Léger 1910 – 1930. La vision de la ville contemporaine / La visione della città contemporanea / musée Correr, Venise
Comme un clin d'œil de ce que nous allions découvrir, au musée Correr lors de cette matinée de présentation de l'exposition Fernand Léger 1910 - 1930. La vision de la ville contemporaine des ouvriers démontaient l'échafaudage dressé le long de la façade de ce musée, arborant quelques jours auparavant un panneau publicitaire (1). Comme une annonce de deux motifs récurrents – les échafaudages de la ville en construction, les affiches publicitaires sur les murs de la ville - figurant dans quelques unes des œuvres de Léger.
Fernand Léger, Paysage animé, 1924, huile sur toile. 49, 53 cm x 65, 07 cm. Philadelphia Museum of Art © Fernand Léger by SIAE 2014
Venise, Fernand Léger (1881 – 1955) y est venu, accompagné de son marchand Léonce Rosenberg, mais, comme le souligne Anna Vallye, commissaire de cette exposition réunissant une centaine d'œuvres dont soixante dix Léger, « tel Canaletto peignant Londres dans une lumière vénitienne, il peint Venise, non comme la cité lagunaire mais comme Paris ». Ce Paysage animé (1924) n'a de vénitien, dans sa représentation, que le pont ! Léger peint la ville moderne, il entend la rumeur des voitures et des tramways, il voit une foule pressée, il perçoit une frénésie continuelle. Cette notion de rapidité et du mouvement, l'avant-garde italienne, à la même époque, l'interpréta avec les futuristes mais ni Giacomo Balla (comment ne pas penser à Vitesse auto + vitesse + bruit) ou Umberto Boccioni (La ville qui monte) ne sont convoqués à Venise. Ils sont tous partis à New York, au Guggenheim, jusqu'au 1er septembre 2014 avec Italian Futurism, 1909–1944 : Reconstructing the Universe comme le rappelle Gabriella Belli, directrice de la Fondation des musées civiques de Venise. Le Nu qui descend l'escalier (n°1) (1911) de Marcel Duchamp captant ce dynamisme en une peinture - sculpture dans l'espace, nous rappelle sa proximité dialectique avec ceux-ci.
Arrivé à Paris à 19 ans, au tournant du siècle, pour être dessinateur en architecture, Léger est un peintre avant-gardiste lorsqu'il part au front en 1914. Les formes courbes et anguleuses, les volumes de lumière et obscurité sont définis dans Contraste de formes (vers 1912), la représentation de la ville moderne, vue depuis les hauteurs de Montmartre, mise en place dans Fumées sur les toits (1911) (heureux collectionneur privé de cette si belle toile). Comme Robert Delaunay, observant la cité à travers le caléidoscope de ses Fenêtres en trois parties (1912), il scrute et dissèque la ville qui vibre et palpite au rythme de la modernité.
Fernand Léger, Le typographe (dernier état), 1919, huile sur toile. 130, 30 x 97, 50 cm. Philadelphia Museum of Art, The Louise and Walter Arensberg Collection, 1950 © Fernand Léger by SIAE 2014
Fernand Léger, La Ville, 1919, huile sur toile. 231, 14 x 298, 45 cm. Philadelphia Museum of Art, A. E. Gallatin Collection, 1952 © Fernand Léger by SIAE 2014
Après son retour de la Grande guerre et la célébration de l'Armistice dans le patriotique Drapeau (1919), le drapeau national étant prétexte à des contrastes dynamiques de couleurs, voici La ville (1919) qu'Anna Vallye place sur un même pied d'égalité, dans son « effet stupéfiant », avec Les demoiselles d'Avignon de Picasso. Fernand Léger, dans ce manifeste de la modernité, donne à entendre le cœur de la citée. Ce ne sont, dans cette immense toile, que fragmentations, tensions dynamiques, vivacité des couleurs, panneaux publicitaires, enseignes, découpes cinématographiques, mouvement de la foule. Est-on dans une métropole ou dans une ville portuaire, on ne le sait ? Deux études préparatoires, sur les 14 de cette œuvre fondamentale de Léger, sont présentées ici.
