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Publié par Gilles Kraemer

Anish Kapoor. Ascension (2003 - 2015), installation spécifique, divers supports. Exposition au CENTQUATRE-PARIS Matérialité de l'Invisible. L'archéologie des sens © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, février 2016

Anish Kapoor, Ascension, installation spécifique. Basilica di San Giorgio Maggiore, 54e Biennale de l'art, événement collatéral, Venise © photographie Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, 5 juin 2011

 Au CENTQUATRE-PARIS, l'arachnéenne et presque immatérielle Ascension (2003-2015) d'Anish Kapoor se perçoit mieux que lors de la Biennale de l'art 2011, lorsque cette œuvre fut présentée dans l'immensité palladienne de San Giorgio Maggiore. Sous la coupole vénitienne, elle se perdait, se devinait plus qu'elle se percevait. Ici, dans une salle à l'humaine dimension, elle interroge. La vapeur monte-t-elle comme le titre de cette installation le suggère ? À n'en pas douter. Une raison de plus pour le vérifier et de se rendre au CENTQUATRE-PARIS. Sous la direction artistique de José-Manuel Gonçalvès, Matérialité de l’Invisible, l’archéologie des sens présente les travaux de 12 artistes, en résidence dans cet établissement artistique de la ville de Paris ou invités. Le postulat réunificateur ? L'art et l'archéologie ont en commun de rendre visible ce qui ne l'était plus, rendre visible l'invisible, perceptible l'imperceptible. Redonner vie. Matérialité de l'Invisible. I en majuscule, telle une suggestion de quelque chose de divin, de non palpable ou non crédible des mortels. Quelque chose qui nous dépasse et que nous appréhendons ! Une utopie ! A nous de laisser parler nos sens, de chercher, de fouiller, d'appréhender. Et d'essayer ou tout le moins de comprendre, comme dans la démarche de l'archéologue, ce qui fut auparavant. En fouillant, par strates, dans nos mémoires.  

Agapanthe (Konné & Mulliez). Amas (2016), installation. Exposition au CENTQUATRE-PARIS Matérialité de l'Invisible. L'archéologie des sens © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, février 2016

Agapanthe (Florent Konné & Alice Mulliez), en résidence au CENTQUATRE-PARIS travaille avec des déchets non organiques qu'il cristallise dans le sucre. Face à ces Amas, nous sommes tel l'archéologue interrogatif, découvrant ces objets moulés, tentant de les nommer, se questionnant sur ce qu'ils étaient. L'appréciation est laissée au regardeur du futur, face à ces rebuts solidifiés, comme s'il découvrait une poubelle. Une autre histoire, proposée par ce duo d'artistes, se construit avec l'installation Réserve dans laquelle l'interrogation se porte sur le sucre, cet aliment lié au négoce et qui le fut pour le commerce triangulaire. Installation qui permet d'imaginer le temps que prendront tous ces stocks moulés en sucre, appelés à disparaître peu à peu et à se dissoudre sous l'eau qui les minent. Que trouvera l'archéologue du futur ? Rien, des amas sucrés. Ceci induira mille suppositions. 

Hicham Berrada. Mesk-ellil (2015). Installation. Ensemble de 7 terrarium en verre teinté, cestrum nocturnum, éclairages horticoles, éclairages clair de lune, temporisateur. 250 x 200 x 50 cm chaque. Exposition au CENTQUATRE-PARIS Matérialité de l'Invisible. L'archéologie des sens © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, février 2016

Hicham Berrada (né en 1986), le trouvetou-alchimise ne cesse de m'étonner. Revoici Mesk-ellil qu'il avait présentée dans une galerie parisienne au printemps 2015 puis lors de la 13e Biennale de Lyon, en septembre 2015, en une installation à chaque fois différente et très agrandie, avec toujours la même plante dans les terrarium : cestrum nocturnum, si joliment nommée Galant de la nuit ou Mesk-elli en arabe - musc de la nuit -, dont les fleurs s'ouvrant le soir dégagent un fort parfum. Modifiant les paramètres de la nature, il inverse le cycle circadien de cette plante à floraison nocturne. Son installation fonctionne subtilement de ce contrôle de la température, de l'humidite et de la quantité de lumière, de son arrosage et de son potassium ajouté. L'œuvre nous pénètre visuellement et olfactivement.

