Bruno Peinado s'affiche à La Poste. MRAC Sérignan
Bruno Peinado, Il faut reconstruire l'Hacienda, ou comment moins par moins égal à plus, œuvre pérenne sur la façade de l'extension du MRAC Languedoc Roussillon Midi Pyrénées, 2016 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'extension du MRAC Sérignan, 20 mai 2016
Ceci passe comme une lettre à la poste. C'est Jour de fête permanent à Sérignan depuis que Bruno Peinado (né en 1970) a décidé de s'afficher d'une façon pérenne sur les murs de La Poste en y posant ses immenses post-it® de couleurs et ses écrans publicitaires Trivisions - heureusement vierges de publicité - recouvrant les trois murs de ce bâtiment à l'architecture plus qu'ingrate et qu'il fallut gommer visuellement. Faire oublier son arche monumentale. Disparue. Faire oublier le crépi terre saumon. Gommé au profit du gris des murs du Musée régional d'art contemporain existant pour l'appliquer sur la totalité de la façade de l'extension.
Sandra Patron et Bruno Peinado © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'extension du MRAC Sérignan, 20 mai 2016
Extension réussie de ce bâtiment adjacent au MRAC de Sérignan. La région avait acquis en 2013 le premier étage de la Poste soit 420 m², augmentant de 25 % la surface initiale d'exposition pour la porter à plus de 2 000 m². "Ma feuille de route, arrivant ici en septembre 2014, comme le précise Sandra Patron la directrice, était la concrétisation de cette extension à la particularité d'être située au-dessus de la Poste. La volonté de la région était une commande à un artiste pour marquer l'espace public, signifiant par cette œuvre d'art l'extension".
Choix plus qu'évident que celle de l'enfant du pays, Bruno Peinado, natif de Montpellier, y ayant effectué ses études à l'École nationale supérieure des beaux-arts. Au vue de sa pratique : la captation permanente du contexte et des forces en présence en se nourrissant de l'espace des lieux, cette œuvre in situ Il faut reconstruire l'Hacienda, ou comment moins par moins égal à plus puise dans l'histoire du musée liée à Support/Surface, aux abstractions et avant-gardes, dans un jeu en écho avec Morellet, Bioules et la forte présence de l'œuvre in situ de Daniel Buren Rotation sur les façades vitrées du MRAC.
Bruno Peinado devant Il faut reconstruire l'Hacienda © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'extension du MRAC Sérignan, 20 mai 2016
La démarche de Bruno Peinado ne fut pas celle de jouer avec les couleurs et les fenêtres - il fallait occulter celles existantes - comme chez Daniel Buren mais d'apposer des éléments sur trois façades. Passant très rapidement d'un propos à l'autre, jonglant sans cesse avec les références, difficile parfois de ne pas se perdre dans les circonvolutions de ses propos, il n'hésite pas à convoquer et l'Espagne et la fonction première du musée qui fut une coopérative viticole et l'arche de l'ancienne façade lui inspirant une hacienda. Et d'y inciser un texte situationniste d'Ivan Chtcheglov : Formulaire pour un urbanisme nouveau, 1953, publié dans L'Internationale Situationniste, juin 1958. Les neurones ne restent jamais inactifs lorsque l'on rencontre Bruno Peinado !
Daniel Buren, Rotation. Œuvre in situ pour le MRAC Sérignan © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, MRAC Sérignan, 20 mai 2016
"À partir de la phrase "L'Hacienda, tu ne la verras pas. Elle n'existe pas . / Il faut construire l'Hacienda" j'ai souhaité réaborder les outils pour nous réapproprier notre époque" insiste Bruno Peinado. Il souligne qu'il a grandi dans le Sud "où j'ai construit mon imaginaire dans une relation à l'horizontalité, à la couleur, au coucher de soleil dans la lagune . Tout mon travail découle de cette reconsidération de revenir à ces moments de jeunesse". Languedoc et Roussillon, deux régions en une proximité géographique et voici qu'il cite Henri Matisse et Porte-fenêtre à Collioure (automne 1914) qui aborde les bases de l'abstraction et la fenêtre ouvrant sur le monde. "L'idée est de mettre en porosité ces enseignes publicitaires [scandant les rues de Sérigan] avec une réflexion sur le tableau comme fenêtre, comme miroir , comme un geste pictural. Tous ces tableaux, qui sont des enseignes qui n'en sont pas, sont en dialogue avec des enseignes qui se seraient émancipées d'un message". Ses tableaux disposés en un certain ordre sur les murs, clins d'œil aux monochromes d'Olivier Mosset - du groupe BMPT dont fit partie Buren - sont "comme des signes, comme des notes sur une partition".
Applaudissements, standing ovation. Bravo maestro Peinado pour cet accord parfait avec l'œuvre de Buren.
