Bill Viola, homme de la Renaissance ? Immersion à Florence, Palais Strozzi. Bill Viola, uomo del Rinascimento ? Ritorno a Firenze, Palazzo Strozzi.
À gauche, Jacopo Carucci detto Il Pontormo (Pontorme, Empoli 1494-Firenze 1557), Visitation, vers 1528-1529. Huile sur bois, 207 x 159,4 cm.. Carmignano, Pieve di San Michele Arcangelo. À droite Bill Viola, The Greeting (Il saluto), 1995, 10’22". Proiezione di video a colori su un grande schermo verticale installato a parete in uno spazio oscurato; audio stereofonico amplificato. Interpreti: Angela Black, Suzanne Peters, Bonnie Snyder. Courtesy Bill Viola Studio © photographie Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, mars 2017, exposition Bill Viola. Il Rinascimento elettronico, palazzo Strozzi, Florence.
Printemps 2014. L'exposition Pontormo e Rosso Fiorentino, au palazzo Strozzi se concluait par un regard sur la contemporanéité, après la traversée de l'incontournable boutique de souvenirs, avec la projection de la vidéo The Greeting (La rencontre), (1995), de Bill Viola (d'origine italienne, né à New York en 1951). Lente rencontre, très lente rencontre entre deux femmes, de 45 secondes en réalité, étirée en 10' 22", une fascinante mise en mouvement dans la souvenance de la toile de Pontormo (Jacopo Carucci; Pontorme, Empoli 1494-Firenze 1557), Visitation, (vers 1528-1529). Le passé sublimement revisité. Mais aucune confrontation, aucun dialogue de proximité de regards, ces deux œuvres séparées de plus de 450 années n'étant pas présentées dans la même salle. Légère déception et frustration surtout que nous étions dans le souvenir du dialogue de deux vidéos de Bill Viola Emergence (2002) et Eternal Return (2000) avec deux toiles de Vittore Carpaccio Pieta (1488-1490) et Madone à l'enfant (vers 1487), exposées à l'espace Louis Vuitton à Venise, en février 2014. www.lecurieuxdesarts.fr/2014/02/vittore-carpaccio-en-dialogue-avec-bill-viola
Salle des selfies, exposition Ai Weiwei. Libero, palazzo Strozzi, Florence © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, novembre 2016.
Cette confrontation, c'est chose accomplie aujourd'hui avec l'exposition Bill Viola. Rinascimento elettronico, au palazzo Strozzi, somptueuse demeure au cœur de Florence, ouverte sur l'art contemporain, à l'automne 2015 avec VISIO. Next Generation Moving Images puis au printemps 2016 avec Liu Xiaodong et à l'automne 2016 avec Ai Weiwei. Libero, exposition qui m'avait laissé un souvenir mitigé, la percevant comme une redoutable, impitoyable et pertinente dissection - une volonté du commissaire Arturo Galansino; n'ayant pas reçu le catalogue en service de presse je ne possédais pas la solution ? - de la "fabrique" Ai Weiwei, le trublion artiste, toujours prompt à dénoncer le pouvoir et à mettre en scène sa position d'éternel opposant au régime chinois. Que penser de la vidéo, dans la salle Sichuan, dénonçant les 70 000 victimes du tremblement de terre du 12 mai 2008 dans son pays mais où l'on voyait, certes d'une façon fugitive, un officier de l'Armée populaire se mettre au garde à vous devant lui ? Quant aux salles du sous-sol, quel sentiment face à ses tweets et selfies savamment distillés depuis 2005, une façon étonnante de livrer le moindre de ses mouvements physiques ou les gestes de sa main, à la connaissance du monde entier.
Façade du Palazzo Strozzi © photographie Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, mars 2017, exposition Bill Viola. Il Rinascimento elettronico, palazzo Strozzi, Florence.
Changement radical et parfaite réussite pour Arturo Galansino signant ici, avec Kira Perov, une exposition bien éloignée du commercial de la précédente. Un dialogue, à Strozzi, de seulement cinq artistes de la Renaissance, des maîtres du passé, avec des vidéos de Bill Viola, la respiration sacrée et l'humanisme de Florence face à la fragilité de l'homme, à la nature. Exposition à poursuivre au Museo dell'opera del Duomo (Acceptance face à Marie-Madeleine de Donatello et Observance renvoyant à la Pietà Bandini de Michelangelo), à Santa Maria Novella (Tempest) pour terminer aux Uffizi (Self portrait, Submerged).
Salle de Florence dans les années 1970 © photographie Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, mars 2017, exposition Bill Viola. Il Rinascimento elettronico, palazzo Strozzi, Florence.
Bill Viola a Firenze. L'americano è di ritorno a Firenze, al palazzo Strozzi, retour s'y inscrivant parfaitement. Il fut, entre 1974 et 1976, directeur technique de art/tapes/22, centre de production et de documentation dans cette ville, visitant musées, palais et églises, lieux inspirateurs de ses futures vidéos, rencontrant Daniel Buren, Alighiero Boetti, Jannis Kounellis, Sandro Chia... .Y réalisant trois de ses premières vidéos dont Eclipse (solstice d'hiver), (1974). Historique racontée dans les sous-sols de Strozzi.
