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Publié par Gilles Kraemer

Gilles Kraemer (générale du 2 juin 2021)

 

Comme une naissance, une renaissance en cette fin de printemps, après l’automne et l’hiver d’un sevrage culturel imposé par nos politiques vouant la culture aux enfers. Le plaisir (re)venait, celui du spectacle portant si bien son doux qualificatif de vivant, cette proximité des chanteurs, de l’orchestre. Palper enfin l’instant, ressentir la suspension, l’incommensurable désir. Et non plus regarder son écran ou écouter la radio. Ouvrir l’éventail des émotions.

Luciana Mancini (Euridice), Marc Mauillon (Orfeo), chœur La Capella Reial de Catalunya L'Orfeo par Pauline Bayle © Stefan Brion.

Ce soir, pour ce retour à la vie avec cette "fable mise en musique", nous nous retrouvions 414 années après, dans des conditions identiques à celles de la cour de Mantoue un 24 février 1607, assistant à la création d’un opéra. Il s’agissait de L’Orfeo de Claudio Monteverdi sur un livret d’Alessandro Striggio. L’Opéra Comique, ce 4 juin, rouvre ses portes avec cette fable interprétée par Le Concert des Nations et le chœur de la Capella Reial de Catalunya sous la direction mille étoiles de Jordi Savall.

Luciana Mancini (Euridice), Marc Mauillon (Orfeo), chœur La Capella Reial de Catalunya L'Orfeo par Pauline Bayle © Stefan Brion.

Allions-nous voir, dans une salle au tiers de sa jauge pour ses premières représentations, une mise en action griffée Covid-19 par Pauline Bayle, habituelle metteur en scène de théâtre ? Pour une fois, l’on échappe au diktat et à la furie des metteurs en scène encensés par le public modeux de Bastille, nous gratifiant de leurs lubies, parfois de leurs intransigeances. Souhaitons que cela change avec Alexander Neff qui aura fort à faire ; depuis longtemps la barque de l’Opéra parisien a coulé dans le port de la Bastille, son dernier administrateur s’étant installé dans la baie de Naples, devançant la fin de son mandat.

Le chœur se frôle, s’enlace, se touche, les amants s’embrassent, les mains s’unissent, les trois corps du noir Cerbère s’entrelacent. Incroyable, irréel. Le seul élément d’un changement - l’épée de Damocles de la pandémie est toujours là -, sera l’absence de décors hormis la projection d’une forêt à l’acte V - nul rocher, nul arbre émus par le chant orphique -, la robe nuptiale d’Euridice descendant des cintres, un espace lumineux pour les réjouissances des deux premiers actes, un espace sombre pour les Enfers et le final avec un sol couvert de cendres.

Comme des retrouvailles dans le prologue, le chœur s’avance vers nous, un peu peace and love, pieds nus, dans des costumes délicieusement pastels genre je reviens des bords du Gange avec des bouquets de fleurs rouges que je vais planter autour des amoureux. Comme une bande de jeunes faisant enfin la fête après trois longs confinements ponctués de couvre-feux. Il s’agissait de célébrer les épousailles d’Orfeo et d’Euridice. Mais, les belles amours ne sont pas éternelles et leurs destinées  sont mortelles. Pour l’instant, tout va bien, Musica / Luciana Mancini / plus tard Euridice dans un rôle très court, est là pour nous émouvoir, de rouge vêtue, par sa voix très maîtrisée.

Luciana Mancini (Euridice), Marc Mauillon (Orfeo) L'Orfeo par Pauline Bayle © Stefan Brion.

 

Une scénographie épurée, un placement des chanteurs sage, parfois trop sage - mais il s’agit de la première mise en scène de Pauline d’un opéra - convenant à cette histoire du regard interdit et mortel. Plutone / Salvo Vitale à la voix sombre et assurée, également Caronte, à la voix jaillissant du plus profond des abysses, le dieux des Enfers avait été intraitable sur ce point : l’on ne revient jamais du royaume des morts. À ce jeu, le présomptueux Orfeo perdra. Aucun joker pour ce capricieux amant de la nymphe, même s’il est demi-dieu et qu’il se pensait plus fort que le maître des espaces souterrains. Dommage car Proserpina / Marianne Beate Kielland, de ses accents émouvants avait su fléchir son époux.

 Marc Mauillon (Orfeo) L'Orfeo par Pauline Bayle © Stefan Brion.

Marc Mauillon / Orfeo est le dieu de cette représentation, dans ses instants de joie nuptiale, de séduction de l’intrétable Caronte, de retournement de Plutone, d’amant inconsolable avant d’obéir à Apollo / Furio Zanasi l’obligeant à le suivre. Le grand triomphateur de cette soirée, qui aura permis, espérons-le, aux arts de la vie de s’échapper définitivement des enfers.

Voyons dans cet Orfeo un signe des dieux, le retour des arts puisqu’Apollon règne sur les muses et qu’Orphée le seconde.

L’Orfeo © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, mercredi 2 juin 2021.

Claudio Monteverdi, L’Orfeo, Favola in musica en un prologue et cinq actes, livret d’Alessandro Striggio - Créée à la cour de Mantoue le 24 février 1607

Opéra Comique - Paris

4, 6, 7, 9 & 10 juin 2021

Direction musicale Jordi Savall

Mise en scène Pauline Bayle

Décors Emmanuel Clolus

Musica / Euridice nymphe, Luciana Mancini, mezzo-soprano

Orfeo, fils d’Œagre, roi de Thrace, et de Calliope, muse de la poésie, Marc Mauillon, baryton

Messaggera, Sara Mingardo, alto

Speranza / Proserpina, Marianne Beate Kielland, mezzo-soprano

Apollo, Furio Zanasi, baryton

Caronte le passeur des Enfers /Plutone, Salvo Vitale, basse

Orchestre Le Concert des Nations

Chœur La Capella Reial de Catalunya

 

L’Orfeo © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2 juin 2021.

Spectacle capté par Fra Prod et enregistré par Radio France puis diffusé sur Mezzo en direct le 10 juin à 20h et sur France Musique le 3 juillet à 20h.

Si j'étais Orphée en 2021, qui oserait se retourner ? La plateforme communautaire dédiée à la photographie Wipplay et l’Opéra Comique s’associent pour un jeu-concours Si j’étais Orphée en 2021 et imaginer le voyage d’Orphée aujourd’hui à travers un concours photos, l’occasion de se réapproprier en images le mythe grec. Jusqu’au 16 juin 2021. Toutes les infos derrière ce lien. https://www.opera-comique.com/fr/actualites/jeu-concours-si-j-etais-orphee-2021

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