Au premier plan, Surveste sur vêtement Delphos, après 1909. Au second plan, Mariano Fortuny, Portrait d'Henriette Fortuny en costume pompéien, 1935. Au sol, patrons de tissus après 1910 © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, exposition Henriette Fortuny. Ritratto di una musa, Museo Fortuny Palazzo Pesaro degli Orfei, Venise, janvier 2016.
Le plissé Fortuny ? Sait-on ou se souvient-on que ce brevet d'étoffe plissée-ondulée est la propriété d'Henriette Nigrin (future Madame Mariano Fortuny), son inventeur et qu'il fut déposé auprès de l'Office National de la Propriété Industrielle de Paris le 10 juin 1909 ?
Succès commercial immédiat. Contrefaçon immédiate aussi de la part des Galeries Lafayette qui copièrent en 1913 le vêtement Delphos ; ce grand magasin fut reconnu coupable après une procédure qui se termina en 1925.
Manufacture Fortuny. Surveste sur vêtement Delphos, après 1909. Détail. Taffetas de soie plissé et gaze de soie imprimé. Collections du Musée Fortuny, inv. 016 et C29 © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, exposition Henriette Fortuny. Ritratto di una musa, Museo Fortuny Palazzo Pesaro degli Orfei, Venise, janvier 2016.
Palazzo Pesaro degli Orfei in campo San Beneto. Le musée Fortuny. Comme se plaît à le souligner Daniela Ferretti, directrice de cette institution vénitienne en nous présentant cette exposition, ce palais s'il fut lieu de création de Mariano Fortuny (Grenade 1871 - 1949 Venise), transformé aujourd'hui en musée, n'est pas seulement ceci. "Il possède quelque chose d'autre, cet indéfinissable, cet impalpable" que l'on ressent à chaque fois que l'on parcourt l'immense salon du 1er étage. "Ce n'est pas seulement un des musées de la ville, pas seulement un palais, pas seulement une maison. Il possède une âme, celle de Mariano, toujours aussi présente. Inhabitée, cette demeure est vivante". Aujourd'hui Adèle Henriette Elisabeth Nigrin (Fontainebleau 1877 - 1965 Venise), l'épouse de Mariano y revient, celle qui fut sa muse dès 1902, contribuant d'une façon déterminante au succès des extraordinaires créations textiles de Mariano pendant 47 ans. Ces créations qui n'échapperent à Marcel Proust. "De toutes les robes ou robes de chambre que portait Mme de Guermantes, celles qui semblaient le plus répondre à une intention déterminée, être pourvues d'une signification spéciale, c'étaient ces robes que Fortuny a faites d'après d'antiques dessins de Venise.".
Vues de l'exposition Henriette Fortuny. Ritratto di una musa, Museo Fortuny Palazzo Pesaro degli Orfei, Venise © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Venise, janvier 2016
Cette exposition redonne toute sa place à Henriette, la place importante qu'elle tint auprès de Mariano. Vous en saurez encore plus en parcourant les deux étages du Palazzo, en lisant Henriette et Mariano. Les empreintes des icônes / Le impronte degli iconauti, texte de Claudio Franzini dans le catalogue. Vous apprendrez que Mariano s'occupait de la direction artistique et technique de l'impression des tissus de coton dans l'établissement de l'île de la Giudecca, son épouse gérant la production des tissus de soie et de velours au Palazzo Pesaro degli Orfei.
Vous saurez que l'autre création célèbre de Fortuny, l'écharpe en taffetas de soie imprimée, inspirée de motifs crétois, minoens et hellénistiques : le Knossos (450 x 110 cm), fut lancée d'une façon spectaculaire à Berlin, en novembre 1907, lors d'une matinée présentée par le poète Hugo von Hofmannsthal avec une danseuse accompagnée d'un violoncelliste, présentant les différentes façons de porter cette étoffe. Terriblement "fashionable" avant l'heure ! Choisir l'Allemagne et non Paris, la capitale de la mode, quel "super plan" médiatique !
Vues de l'exposition Henriette Fortuny. Ritratto di una musa, Museo Fortuny Palazzo Pesaro degli Orfei, Venise © photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Venise, janvier 2016
Henriette Fortuny renaît dans l'hiver vénitien, sous le commissariat de Daniela Ferretti et Cristina Da Roit : Ritratto di una musa (Portrait d'une muse). En une exposition de pièces issues de l'archive et des collections du musée, de la bibliothèque Mariano Fortuny, du fonds Mariutti-Fortuny de la Bibliothèque Marciana à Venise. Et de collections privées pour les matrices de bois utilisées pour l'impression des tissus.