Bill Viola et la Visitazione del Pontormo, nello studio di restauro di Daniele Rossi, Florence, 2013. Photographie: Kira Perov. Remerciements service de presse du Palazzo Strozzi.
L'eau, le feu, en introduction, dans la première salle, The Crossing (1996), rappel de ces deux éléments si présents dans les vidéos de Bill Viola, l'homme entouré de flammes, l'homme sous une cascade d'eau jusqu'à ne laisser place qu'au feu et à l'eau. Puis la salle de The Greeting, présentée à la Biennale de l'art de Venise en 1995, enfin mise en confrontation avec la Visitation du natif de Pontorme, pour la première fois réunies, émergeant de l'obscurité. Un grand moment, presque le syndrome de Stendhal, tellement ces deux œuvres résonnent entre elles. Bill Viola lors de son séjour en Europe n'avait pas été confronté à cette merveille de la bella maniera, à ses bleu, rose, vert, orange, à ces quatre femmes de la Visitation. Il la découvrit plus tard, en Californie, sur la couverture d'un ouvrage consacré à ce peintre de la Renaissance. Et, tout à coup, souvenances de la Déposition (1526-1528) de Jacopo Carucci detto il Pontormo admirée dans la chapelle Capponi de Santa Felicita, à Florence. Grand choc émotionnel qu'il relate, en février 2014, dans un entretien avec Ranieri Polese publié dans Corriere della Sera, se demandant après avoir admiré la Déposition : " ce que ce peintre avait fumé pour peindre ces roses, pour peindre ces incroyables bleus. Il semblait qu'il avait travaillé sous l'effet du L.S.D. ". Et l'idée de réaliser cette vidéo de mûrir peu à peu. Ajoutant au choc de cette confrontation, la Visitation est présentée sans cadre, telle une autre vidéo arrêtée, dans le mouvement suspendu des femmes. Une idée géniale de la scénographie comme seules les expositions italiennes savent l'exprimer.
Au fond Bill Viola, aperçu de The Deluge (Going Forth By Day) Il diluvio (Uscire al giorno), 2002, 36’. Pannello 3 dei 5 di Going Forth By Day (Uscire al giorno), 2002. Installazione video-audio Video a colori ad alta definizione proiettato su una parete in una stanza buia; audio stereofonico e subwoofer. cm 370 x 488. Courtesy Bill Viola Studio. Au premier plan Paolo Uccello (Paolo di Dono; Firenze 1397 circa-1475) Il Diluvio universale e recessione delle acque. 1439-1440 circa. Affresco staccato, 215 x 510 cm.. Firenze, Musei Civici Fiorentini, Museo di Santa Maria Novella, dalla quarta campata del lato est del Chiostro Verde © photographie Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, mars 2017, exposition Bill Viola. Il Rinascimento elettronico, palazzo Strozzi, Florence.
Que faire après un tel choc ? Parcourir les salles au pas des acteurs de The Path traversant une pinède (2002), plonger dans les reflets aquatiques de Surrender (2001), se confronter à la vie quotidienne au cours des saisons d'une sainte Catherine's Room (2001), morte en 1380 face aux actions de son existence peintes vers 1394-1398 par Andrea di Bartolo, alors qu'elle n'était pas encore canonisée. Assister, émerveillé, médusé et empli comme toujours de stupeur à The Deluge (2002), une scène peinte aussi à fresque par Paolo Uccello (vers 1439-1440). Et terminer par le seul peintre non italien, Lucas Cranach l'ancien et Adam et Ève (1528) annonçant dans la salle suivante Man searching for immortality / Woman searching for eternity (2013) projetés sur des plaques de granit noir. La fin de l'existence et la recherche de l'immortalité, le cycle de la vie, la mort.
Gilles Kraemer & Antoine Prodhomme (déplacement et séjour à titre strictement personnel à Florence pour cette exposition)
Bill Viola Self Portrait, Submerged (Autoritratto, sommerso) 2013, 10’18". Video a colori ad alta definizione su schermo al plasma installato a parete in verticale; audio stereofonico. Interprete: Bill Viola. 121,2 x 72,4 x 9 cm.. Oeuvre visible aux Gallerie degli Uffizi, Galleria delle Statue e delle Pitture, Florence. Remerciements au service de presse du Palazzo Strozzi.
Bill Viola. Rinascimento elettronico. L'arte contemporanea in dialogo con i capolavori del Rinascimento.
10 mars - 23 juillet 2017. Palazzo Strozzi, Florence
Commissariat d'Arturo Galansino, directeur général de la Fondazione Palazzo Strozzi et Kira Perov, directeur exécutif de Bill Viola Studio. Catalogue. Textes d'Arturo Galansino, John G. Hanshardt, Kir Perov, Alice L. Hutchison et Ludovica Sebregondi. 240 pages. Giunti Editore, Firenze. 35 euros.
Internet http://www.palazzostrozzi.org/
Remerciements au service de presse du Palazzo Strozzi.
Vues de l'exposition Bill Viola. La Renaissance électronique © photographies Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, mars 2017, exposition Bill Viola. Il Rinascimento elettronico, palazzo Strozzi, Florence.