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Publié par Marie-Christine Sentenac

César, Le Centaure, 1983. Plâtre et matériaux divers. 74 × 62 × 30 cm.. Dépôt du Fonds national d’art contemporain/ Centre national des arts plastiques, Puteaux au Musée Picasso d’Antibes depuis 1985 © Photographie Marie-Christine Sentenac. Exposition César, la rétrospective, Centre Georges Pompidou, visite presse. 

En 1991, à la question d’Olivier Cena : "Qu’est-ce que ça vous fait d’être un artiste reconnu et très médiatique ? ", César répondait : " Connu de qui ? J’ai soixante-dix ans et le plus grand musée de mon pays, Beaubourg, ne m’a jamais exposé" ( in « Grilles des programmes », émission Plastic du 13 janvier 1991, magazine de Jean-Marie Baron et Véronique Bonnet-Nora, Télérama, no 2139, 9 janvier 1991).  

 

Réunissant 130 pièces, la rétrospective César si attendue vingt ans après sa mort, investit... enfin... le Centre Pompidou. Bernard Blistène, grand ami de l’artiste, insiste sur le fait, qu’avec Béatrice Ajac, il a souhaité "un espace très ouvert en dialogue avec la ville, moins de cimaises [...] pour créer des lignes de fuite et des transparences". Sur ce plateau à la présentation spectaculaire, le parcours n'a pas été souhaité chronologique mais fluide, en dix sections. En correspondance avec cet artiste s'évertuant à réinventer des choses anciennes, ouvrant plusieurs chantiers en même temps, dans une identité faite de plusieurs styles: Fers Soudés, Compressions, Empreintes Humaines, Expansions, "Enveloppages". "Recommencer, ce n’est pas refaire".

Mondialement connu pour sa statuette décernée à la "crème" des professionnels du cinéma français dans une cérémonie qui porte son nom - elle ne figure d'ailleurs pas dans cette rétrospective. Pourquoi ? -, quel chemin pour César Baldaccini (Marseille 1921- 1998 Paris), fils d’immigrés italiens, élevé dans le quartier populaire de la Belle-de-Mai à Marseille ! Enfant, il modèle déjà la glaise et dessine. "Un sculpteur passe son temps à dessiner".

Élève des Beaux-Arts de Paris en 1943, il commence à sculpter dès 1947. Toujours sur le métier il expérimente les matériaux contemporains et sa main est fondamentale dans l’utilisation de nouveaux outils. Loin des clichés attachés à la fausse image qu’il s’amusait à donner de trublion germanopratin, gouailleur inculte au fort accent marseillais, c’est un faux mondain excessivement cultivé et perfectionniste. Il se lie d’amitié avec ses aînés, Julio González, Alberto Giacometti, Germaine Richier. Pablo Picasso le bouleverse, il admire sa capacité à se renouveler sans cesse. Michel-Ange et Rodin tiennent également une place à part dans son panthéon; il réinterprétera l’aspect inachevé qu’il apprécie tant chez eux. Sa parfaite connaissance de l’histoire de l’art, l’amène à citer ses illustres prédécesseurs avec ce magnifique panneau de 1957 - boîte de sardine et gobelet -, Petit déjeuner sur l’herbe, hommage à Giorgio Morandi, dans une référence à Manet.

 

à gauche, César, Esturgeon [Le Poisson], 1954. Fer forgé et soudé 81 × 340 × 58 cm Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris. Achat de l’État à l’artiste en 1955. © Photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer. Exposition César, la rétrospective, Centre Georges Pompidou, visite presse.

Génial bricoleur, provocateur, inclassable, atypique, il travaille seul. Si l’on s’en tient à la définition du dictionnaire Larousse "glaner" c’est recueillir derrière les autres, ça et là, des éléments pour les réutiliser. Rendons alors à César ce qui lui appartient. Il n’a cessé au long de sa carrière de glaner des objets, des techniques, des idées pour les appliquer à son art.

Nécessité faisant loi, à ses débuts, sans le sou, vivant chez un plombier à sa sortie des Beaux- Arts il commence par s’approprier les bouts de ferraille et de plomb qui traînent dans la cave avant de se lancer à la conquête des cimetières de voitures, des brocantes et des entrepôts en tous genres. Le monde du déchet n’a aucun secret pour lui. Recyclage ? En 1949 il découvre l’arc à souder et se lance dans la série des Fers Soudés. En 1954 il installe son atelier dans une petite usine de Villetaneuse. Il remporte le prix des Trois arts en 1954 avec Esturgeon qui rejoindra les collections du Musée national d’art moderne l'année suivante. Il devient célèbre à 33 ans et donne naissance à un bestiaire réel et inventé, méditerranéen et provençal. Il réinvente la sculpture : bi-dimensionnalité et frontalité des plaques, technique exhibée.

