Auguste Bartholdi, de l’Égypte à la statue de la Liberté – Dijon, musée Magnin
Gilles Kraemer
déplacement et séjour à titre personnel à Dijon.
En 17 photographies et une quarantaine de dessins d’Auguste Bartholdi (Colmar 1834 – 1904 Paris), le musée Magnin à Dijon retrace le voyage de celui-ci en Égypte et au Yémen, de novembre 1855 au 2 juin 1856. Puis son second voyage en 1869 au pays des pharaons permettant d’écrire que l’idée de la Liberté éclairant le monde naquit sur les bords du canal de Suez. Incroyable mais vrai !
Comme le souligne Sophie Harent, commissaire de cette petite et très pertinente exposition par les regards portés sur ce sculpteur, " Il retourne en Égypte avec un projet de phare pour le canal de Suez présenté à Ismaïl Pacha. L'échec de cette statue de 26 mètres de haut sur un piédestal de 15 mètres deviendra sa force puisqu'elle aboutira à la statue de la Liberté en 1886. Ce refus l'a propulsé, alors que Ferdinand de Lesseps n’avait pas appuyé son projet auprès d’Ismaïl Pacha " .
Auguste Bartholdi, L’Égypte apportant la lumière à l’Asie ou L’Égypte éclairant l’Orient, 1869. Dessin. Colmar, musée Bartholdi © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Dijon, musée Magnin, février 2020.
Cette Égypte éclairant l’Orient ou Égypte apportant la lumière à l’Asie, représentant une femme vêtue à l’antique brandissant du bras droit ou gauche un flambeau, il suffit de franchir l’Océan pour la voir, revisitée à Liberty Island, à l’embouchure de l’Hudson, brandissant au bout de son bras droit une torche. Il aura aussi l’idée d’un mausolée au vice-roi Mohammed Ali, le fondateur de l’Égypte moderne, assis, appuyé contre un lion, une sorte de chou à la crème à la mode Mausolée d’Halicarnasse et d’une extravagante fontaine monumentale pour Le Caire. Pas de suite, heureusement.
« C'est à un voyage initiatique » que nous sommes conviés, sur les pas de Bartholdi parti en Égypte - il a 22 ans - avec Jean-Léon Gérôme – il a 32 ans -, un ordre de mission d’Hyppolyte Fortoul, ministre de l'Instruction publique et des Cultes en main, prescrivant " l’étude des antiquités, en Égypte, en Nubie et en Palestine, ainsi que la reproduction photographique des principaux monuments et des types, humains les plus remarquables de ces différents pays ". Sur le même bateau, entre Marseille et Alexandrie, voyage Ferdinand de Lesseps.
Bartholdi n'est nullement un néophyte de la photographie. Dès juillet 1854, il a pris ses premières leçons, donnant sa préférence au calotype ou négatif papier. Dans ses bagages, feuilles de papier, crayons, l’encombrant appareil photographique et des papiers iodurés et cirés pour réaliser des calotypes. De ce voyage, il rapporte environ 70 négatifs, dont des vues du Yémen. " Il est le premier, et c'est ce que montre cette exposition, à capter photographiquement ce pays qui s'ouvre à l'étranger." Les quatre photographies Garnison turque à Hudayda, Maison d’Hudayda, sa maison à Bayt al-Faqîh et Vue partielle d’Aden en transmettent le souvenir.
Auguste Bartholdi, Portrait de Hassan Abdallah, Égypte, 1855-1856. Pierre noire et rehauts de sanguine et de blanc sur papier rose-saumon marouflé sur support cartonné. Titré en bas à droite. Colmar, musée Bartholdi © Musée Bartholdi Colmar © Photo Christian Kempf.
