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Publié par Gilles Kraemer

Vous pensiez tout connaître d'Henri Matisse et de son œuvre ? Et bien non ! Pas du tout.

 

Henri Matisse, Nature morte d’après " La Desserte " de Jan Davidsz De Heem, 1915. Huile sur toile. 180,9 x 220,8 cm.. The Museum of Modern Art, New York. © Archives Matisse © Succession H. Matisse / Artists Rights Society (ARS), New York.

Commémorant le 150 ème anniversaire de la naissance de cet artiste (31 décembre 1869 - 3 novembre 1954 Nice) - peintre, graveur, lithographe, sculpteur -, le musée Matisse retrace les vingt premières années de sa carrière. Une première puisque jamais ce pan de vie ne fut présenté. Une démonstration pertinente qui contredira le surnom de "Triple échec" qui lui fut donné en 1903, à de son retour peu glorieux, pendant quelques mois à Bohain puis Lesquielles-Saint-Germain : il n'avait pas repris la graineterie familiale, ni continué à être clerc d'avoué, n'était pas devenu à Paris un peintre reconnu, pouvant vivre de son travail et entretenir son épouse Amélie Parayre et ses enfants Marguerite, Jean et Pierre.

Comme le souligne Patrice Deparpe, le très dynamique directeur de ce musée, " cette exposition exceptionnelle, pensée depuis 5 années, s'est "tissée" grâce aux relations très privilégiées du musée avec la famille du peintre et la Fondation new-yorkaise Pierre & Tana Matisse."

 

Comment s'est-elle construite ? " Nous avions des copies de Matisse qu'il avait faites au Louvre. De ce " fil " naquit l'exposition, consacrée à ce fils d'une famille de tisserands installée depuis plus de 300 ans au Cateau. ". Musées et privés ont été très généreux - dans une période où les prêts d'œuvres capitales sont de plus en plus difficiles, parfois impossibles - du MoMA (Homme nu, circa 1900) à Copenhague (Autoportrait, 1906) de Philadelphie (Picasso, Autoportrait, 1906) au Louvre. Le résultat ? Une exposition historique, pour une étape unique, de sa formation artistique en terres du Nord à la fermeture en 1911 de son Académie parisienne où il enseigna. Démonstration en 250 œuvres de Matisse et 50 œuvres d'artistes qu'il a regardés ou côtoyés.

 

Comment devient-on artiste ? En ne devenant pas grainetier puisque sa constitution physique l'en empêchait. En préparant une certificat de capacité en droit mais en arrêtant d'être clerc d'avoué. Le déclic sera une opération de l'appendicite en 1890. Pendant sa convalescence, sa mère lui offre une boîte de couleurs. Savait-elle qu'elle libérerait le "démon de la peinture" et que celui-ci mordrait son fils ? Il étudie à l'École Maurice Quentin La Tour de Saint-Quentin. Sa première toile, représentant des livres de droit (musée Matisse, Nice) il la signera à l'envers, la seconde sera une identique nature morte. Il peint son épouse Amélie, les environs de Bohain-en-Vermandois.

Vue de l'exposition Devenir Matisse. Ce que les maîtres ont de meilleur. 1890-1911.  Henri Matisse, Le serf, 1900-1903. Bronze à patine noire. Donation de l'artiste en 1952 au musée Matisse du Cateau-Cambrésis // Auguste Rodin, Les Bourgeois de Calais, Jean d'Aire, étude de nu pour le monument. 1886. 1917 date de fonte. Collection particulière // Henri Matisse, Homme nu, circa 1900. Huile sur toile. MoMA New York© photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2019, musée départemental Matisse, Le Cateau-Cambrésis.

À partir d'octobre 1891, Paris, la vie de bohème. L'atelier de Bougereau, de Gabriel Ferrier, le choc devant les Goya de Lille - Les Jeunes (1814-1819) -, qu'il quittera pour celui de Gustave Moreau. Dès les différents ateliers fréquentés, les constructions de son parcours s'affirment. L'atelier de Moreau sera celui de sa libération picturale; le maître l'incite à aller dans la rue, à se confronter aux anciens en se rendant au Louvre où il observera les peintres et les sculptures grecques et romaines, Apollon, Hermès rattachant sa sandale, Vénus ou celles de Michel-Ange Les esclaves.