 

Vue de l'exposition, salle des Fers soudés © Photographie Marie-Christine Sentenac. Exposition César, la rétrospective, Centre Georges Pompidou, visite presse. 

César, Victoire de Villetaneuse, 1965. Fer soudé, 223 × 90 × 100 cm.. Collection du Nouveau Musée National de Monaco. Acquisition réalisée avec le soutien de l’Association des amis du NMNM, Monaco. César, Victoire de Villetaneuse, 1965. Plâtre, 223 × 90 × 100 cm. Collection particulière © Photographie Marie-Christine Sentenac. Exposition César, la rétrospective, Centre Georges Pompidou, visite presse. 

 

 

 

 

 

 

Vue de l'exposition César, la rétrospective avec au premier plan Fanny Fanny, 1990 Bronze soudé, 200 × 120 × 260 cm Collection particulière. Courtesy Fondation César, Bruxelles © Photographie Marie-Christine Sentenac. Exposition César, la rétrospective, Centre Georges Pompidou, visite presse.

Un second cycle des Fers Soudés, Fanny Fanny (1990), une poule  sur patin à roulettes, la Victoire de Villetaneuse (1965) "c’est ma Victoire de Samothrace à moi", le rapproche de la figure classique, dans des formes plus ventrues, préhistoriques, primitives, parentes de la statuaire africaine, idoles image de la fécondité, massives et compactes, magiques ?

Vue de l'exposition, salle des Compressions © Photographie Marie-Christine Sentenac. Exposition César, la rétrospective, Centre Georges Pompidou, visite presse. 

En 1958, il "met la main" sur une presse hydraulique américaine géante chez un ferrailleur de Gennevilliers. Il se risque alors à des compressions qui au Salon de Mai de 1960 créeront le scandale avec trois voiture compressées : Trois Tonnes. Ses Compressions se déclinent en galettes et empilements, techniques utilisées pour stocker les carcasses de voitures.  

La presse détermine la forme, mais il arrive que l’artiste dirige le processus, l’arrête puis continue après avoir introduit des éléments de couleur. Ses Stèles colorées, compositions cubistes, ne sont en rien le fruit du hasard. Il ne signe que les Compressions qui lui plaisent; beaucoup sont rejetées telle la compression de la Rolls Corniche du galeriste Bob Benamou : "elle ne me plait pas, je ne la signe pas!", pied de nez au nanti qui pensait qu’une Rolls compressée aurait plus de valeur qu’une Rolls " lambda". Ce sera le contraire pour la ZIM de l’excentrique Marie-Laure de Noailles, pseudo Cadillac des potentats soviétiques, aussi bruyante et avide de carburant qu’un tank ! Jamais à court d’idées étonnantes, la protectrice des arts, demandera à César de compresser cet unique exemplaire à avoir passé la frontière. Le résultat : quelques plaques d’acier coloré additionnées à la carcasse accentuent la polychromie de ce "haut relief ". 

 

Vue de l'exposition © Photographie Marie-Christine Sentenac. Exposition César, la rétrospective, Centre Georges Pompidou, visite presse.

En 1960 le critique d’art Pierre Restany lui propose de rejoindre aux cotés de Daniel Spoerri,  Gérard Deschamps, Martial Raysse, Arman..., le groupe des Nouveaux Réalistes qu’il vient de fonder avec Yves Klein. Mouvement qui se définit comme un "recyclage poétique du réel urbain, industriel, publicitaire". 

Il remet à l’honneur le pantographe (outil crée en 1603 par le jésuite Christoph Scheiner) qui permet d’agrandir ou de réduire les formes grâce à la technique des trois points. Pour une exposition, en 1965, La main, de Rodin à Picasso, à la galerie Claude Bernard, confronté à Rodin, Picasso et Alberto Giacometti, il se veut original. Il moule son pouce qu’il déclinera en diverses tailles (de 42 centimètres à 6 m actuellement exposé sur la Piazza du centre Pompidou jusqu’au 12 m à La Défense), en plâtre, bronze, acier, marbre, plastique. Il réitère l’expérience avec le sein d’une danseuse du Crazy Horse, à défaut de celui de Brigitte Bardot qui refuse de "prêter" le sien. 