Hicham Berrada. Présage (2015). Vidéo HD issue de performance. Exposition au CENTQUATRE-PARIS Matérialité de l'Invisible. L'archéologie des sens © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, février 2016

Se présentant tel un peintre, il remplace la connaissance de la peinture sur toile par la connaissance du monde chimique. "Je suis, en tant qu'artiste, un maillon qui vient réunir les paramètres pour que la nature puisse exprimer des choses qui, en terme de probabilité, seraient très rares pour que ceci arrive ". Avec Présage (2015), ces cinq vidéos en temps réel, de 7 minutes, brutes, ni retouchées en temporalité ou en couleurs, issues de performances dans des petits bocaux dans lesquels il mélange dans un milieu acide des produits différents : cuivre, fer, argent, zinc, aluminium, plomb, uniquement des choses minérale, "donnent à voir des images excitant les facultés visionnaires de l'esprit. Chaqu'un devient un peintre en regardant l'image ". "Le collage frottage de Max Ernst m'a beaucoup influencé " reconnaît-il. Sa vidéo est comme le temps que l'on ne peut retoucher. " C'est un document qui prend sa force par l'abstraction. Pour donner quelque chose d'ambivalent. Rien ne nous donne l'heure, l'échelle, on ne peut se rattacher à rien pour savoir comment ceci se passe et où ". Dans ce petit bocal réside la beauté de la pauvreté, " comme de l'arte Povera, dans le sens où l'on parle de matériaux pauvres issus de la nature ". Films, photographies et protocoles seront les seuls éléments qui resteront de ces paysages teintés de mystère.

Hicham Berrada. Mon château (2016), installation : acier, verre, eau, électro conductivité contrôlée. Exposition au CENTQUATRE-PARIS Matérialité de l'Invisible. L'archéologie des sens © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, février 2016

Mon château (2016), château de cartes en acier est un nouveau travail présenté ici, soumis aux pires conditions, en une eau extrêmement électro-conductive. En un mois, la sculpture va vieillir de 400 ans. Rouillée puis boursoufflée, elle s'écroulera dans cet ode à la dégradation. Ne resteront que des photographies de l'évolution de cette corrosion, de ce temps sur lequel l'on ne peut agir.

Johann Le Guillerm. Au premier plan La Calasoif, goutte à goutte sur cales gondolantes. 17 litres. Avance de 31 cm en 24 h. Au fond Le Tractochiche, dilatation d'un kilo de pois chiche par litre d'eau pour 3 cylindres en relais. Avance de 99 cm en 24 h. Exposition au CENTQUATRE-PARIS Matérialité de l'Invisible. L'archéologie des sens © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, février 2016

Johann Le Guillerm par ses Les Imperceptibles (2015), trois étranges machines La Jantabuée avançant par la buée, Le Tractochiche se mouvant par la dilatation de pois chiches et La Calosoif se déplaçant par un goutte à goutte, voici trois utopies qui fonctionnent, se mouvant imperceptiblement par la seule force d'énergies naturelles. Bravo à cet artiste pluridisciplinaire, formé au clown, à l'acrobatie et au fil, issu de l'École nationale supérieure des arts du cirque. Le clown ne fait-il pas rêver et Johann Le Guillerm ne nous entraîne-t-il pas avec ces étranges machines, ces sculptures à mouvement et vitesse imperceptibles, que tout enfant souhaiterait inventer, dans un ailleurs?  " Elles nous invitent à une promenade mécano-durable à travers le temps qui s'écoule et les énergies qui agissent sans même que l'on y prête attention", entre quelques centimètres à presqu'un mètre en 24 heures. L'impossible est réalité.

Gilles Kraemer

 

Matérialité de l'invisible. L'archéologie des sens

Exposition collective de travaux d'artistes en résidence au CENTQUATRE : Agapanthe (Konné & Mulliez), Ali Cherri, Miranda Creswell, Nathalie Joffre, Julie Ramage et Ronny Trocker et d'installations d’artistes invités : Hicham Berrada, Anish Kapoor et Johann Le Guillerm

13 février - 30 avril 2016

Le CENTQUATRE-PARIS - 5, rue Curial - 75019 Paris

http://www.104.fr/

Direction artistique : José-Manuel Gonçalvès, en collaboration avec l’Inrap et les partenaires du projet européen NEARCH.

Pas de catalogue

Artistes en résidence 2015 / 2016 www.104.fr/artistes

 

Johann Le Guillerm. Les Imperceptibles (La Calasoif, Le Tractochiche, La Jantabuée). Exposition au CENTQUATRE-PARIS Matérialité de l'Invisible. L'archéologie des sens © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, février 2016
Johann Le Guillerm. Les Imperceptibles (La Calasoif, Le Tractochiche, La Jantabuée). Exposition au CENTQUATRE-PARIS Matérialité de l'Invisible. L'archéologie des sens © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, février 2016
Johann Le Guillerm. Les Imperceptibles (La Calasoif, Le Tractochiche, La Jantabuée). Exposition au CENTQUATRE-PARIS Matérialité de l'Invisible. L'archéologie des sens © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, février 2016
Johann Le Guillerm. Les Imperceptibles (La Calasoif, Le Tractochiche, La Jantabuée). Exposition au CENTQUATRE-PARIS Matérialité de l'Invisible. L'archéologie des sens © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, février 2016

Johann Le Guillerm. Les Imperceptibles (La Calasoif, Le Tractochiche, La Jantabuée). Exposition au CENTQUATRE-PARIS Matérialité de l'Invisible. L'archéologie des sens © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse, février 2016

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