La ville quitte le cadre de la toile et inspire la poésie, la littérature et Blaise Cendrars, le ballet (projets de costumes pour Skating Rink) le cinéma (Marcel Duchamp et les cercles tournant dans une impression de tri-dimentionnalité d'Anémic Cinéma) ou l'affichage publicitaire (Disques Odéon de Jean Carlu).
Fernand Léger, Projet pour le ballet Skating Rink, 1922, crayon et aquarelle sur carton. 40, 50 x 48 cm. Dansmuseet Stockholm © Dansmuseet – Musée Rolf de Maré Stockholm © Fernand Léger by SIAE 2014
Piet Mondrian, No. VI / Composition N° II, 1920, huile sur toile. 99, 50 x 100 cm. Tate, Liverpool © Tate, London 2013 © 2013 o 2014 Mondrian / Holtzman Trust c/o HCR International Washington, D.C.
Peintre les murs de la ville, la correspondance avec le mouvement De Stilj est manifeste dans Peinture murale (1924 – 1925). C'est dans la dernière salle consacrée au dialogue pictural avec Mondrian et Théo van Doesburg que se clôt ce parcours à travers la nouvelle Metropolis selon Léger.
Gilles Kraemer (déplacement et séjour à Venise à titre personnel)
Fernand Léger. La visione della città contemporanea 1910 – 1930. Musée Correr, Venise © Photographies Gilles Kraemer, présentation presse 7 février 2014
Léger 1910 – 1930. La visione della città contemporanea
du 8 février au 2 juin 2014
Musée Correr – Venise
vaporetto, ligne 1, arrêt Vallaresso
Cette exposition fut présentée au Philadelphia Museum of Art de Philadelphie, États-Unis, du 14 octobre au 5 janvier 2014
Catalogue, 144 pages, 163 photographies. Éditions Skira. 32 euros. ISBN 978 88 572 2202 8
Visiter également, au musée Correr, en concordance avec Léger, l'exposition La représentation de la cité européenne de la Renaissance au siècle des Lumières (8 février – 18 mai 2014)
Et, puisque nous évoquons l'architecture urbaine, se souvenir que la 14e Exposition Internationale d'Architecture, dirigée par Rem Koolhaas, se déroulant du 7 juin au 23 novembre 2014 à Venise. Pour Rem Koolhaas « Fundamentals » sera une Biennale sur l'architecture et non sur les architectes, cette mostra se concentrant sur l'évolution de l'architecture ces 100 dernières années. Lion d'or pour sa carrière lors de la Biennale 2010 et Prix Prizkzer en 2000, Rem Koolhass a fondé OMA (Office for Metropolitan Architecture) en 1975 avec Elia e Zoe Zenghelis e Madelon Vriesendorp.
(1). Venise et publicités agressives sur les façades de la Piazza et de la Piazetta ! En septembre 2013, lors de la Biennale de l'Art, une montre de marque s'affichait pendant qu'à quelques mètres, la façade de la Marciana -la bibliothèque – vantait une maison de couture !
Le musée national Fernand Léger à Biot présente Fernand Léger : reconstruire le réel. 1924 – 1946, (1er mars - 2 juin 2014). Cette exposition sera montrée ensuite au musée des Beaux-Arts de Nantes (20 juin - 22 septembre 2014).« Considéré comme un peintre réaliste en phase avec les éléments de la vie moderne, Fernand Léger propose, des années 20 à l'immédiat après Seconde Guerre mondiale, des associations d'objets déroutantes, jouant de ruptures d'échelle, de mises en espace d'objets flottants, de motifs biomorphiques. S'il reste fidèle au « réalisme de conception » qu'il définit comme celui de la ligne, de la forme et de la couleur, Léger semble aussi attentif aux recherches plastiques des surréalistes. … ».