La Biennale de l'art de Venise à un tournant ? Que vuol' dire ancora la Biennale di Venezia ? 58ème Exposition Internationale d'Art (I)
Gilles Kraemer
déplacement et séjour à titre personnel à Venise.
Beaucoup de bruit pour rien pour cette Biennale de l'Art 2019 ! Lions et mentions, prix de cette 58e Esposizione Internationale d'Arte de la Biennale de Venise 2019.
Entrée des Giardini © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, semaine presse de la Biennale de l'art de Venise, mai 2019.
Cinq jours aux Giardini et à l'Arsenale. Entre température de mars ou d'octobre. Trois dans la cohue des journées censées être celles de la presse. 4 000 accréditations. Engorgement du vaporetto n°1. Combien d'invités ? Combien de Biennale silver carte à 300 € pour une personne ou Biennale platinium carte à 550 € pour deux personnes, acquises pour ces trois jours normalement de presse ? Ceci renvoyait à la foule de la 55e édition en 2013 où il fallut patienter deux heures pour accéder au pavillon français pour la vidéo Ravel Ravel Unravel d'Anri Sala francefineart.com/index.php/14-
Deux autres journées, samedi et dimanche, pour une confirmation du premier avis, loin de l'effervescence et des rumeurs, du buzz distillé savamment oralement ou par écrit autour de quelques Pavillons. Le temps incertain n'incitant pas à venir, l'Arsenale et les Giardini étaient retombés, ce samedi et dimanche dans une tranquillité troublée par quelques visiteurs refroidis par cette température "automnale". Deux minutes d'attente pour accéder par le sous-sol au pavillon de France à Vois ce bleu profond te fondre de la plasticienne Laure Prouvost alors que deux heures furent nécessaires pendant les journées presse pour découvrir le voyage rimbaldien de cette plasticienne-poète.
Pavillon de la Lituanie, Sun & Sea (Marina), commissariat Lucia Pietroiusti © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, semaine presse de la Biennale de l'art de Venise, mai 2019. Magazzino n°42, Marina Militare, Arsenale di Venezia, Fondamenta Casa Nuove 2738 c.
Ce samedi 11, la seule patience était pour le Pavillon de la Lituanie situé au Maggazino 42, dans la zone militaire de l'Arsenale, dès que l'on sut que le Lion d'Or pour la meilleure Participation Nationale lui était attribué. Une heure et 40 minutes d'attente - "le syndrome FOMO joue à fond " me confiait un journaliste - pour découvrir Sun & Sea (Marina) de Lina Lapelytė compositrice, Vaiva Grainytė écrivaine et Rugil Barzdžiukaitė directrice de théâtre. Cet opéra-performance fut présenté à la National Gallery of Arts de Vilnius en octobre 2017. www.ndg.lt/events/archyvas.aspx?year=2017&category=2140&id=4186
Ce trio avait déjà collaboré pour Have a Good Day ! en 2013. La reconstitution d'une plage avec du vrai sable - ce n'est pas celle des Bagni Alberoni, une institution du Lido, dommage - des estivants en maillot de bain. Une performance opéra lyrique pour 13 voix ! Les motivations du jury présidée par Stéphanie Rosenthal, directrice du Gropius Bau de Berlin, historienne de l'art et spécialiste de la performance ? "L'originalité de la perception de l'espace pour une mise en scène d'un opéra brechtien, et pour l'implication du Pavillon dans les problèmes de la cité vénitienne et de ses habitants". Pourquoi pas... Des visiteurs observent d'une plate-forme rectangulaire surélevée les "acteurs chanteurs". Un souvenir ? Busniss, le disque vendu 30 € est déjà un collector.
Pavillon de la Belgique, Mondo Cane, commissaire Anne-Claire Schmitz © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, semaine presse de la Biennale de l'art de Venise, mai 2019. Giardini. Sur la gauche, Ernst Wollemenger, l'espion de la Stasi, au centre Jacobina Bienebol agenouillée.
Avoir primé la plage chantante, quoi de plus normal qu'accorder une mention spéciale à la Participation Nationale de la Belgique pour Mondo Cane de Jos de Gruyter & Harald Thys pour son "humour impitoyable" ? Une sorte de Grévin avec 20 automates derrière des grilles ou disposés au centre du Pavillon, de Flip et Flop, deux comiques du Limbourg à Irùgard Speck qui fila au cours de son existence 400 000 kilomètres de fil. Lisez la plaquette distribuée aux visiteurs.