" C'est à Gustave Moreau que je dois de connaître le Louvre : on n'y allait plus [...] En agissant ainsi, il nous sauvait du courant qui prévalait à l'Ecole où l'on n'avait d'yeux que pour le Salon... ".

 

Pendant 10 ans, " il entretient une relation presque quotidienne avec les Galeries du Louvre ", Raphaël, Poussin, Carrache, Jusepe de Ribera Le pied bot, Philippe de Champaigne Le Christ mort, Chardin La Raie, Le Buffet. Un point crucial de cette exposition est la confrontation des originaux et des copies, cette transmission du regard - ce que semble ignorer nombre d'artistes contemporains désirant imposer leur pratique en niant le passé -. Nouvellement acquise par Le Cateau, La Pourvoyeuse (1896) est mise en regard de celle de Chardin (1739). La nature morte de Jan Davidsz De Heem Fruits et riche vaisselle sur une table (1640) copiée en 1893, est recommencée en 1915 " selon les méthodes de la construction moderne ". Le MoMA a consenti le prêt exceptionnel de ce dernier tableau.

 

Max Weber, Apollon dans l’atelier de Matisse, 1908. Huile sur toile 58,4 x 45,7 cm.. c/o Gerald Peters Gallery Succession Max Weber. Avec l’aimable autorisation de la Gerald Peters Gallery Photo © Estate of Max Weber, courtesy Gerald Peters Gallery © A.D.A.G.P, Paris, 2019.

Il séjourne en Bretagne durant les étés 1895 à 1897 à Belle-Île, dans l'influence de Moret et de Monet. Retour sans gloire dans le Nord pour se voir surnommer " Triple échec " puis retour sur Paris à l'automne 1903. Il expose chez Berthe Weill, Ambroise Vollard, séjourne à Saint-Tropez en 1904. L'été 1905 sera celui de toutes les audaces, la liberté, de Collioure, puis du scandale de " la cage aux fauves " dans une explosion de la couleur pure. Les Stein, Sergueï Chthoukine le collectionne.

Vue de l'exposition Devenir Matisse. Ce que les maîtres ont de meilleur. 1890-1911. Statue peuple Vili, République démocratique du Congon, avant 1912. Bois sculpté. Collection privée © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2019, musée départemental Matisse, Le Cateau-Cambrésis.

Un des découvreur de l'art nègre, c'est lui qui provoque, à l'automne 1906, le choc de Pablo Picasso. Il lui montre lors d'un dîner chez les Steinune statue du peuple Vili, Congo qu'il vient d'acheter. Le lendemain au matin, une nouvelle révolution picturale naissait, le cubisme surgissait des mains de Pablo qui n'avait eu de cesse de dessiner cette statue que l'on retrouve, minuscule dans Nature morte avec la statue nègre (1912) de Matisse.

En janvier 1908, Matisse décide de créer une Académie dans son atelier de la rue de Sèvres fréquentée par de nombreux artistes étrangers. Il le fermera en 1911, décidant de se consacrer pleinement à sa peinture, exclusivement à elle. Il avait 40 ans. Les "intérieurs symphoniques" naissaient.

En 1952, il offrit au Cateau-Cambrésis 82 œuvres.

Gilles Kraemer

envoyé spécial

 

Devenir Matisse. Ce que les Maîtres ont de meilleur. 1890-1911

9 novembre 2019 - 9 février 2020

Musée Matisse -59360 Le Cateau-Cambrésis

Commissariat de Patrice Deparpe

 

Catalogue. Texte de Patrice Deparpe, Thomas Wierzbinski, Marine Roux, Marie-Thérèse Pulvénis de Séligny, Dominique Szymusiak, conservatrice honoraire et ancienne directrice du musée Matisse, Isabelle Monod-Fontaine et Anne Coron. 368 pages. 400 illustrations. Éditions SilvanaEditoriale. Bilingue français et anglais. 35 €. 45 $.

museematisse.fr

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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