Une nouveauté, la mousse de polyuréthane qu’il met deux ans à maîtriser parfaitement, le conduit à la nouvelle pratique des Expansions. Peu satisfait par les résultats des premières performances publiques "happening", il distribue des découpes que le public s’arrache.

Comme les Compressions, certaines sont dirigées. César contrôle le volume de la mousse qui augmente avec l’ajout de gaz fréon. Les pièces immenses sont laissées in situ. Elles sont poncées et polies avec le plus grand soin afin de procurer l’apparence du marbre et du bronze, dans un perpétuel souci de retour au classicisme par des matériaux ersatz. 

Peu connus dans son corpus, les "Enveloppages", objets chinés aux puces, emballés dans une feuille de méthacrylate chauffée. Rares, car la maîtrise en est difficile: soit le plexi casse, soit le bibelot se détruit. Inventif avec un objet d’un autre âge combiné à la matière contemporaine, dans une poésie du quotidien. 

 

Vue de l'exposition © Photographie Marie-Christine Sentenac. Exposition César, la rétrospective, Centre Georges Pompidou, visite presse.

 

 

 

 

Le Centaure, 1983 Plâtre et matériaux divers 74 × 62 × 30 cm / FNAC 10286 Dépôt du Fonds national d’art contemporain / Centre national des arts plastiques, Puteaux, au Musée Picasso d’Antibes depuis 1985 © SBJ / Adagp, Paris 2017 / Cnap Photo © François Fernandez. 

Dans les années 1970 il réalise des petits objets en plâtre et ficelle puis l’emblématique Centaure (1985), statue équestre, encore un clin d’œil aux classiques, en hommage à Pablo Picasso, visible aujourd'hui sur de la place Michel-Debré (anciennement carrefour de la Croix Rouge)  à Paris. "J’ai fait un hommage à Picasso parce que j’ai aimé Picasso […]. J’admire le sculpteur ; Pablo, c’est un Centaure sur deux pattes. Pour moi, le thème du Centaure, c’est le grand thème de la statuaire classique, celui des grands monuments équestres d’après lesquels j’ai travaillé quand j’étais élève à l’École des beaux-arts, devant les plâtres de la salle des antiques". (In Bonjour Monsieur Picasso. 13 commandes du Musée d’Antibes à des artistes pour le Xe anniversaire de la mort de Picasso, 1973-avril 1983).

Vue de l'exposition avec la Suite milanaise © Photographie Marie-Christine Sentenac. Exposition César, la rétrospective, Centre Georges Pompidou, visite presse.

Curieux du travail de ses jeunes contemporains il s’intéresse à l’Arte Povera et utilise le carton et des chutes de bois. En 1995 il expose à la 46ème Biennale de l'art de Venise 520 tonnes une compression monumentale de 520 compressions d’automobiles entassées sur plus de sept mètres de haut, au Pavillon français, au Giardini. La visite se termine par la Suite Milanaise de 1998 dans laquelle il ose s’attaquer à des voitures Fiat neuves, juste sorties de la chaîne. 

Bien que cette exposition ne soit pas exhaustive - un seul bronze, Pouce, 1965, acquisition de l’État auprès de l’artiste, 1975 -, elle permet de découvrir des aspects méconnus de ce grand artiste classique et novateur dont parfois les gestes radicaux et violents déroutèrent. 

 

Texte de Marie-Christine Sentenac

Photographies de Marie-Christine Sentenac & Gilles Kraemer

 

César, la rétrospective

13 décembre 2017 – 26 mars 2018

Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou - Paris

Internet www.centrepompidou.fr/

Commissariat de Bernard Blistène, directeur du Musée national d’art moderne, Centre de création industrielle, en collaboration avec Bénédicte Ajac, attachée de conservation au Musée national d’art moderne, Centre de création industrielle.

 

Vue de l'exposition. Au premier plan, la série des Enveloppages © Photographie Marie-Christine Sentenac. Exposition César, Centre Georges Pompidou, visite presse.

 

"Dans les Enveloppages, César utilise ce processus en y insérant des objets. Machine à écrire, téléphone, paire de chaussures, moulin à café, outils, ventilateur, tous ces objets anciens, issus du quotidien ou de la brocante que l’artiste aime à fréquenter, apparaissent, tels des reliquaires, figés dans une ou plusieurs feuilles de plastique. Ils sont de petite dimension et d’une grande qualité décorative. L’ampleur des plis et replis de la feuille de Plexiglas magnifie leur présence" (dossier de presse).

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