Arthur Jafa (1960), Big Wheel I Big Wheel II et Big Wheel III. Pneus © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, semaine presse de la Biennale de l'art de Venise, mai 2019. Corderie de l'Arsenale.
Lion d'or pour le meilleur participant à l'Exposition Internationale pour The White Album, vidéo de 50 minutes de l'américain Arthur Jafa (1960, vit et travaille à Los Angeles) pour l'exploration de la tension entre la violence et la folie de la supériorité blanche; ne pas oublier de voir à la Corderie ses trois gigantesques pneus Big Wheel I, Big Wheel II et Big Whell III.
Haris Epaminonda (1980), VOL. XXVII, 2019. Intallation d'objets trouvés © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, semaine presse de la Biennale de l'art de Venise, mai 2019. Corderie de l'Arsenale.
Lion d'argent du jeune artiste émergeant de l'Exposition Internationale : la chypriote Haris Epaminonda (1980, vit et travaille à Berlin), pour sa vidéo Chimera entre lumière et obscurité aux Giardini; l'installation Vol. XXXVII, ressemblant à un décor de théâtre et à un salon de décoration, est visible à la Corderie.
Teresa Margoles (1963), La Búsqueda (2), 2014. Intervention avec des fréquences sonores sur trois panneaux de verre. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, semaine presse de la Biennale de l'art de Venise, mai 2019. Corderie de l'Arsenale.
Otobong Nkanga, Veins aligned, 2018. Marbre, verre de Murano © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, semaine presse de la Biennale de l'art de Venise, mai 2019. Corderie de l'Arsenale.
Deux mentions spéciales. Teresa Margolles (1963, Mexique, vit et travaille à Berlin) pour La Búsqueda (2), autour des femmes et du trafic de drogue au Mexique, des affiches collées sur des verres et à Otobong Nkanga (1974, Nigéria, vit et travaille à Anvers) pour sa "recherche à travers les médias de l'écologie, du corps et du temps, une grande forme serpentine de 26 mètres de long Veins Aligned. Deux œuvres visibles à la Corderie.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, semaine presse de la Biennale de l'art de Venise, mai 2019.
Désillusion de cette Biennale face à cette présentation d'un état général cru et impitoyable de ce que l'art contemporain est devenu. De très nombreux pavillons effectuent un retour sur une réflexion intérieure très prononcée, comme un enfermement sur son identité. Ce qui est symptomatique et très troublant, c'est cette conjonction entre une désillusion à l'égard de la Mostra Internazionale May You Live In Interesting Times, thème souhaité par le directeur artistique Ralph Rugoff (dont j'avais apprécié le commissariat à la Biennale de Lyon en 2015 www.lecurieuxdesarts.fr/2015/10/moderne-des-reponses-dans-un-de-senchantement-du-monde-la-13e-biennale-de-lyon-2015.html) et une désillusion à l'égard des propositions des Pavillons. Un reflet d'une expression actuelle de l'art de notre temps avec une force acquise par la vidéo. Que ces deux avis concordent, situation incroyable, n'est pas une heureuse constatation. Elle mérite réflexion. Remise en cause. La Biennale est en souffrance. Son ouverture physique vers l'Arsenale à côté du cœur historique des Giardini - en 1980 la Biennale de l'architecture y exposera - pour y implanter de nouveaux Pavillons, s’essoufflerait-elle ? Reste l'argent, les frais énormes que chaque Pavillon occasionne, cet appel à des galeries soutenant fortement un artiste consacré largement ou sur lequel l'on parie, le désengagement financier des États et des ministères.
Si les chaises rouges d'écoles élémentaires sur des échasses : March of the Valedictrians de Jesse Darling furent remarquées et très photographiées, ce n'est pas le cas de Comfort Station, WC pour personne âgée du même artiste placé dans un coin des Corderie © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, semaine presse de la Biennale de l'art de Venise, mai 2019. Corderie de l'Arsenale.
Cette Biennale 2019 va-t-elle inciter à une interrogation sur sa prochaine édition 2021 ?
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, semaine presse de la Biennale de l'art de Venise, mai 2019.
La Biennale, Venise, du 11 mai au 24 novembre 2019
Le jury, présidé par Stéphanie Rosenthal, se composait de Defne Ayas, Cristina Collu, Sunjung Kim et Hamza Walker.