré, ca 1720, dans une rocaille éblouissante aux chiffres du duc Léopold et de son épouse. Rien n’est trop beau pour la Lorraine ducale comme en témoigne aussi l’éblouissant cadre aux armes de Stanislas Leszczynski, en bois sculpté et doré, attribué à François Vallier.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, automne 2021.
Manufacture de Paul-Louis Cyfflé, Stanislas Leszczynski, vers 1776, biscuit de porcelaine hybride, Palais des ducs de Lorraine – Musée lorrain © Palais des ducs de Lorraine – Musée lorrain / Photo. Michel Bourguet.
Nous sommes accueillis par les portraits de marbre, de biscuit de porcelaine, de céramique, de terre cuite ou de bois de Sainte-Lucie, dédiés à la monstration de la gloire des souverains de la maison de Lorraine, tous reconnaissables à leur prognathisme, hormis Stanislas, roi polonais déchu.
Léopold de Lorraine. Terre cuite © Le Curieux des arts Gilles Kraemer.
François Dumont (ca 1688-1726), Prométhée enchaîné, 1710. Bronze. Hauteur 83 cm.. Royal collection trust - Her Majesty Queen Elizabeth II © Le Curieux des arts Gilles Kraemer.
François Dumont (ca 1688-1726), Titan foudroyé, 1712. Marbre. Hauteur 65 cm.. Musée du Louvre © Le Curieux des arts Gilles Kraemer.
La place décisive de l’architecte Germain Boffrand (1667-1754) est mise en avant ainsi que celle du sculpteur François Dumont dont témoignent le prêt insigne des collections de la reine Elizabeth II, le bronze de Prométhée enchaîné, 1710 et le marbre de Titan foudroyé, 1712, du même sculpteur, venu du musée du Louvre. Cette institution a prêté de nombreuses œuvres pour cette exposition reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture comme l'est également l'exposition de Nancy consacrée aux Adam, dynastie de sculpteurs. (2)
Atelier de Barthélemy Guibal (copie moderne d’après), Groupes provenant du bassin d’Arion créé pour les jardins du château de Lunéville, plomb, vers 1740 (pour les originaux), aujourd’hui au château de Schwetzingen (Allemagne, Châteaux et jardins d’État du Bade-Wurtemberg) © CD54-T. Franz.
La créativité du duc Stanislas se développe dans les jardins exubérants et inventifs, des angelots émaillent le parcours, l’atelier de Barthélemy Guibal compose de magnifiques fontaines, vers 1740, dont nombre se trouvent aujourd’hui en Allemagne, à Schwetzingen puisqu’à la mort de son beau-père, Louis XV donne l’ordre de vendre toutes les possessions du roi défunt, dernier duc de Lorraine. Arion chevauchant un dauphin, figure du poète sauvé par ce mammifère, exalte la valeur salvatrice de l’art. Comme un testament de ce souverain.
La sculpture en son château. Variation sur un art majeur
18 septembre 2021 – 9 janvier 2022
Château de Lunéville – 54 300 Lunéville
Commissariat Thierry Franz, responsable du musée du château de Lunéville & Guilhem Scherf, adjoint au directeur du département des Sculptures, musée du Louvre
(2) A Nancy, Les Adam. La sculpture en héritage - 18 septembre 2021 – 9 janvier 2022 - Exposition hors les murs du palais des ducs de Lorraine-Musée lorrain présentée au musée des Beaux-Arts de Nancy. Commissariat Pierre-Hippolyte Pénet, conservateur du Palais des ducs de Lorraine-Musée lorrain (fermé pour rénovation) & Guilhem Scherf du département des Sculptures, musée du Louvre. Pour Nancy, un catalogue remarquable, un vrai catalogue et non une suite de photographies. 346 pages. Prix 35 €. http://www.lecurieuxdesarts.fr/2021/10/jeu-des-sept-familles-a-nancy-les-adam-sculpteurs-eclaires-dans-l-europe-du-xviiie.html
Château de Lunéville © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, automne 2021