Peu de portraits photographiques, si ce n’est celui de Gérôme sur le pont du dahabied Jaffar Pacha. Le temps de pose était très long. Et, surtout, comment demander aux égyptiens l’accompagnant lors de la remontée puis de la descente du Nil de "se laisser capter" par ce mystérieux appareil "volant leur image". Le matelot Hassan Abdallah ou le négociant en café Girgis Sawa se prêteront plus au portrait dessiné, voyant l’artiste les représenter sur une feuille, en direct. La photographie, il la consacre aux monuments ou au paysage. Des prisons d’Esnée (Esna) aux temples d’Edfou et à l’île de Philaé ou à Assouan, il dessine et photographie. " Sa démarche est ethnographique. Ses dessins s'annotent du nom du village ou de celui de la personne rencontrée ".
Auguste Bartholdi, Auguste Bartholdi et Jean-Léon Gérôme en costume oriental, 1855-1856. Photographie (épreuve sur papier salé, à partir d'un calotype négatif). Colmar, musée Bartholdi © Musée Bartholdi Colmar © Photo Christian Kempf.
Seul "selfie", celui où il s'immortalise avec Gérôme, tous les deux habillés en fellahs. Bartholdi ira jusqu'à se faire raser complètement la tête, pour ressembler à un égyptien. Gérôme utilisera plus tard certaines des photographies de son compagnon pour ses toiles. Les Colosses de Thèbes du musée Georges-Garret de Vesoul et Marchand de chevaux au Caire du musée Higgin de Stockton https://hagginmuseum.org/fine-art/ en sont la représentation.
Auguste Bartholdi, Maison ottomane du XVIIIe siècle, à Mukhâ (?). Photographie. Colmar, musée Bartholdi © Musée Bartholdi Colmar © Photo Christian Kempf. Le moucharabieh se retrouvera dans le tableau de Gérôme.
L’infatigable Bartholdi entreprend seul un nouveau voyage en direction du Yémen (24 mars - 23 mai). Direction Aden, Mukhâ, Zabîd, Bayt al-Faqîh et Hudayda. Il rêve de Sanaa, la terre de la reine de Saba mais il n’y parviendra pas, trop dangereux. Après un arrêt en Somalie, il regagne Aden puis Suez. Quelques jours plus tard (2 juin 1856), il embarque à Alexandrie pour Marseille. L’aventure est terminée.
In situ de l’exposition © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Dijon, musée Magnin, février 2020.
Auguste Bartholdi, Café sur les bords du Nil (Égypte), 1860. Signé A[milcar] Hasenfratz (pseudonyme de Bartholdi). Huile sur toile. Salon de 1861, n° 1456. Colmar, musée Bartholdi © Musée Bartholdi Colmar © Photo Christian Kempf.
Ce voyage n'aura pas d'incidence sur sa sculpture si ce n’est La lyre chez les Berbères (1857) mais, l'ex-élève d’Ary Scheffer présentera des toiles de souvenirs, lors du Salon. Sous les pseudonymes d’Amilcar Hasenfratz (gueule de lièvre) pour Café sur les bords du Nil (Salon de 1861) et Appareils d’arrosage sur les bords du Nil (Salon de 1864) puis d’Auguste Sonntag (dimanche).
Auguste Bartholdi en Orient (1855-1856)
22 novembre 2019- 16 février 2020. Prolongation au 8 mars 2020
Musée Magnin – 21 000 Dijon
Commissariat Sophie Harent, conservateur en chef, directeur du musée national Magnin avec la collaboration de Lucile Champion-Vallot, médiatrice culturelle
Livret de visite offert.
Catalogue de l’exposition De la Vallée des Rois à l’Arabie heureuse. Bartholdi en Égypte et au Yémen, Belfort, été 2012. Éditions Snoeck.
Au musée des Beaux-Arts de Dijon Palais des ducs et des États de Bourgogne Le Grand Tour, voyage(s) d'artistes en Orient, 22 novembre 2019 - 9 mars 2020. http://www.lecurieuxdesarts.fr/2020/02/entre-realite-et-fantasme-l-orientalisme-au-xixe-siecle-dijon-musee-des-beaux-arts.html