Le tout dans une mise en espace de Daniela Ferretti et de Francesca Boni. Effet magnifique et magique d'avoir disposé tout simplement les robes Delphos sur les marches de la grande échelle d'atelier ou au milieu du salon. Rien d'autre que des robes sur des mannequins. Sur les murs drapés de tissus et en vitrines, des matrices, des tissus imprimés, des patrons d'étoffes, des photographies des vêtements, des ateliers et du couple. Tout ressurgit. Comme si tous ces objets avaient toujours été présents ici. L'atmosphère si "fortunyenne" conservée. L'on est loin du musée d'Orsay et d'un metteur en scène d'opéra qui enferma des robes dans des cylindres de verre posés sur un moquette-gazon, avec en fond musical le champ des oiseaux ! L'impressionnisme revisité façon Une après-midi à la campagne !
Faudra-t-il signaler que l'autre exposition vénitienne au Correr : Sciavone, a bénéficié elle aussi de l'accrochage de la directrice du Palazzo. Dommage que cette institution municipale de la place saint Marc n'ai pas jugé utile de faire de la publicité pour cette remarquable exposition. Seulement un minuscule calicot plaqué sur la façade napoléonienne du Correr - service minumum - plus prompte à l'accueil de grandes bâches publicitaires pour une maison de champagne ou de mode ou une montre. Une dizaine d'amateurs lors de mes deux journées de visite au Correr. C'est peu...
Au premier plan, de la Manufacture Fortuny : Surveste sur vêtement Delphos, après 1909. Détail. Taffetas de soie plissé et gaze de soie imprimé. Collections du Musée Fortuny, inv. 016 et C29 & au second plan Mariano Fortuny, Portrait d'Henriette Fortuny en costume pompéien, 1935. Tempera sur bois, 218 x 132 cm.. Archives Musée Fortuny, inv. FORT0061 © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, exposition Henriette Fortuny. Ritratto di una musa, Museo Fortuny Palazzo Pesaro degli Orfei, Venise, janvier 2016.
Dernier regard. Sur le mur du fond, au dessus de l'immense canapé, le grand tableau d'Henriette en costume pompéien (1935) peint par Mariano, émerge de la nuit. Très forte image d'une exposition magnifiant la simplicité et l'éternel des créations de Mariano et... d'Henriette.
Gilles Kraemer (déplacement et séjour à Venise à titre personnel)
Henriette Fortuny. Ritratto di una musa
19 décembre 2015 - 13 mars 2016. Exposition prolongée jusqu'au 1er mai 2016
Museo Fortuny Palazzo Pesaro degli Orfei - Venezia
Vaporetto Sant' Angelo (ligne 1) ou San Samuele (ligne 2)
Dans le cadre d'Inverno a Palazzo Fortuny, quatre expositions : Henriette Fortuny. Ritratto di una musa; Romaine Brooks. Tableaux, dessins, photographies; Sarah Moon. Omaggio a Mariano Fortuny & Ida Barbarigo. Erme e Saturn. Sous la direction de Daniela Ferretti. Catalogue pour chacune.
Ringraziamenti a Daniela Ferretti per la sua accoglienza. E a l'Ufficio stampa della Fondazione Musei Civici di Venezia.
Exposition à voir et à revoir : Splendeurs de la Renaissance à Venise. Schiavone entre Parmigianino, Tintoret et Titien / Splendori del Rinascimento a Venezia. Schiavone tra Parmigianino, Tintoretto e Tiziano. Musée Correr. 28 novembre 2015 - 10 avril 2016. Catalogue, 432 pages, 230 illustrations. Éditions 24 Ore Cultural. Pour 35 euros, ce catalogue indispensable est un cadeau.
Un souhait ! Que le Palais Galliera imagine une exposition autour des Fortuny. N'y eut-il pas un magasin Fortuny à Paris où la comtesse Greffhule, à laquelle l'institution parisienne consacre cet hiver une exposition, s'habillait ?
http://www.palaisgalliera.paris.fr/fr/oeuvre/robe-delphos-mariano-fortuny
Manufacture Fortuny. Vêtement Delphos, après 1909. Taffetas de soie plissé, 146 cm de hauteur. Collections Musée Fortuny. inv. C016 @ Paolo Utimpergher.