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Publié par Gilles Kraemer

Gilles Kraemer

Dorante, le Bourgeois gentilhomme & madame Jourdain © Stefan Brion.

Ouverture en grandes pompes et en majesté pour cette comédie-ballet créée pour le roi à Chambord, en 1670. L’action, en un seul lieu et un seul jour, se déroule dans l’unique décor de Félix Deschamps, la maison du sieur Jourdain/ Jérôme Deschamps, plus bourgeois que gentilhomme, rang auquel il aspire s’élever en mariant avec un noble sa fille Lucile. Dot conséquente contre un titre, cela rappelle les mariages entre les héritières américaines coffres-forts et les nobles désargentés français.

Le fiancé de cœur Cléonte/ Aurélien Gabrielli l’apprendra à ses dépens, interrogé par le bourgeois, en mettant en avant comme uniques quartiers, les nobles sentiments d’amour qu’il porte envers Lucile. Peine perdue.

Le Bourgeois gentilhomme & Cléante © Stefan Brion.

De la maison du bourgeois, rien à dire, elle est très bien tenue. Nicole, nullement la langue dans sa poche, n’a de cesse de passer la serpillière ou le balai bissell, de capturer des surmulots - selon la logorrhée du Conseil de Paris, moins connecté négativement que rat -, faisant le lit ou repassant. Qu’il est comique ce bourgeois, niant ses parents, dans les habits dont Vanessa Sannina l’a affublé ! Turban du lever et chaussons roses, habit rose et vert. Une vrai gelata aux couleurs chimiques ! Normal, le maître en musique de ce divertissement royal est le florentin Lully sous la direction du très jeune chef et violoniste Théotime Langlois de Swarte (1995) remplaçant au " pied levé " Marc Minkowski qui devait assurer les premières représentations. Direction sensible, parfaite pour cette comédie, mi-ballet, mi-chantée. Avec l’incise du Te Deum de Charpentier. Dans une chorégraphie de Natalie Van Parys, s’inspirant avec tact des ballets du XVIIème siècle.

Le Bourgeois gentilhomme © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, mars 2023.

Il fallait bien se divertir à la cour de Louis XIV; l’ambassade de Soliman Aga, l’envoyé de l’empereur ottoman, le sultan Mehmet Khan, reçu le 5 décembre 1669 à Saint-Germain-en-Laye par le roi en habit de brocard couvert de diamants, étant dans les mémoires. Messieurs Molière & Lully composèrent donc une pièce dans laquelle l’on puisse " faire entrer quelque chose des habillements et des matières des Turcs. ". Œuvre de connivence entre le Français et l’Italien au service du Soleil.

Comique et ridicule. Irrésistible.

Maître de musique/ Sébastien Boudrot précieux, Maître de danse/ Guillaume Laloux se gossant de Jourdain avec subtilité. Il paye et bien ma foi, autant lui en donner pour son argent et lui faire croire qu’il est le meilleur et qu’il excelle dans l’excellence… Le seul, brut de décoffrage, ne prenant pas de gants est le Maître d’armes/ Vincent Debost, pas tellement sportif de par sa corpulence, faisant valoir sa force et le menant à la baguette. Le maître de philosophie/ Jean-Claude Bolle Reddat, sait lui faire entendre qu’il manie subtilement prose et rime et que tout ce qu’il dit est frappé de bon sens. Le ridicule culmine, que ne lui fait-on pas subir, avec le Tailleur/ Sébastien Boudrot lui remettant son habit vert, doublé de rose, en musique. Bon enfant, acceptant tout, sincère, il ferait presque pitié ce bourgeois.

Le Bourgeois gentilhomme © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, mars 2023.

Benêt, Jourdain est bien l’unique à ne s’apercevoir de rien. Même Nicole, riant à gorge déployée, se tordant de rire, se roulant par terre d’une façon un peu excessive, ne peut le ramener à la raison. Tentative également inutile de son épouse/ Josiane Stoleru. La folie des grandeurs règne dans cette maison, ce dont le comte Dorante/ Guillaume Laloux, sans le sou, profite, sachant avec condescendance se jouer de lui en lui racontant des bobards, ne cessant de lui réclamer de l’argent pour séduire la belle veuve Dorimène, dont d’amour ses beaux yeux le font souffrir.

Instant hilarant, celui de la réception de Dorante et Dorimène par le bourgeois qui les a invités à dîner. Un peu surjoué mais tellement comique, le cochon vivant sur la table que le bourgeois a occis avec un Laguiole après l’avoir assommé, sortant de son ventre diverses charcutailles et… du jambon blanc Fleury Michon. Le repas, arrosé, laissera quelques traces sur ce trio improbable, Jourdain croyant la marquise amoureuse de lui.

Cette farce culmine dans l’intronisation de Jourdain comme Mamamouchi par Cléante et son valet Corvielle/ Vincent Debost, le bourgeois berné consentant à l’union de Cléante et de Lucile.

Tout finit bien et en chanson dans cette représentation réjouissante.

Le Bourgeois gentilhomme, comédie-ballet en cinq actes de Molière. Musique de Jean-Baptiste Lully. Création au château de Chambord le 14 octobre 1670

Mise en scène Jérôme Deschamps

Décors Félix Deschamps - Costumes Vanessa Sannino

Chorégraphie Natalie Van Parys - Lumières François Menou

Lucile - Flore Babled, Pauline Gardel

Le Maître de Philosophie -Jean-Claude Bolle Reddat

Le Maître de musique, le Tailleur -Sébastien Boudrot

Covielle, le Maître d’armes -Vincent Debost

Monsieur Jourdain - Jérôme Deschamps

Dorimène - Pauline Deshons, Bénédicte Choisnet

Cléonte - Aurélien Gabrielli  //  Dorante, le Maître de danse - Guillaume Laloux

Madame Jourdain - Josiane Stoleru  //  Nicole - Pauline Tricot, Lucrèce Carmignac

Chanteurs : Sandrine Buendia, Natalie Pérez, Constance Malta-Bey, Nile Senatore, Lisandro Nesis, Jérôme Varnier, Nabil Suliman  //  Danseurs : Anna Chirescu, Léna Pinon Lang, Artur Zakirov, Quentin Ferrari, Maya Kawatake Pinon

Orchestre Les Musiciens du Louvre / L’Académie des Musiciens du Louvre, en partenariat avec le Jeune Orchestre de l’Abbaye et le CRR de Pari

 

Suite à une chute occasionnant une fracture, Marc Minkowski annula les représentations du Bourgeois gentilhomme qu’il devait diriger les 16, 17, 18 et 25 mars, tandis que Théotime Langlois de Swarte était annoncé les 19, 21, 22, 23, 24 et 26 mars 2023. Théotime Langlois de Swarte assure l’ensemble des 10 représentations (du 16 au 26 mars) au pupitre des Musiciens du Louvre.

 

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