Bruno Peinado, The Haçienda must be built, 2016. Techniques mixtes, dimensions variables. Exposition Bruno Peinado, Il faut reconstruire l'Hacienda, MRAC Sérignan © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition, 20 mai 2016
L'exposition Il faut reconstruire l'Hacienda que lui consacre le MRAC est la cerise sur le gâteau. Chanceux plasticien. Dans la salle du bas, l'exposition prolonge l'interrogation de l'espace public. Nous sommes dans une agora, dans une récréation de mondes à la Chirico et Groupe Memphis, dans une multiplicité de couleurs et de formes mises en perspective, avec la reconstitution du dancefloor du club The Haçienda à une échelle de l'intimité. Ce lieu mythique, créé à Manchester par un groupe de musiciens souhaitant des mises en tension entre une culture populaire et une culture engagée politiquement, est habité par "une servante" une ampoule allumée au bout de colonne. Pendant toute la durée de l'exposition, il devient lieu de rencontres souhaité par l'artiste avec des concerts, performances, lectures ou conférences tous les dimanches après-midi. Et... c'est gratuit. Il n'y a pas que la plage... . Est-ce pour ceci que vous pourrez acquérir à la boutique du musée un produit dérivé, s'il en reste encore : une serviette de plage dont il a dessinée le motif ?
Bruno Peinado, Dessins, Cabinet d'arts graphiques Exposition Bruno Peinado, Il faut reconstruire l'Hacienda, MRAC Sérignan © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition, 20 mai 2016.
Direction le Cabinet d'arts graphiques, à la disposition chantier aux cloisons placoplatre® pour ces "petits dessins intimes qui sont comme des fugues dans une composition musicale", disposés le long des murs sur une, deux ou trois hauteurs, dans un mouvement de circonvolution. Ces dessins se déplient et ré-inventent une ligne d'horizon jouissive dans la délicatesse de ces aquarelles, des tâches de couleurs et de formes dans l'espace.
Bruno Peinado, Good Stuff, The Pleasure Principle, 2016. Jeu de cartes en mélaniné sur contreplaqué, 173 x 114 x 1, 5 cm chaque. Exposition Bruno Peinado, Il faut reconstruire l'Hacienda, MRAC Sérignan © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition, 20 mai 2016
Tout est en place pour l'inauguration officielle de l'extension du MRAC Sérignan © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, 20 mai 2016
Dans le nouvel espace barré par l'horizontalité d'une baie vitrée immense, il a disposé Good Stuff. The Pleasure Principale, des gigantesques cartes de jeu, des pans de couleurs absorbant ou rejetant la lumière. Cette construction tridimensionnelle, sculpture-work in progress, s'enroule harmonieusement autour des colonnes. Peinado, un plasticien bien dans ses baskets, bien dans ses superbes chaussettes, façon Peinado avec un zeste de Viallat !
Gilles Kraemer
Bruno Peinado. Il faut reconstruite l'Hacienda
21 mai-9 octobre 2016
Musée régional d'art contemporain Languedoc Roussillon Midi Pyrénées - 34410 Sérignan
Commissariat de Sandra Patron
http://mrac.languedocroussillon.fr/
Et aussi exposition La Promenade. Le MRAC bénéficie pendant 5 années d'un dépôt de 170 œuvres de la collection du Fonds national d'art contemporain gérée par le Cnap. Arrêtez-vous devant Canary (2009), neuf photograures à la poudre d'or de Carsten Höller, des oiseaux hybrides créés par cet artiste.
Heureux mois de mai pour Bruno Peinado ! Le 24 mai 2016, Bruno Julliard, premier adjoint à la mairie de Paris dévoila le nom des quatre artistes et de l'architecte (Odile Decq) choisis par les groupes de riverains assurant le rôle de commanditaires pour l’installation d’œuvres dans l’espace public. Celles-ci accompagneront le T3 Nord dans le cadre de l’action Nouveaux commanditaires de la Fondation de France. L’extension du tramway T3 de 4,3km et de 8 stations dans les 17e et 18e arrondissements de Paris, s'étend de la Porte de la Chapelle à la Porte d’Asnières. Pour le programme artistique qui accompagne ce nouveau tronçon, la Ville de Paris a mis en place un partenariat avec la Fondation de France autour de son action Nouveaux commanditaires. Cette action permet à des citoyens de devenir acteurs du développement de leur territoire en invitant des artistes à réaliser des œuvres liées à des problématiques qu’ils ont identifiées. Sur le site de la Porte de Saint-Ouen, Bruno Peinado répondra aux enjeux de la commande d’un groupe réunissant des personnels de l’Hôpital Bichat Claude Bernard et un ancien patient.
Vues du MRAC Sérignan et de l'exposition Bruno Peinado © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, 20 mai 2016