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Publié par Gilles Kraemer

Gilles Kraemer

Déplacement et séjour personnel à Venise

Première, vendredi 22 novembre 2024

 

    La traviata ouvre la saison lyrique 2024/2025 du Teatro La Fenice !

La traviata, Ekaterina Bakanova © Nicola Rigo, générale, Teatro La Fenice, 19 novembre 2024

Une nouvelle fois La Fenice joue de malchance. Otello, soirée cravate noire, devait ouvrir ce 21 novembre la saison 2024/2025 du temple lyrique vénitien. Représentation annulée. Grève, comme pour les premières de Turandot le 30 août et de La fabbrica illuminata – Erwartung le 13 septembre.

Manque de chance et fin de saison 2023/2024 plus qu’agitée pour le surintendant et directeur artistique Fortunato Ortombina – directeur artistique depuis 2007, surintendant depuis 2017 - nommé officiellement ce 1er septembre surintendant du Teatro alla Scala et directeur artistique, en remplacement 1er mars 2025 de l’actuel surintendant, le Français Dominique Meyer.

Cette Traviata, mise en scène du canadien Robert Carsen, fut celle qui ouvrit le 12 novembre la saison 2004/2005, direction de Lorin Maazel. (1) Saison de la renaissance de La Fenice partie dans les flammes le 29 janvier 1996 et reconstruite. Lieu où elle fut créée le 6 mars 1853, c’est la version définitive de 1854 pour le Teatro San Benedetto qui est retenue. (2) Mise en scène plusieurs fois donnée et que Fortunato Ortombina a souhaité reprendre cette année, dans la portée symbolique de son 20ème anniversaire. Reprise supervisée par Christophe Gayral. (3)

La traviata, acte II © Nicola Rigo, générale, Teatro La Fenice, 19 novembre 2024

Une mise en scène qui avait pu surprendre à l’automne 2004 et provoquer quelques sifflets pour les danses espagnoles vulgaires de l’acte II, lors de la soirée chez Flora/ Loriana Castellano. Chorégraphiées par Philippe Giraudeau, elles mixent Crazy Horse Saloon et Village people, « gai Paris » fantasmé et gay Paris made in Tom of Finland. Ce n’est surtout pas le meilleur instant de la mise en scène du canadien, devenue historique, forte de sincérité, de justesse, une vision au scalpel et réaliste d’une société décrite en 1848 dans La dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils. Entretenir une demi-mondaine, une belle allongée, se ruiner pour elle, était acceptable et dans les conventions mais ne surtout pas s’éprendre d’elle. C’est toute la trame de ce mélodrame en trois actes, qui aurait dû s’appeler Amore e morte selon Verdi, entre Violetta/Ekaterina Bakanova -remplaçant au pied levé Marina Monzò pour cette soirée- et Alfredo Germont/Francesco Demuro.

La traviata, Diego Matheuz chef d'orchestre © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Teatro La Fenice, 22 novembre 2024

La soprano (future Micaela dans Carmen en juin 2025 au Teatro dell’Opera di Roma) connaît ce rôle pour l'avoir interprété trois fois ici, Demuro a déjà endossé les habits d’Alfredo et Nicolas Alaimo ceux paternels de Giorgio Germont. Tous à l’unisson pour que cette soirée se termina dans de chaleureux applaudissements – j’aime quand le rideau de La Fenice s’ouvre et se ferme, pratique malheureusement abandonnée par les institutions parisiennes -, scandée de bravi, brava, bravo toute au long de la représentation portée par l’incandescente direction du vénézuélien Diego Matheuz, habitué de cette salle puisqu’il y dirige sa 5ème Dévoyée. Conjonction parfaite des planètes avec ces habitués pour que cette représentation reste dans les souvenirs.

La traviata , le plateau vocal © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Teatro La Fenice, 22 novembre 2024

Souvenirs aussi tellement viscontiens du lieu ; Senso fut tourné ici. Ce ne sont plus les tracts V.E.R.D.I. lancés du paradis pour dénoncer l’occupant autrichien installé à  l’orchestre mais des dollars que les clients déposent sur le lit de Violetta comme des offrandes, devenant feuilles d’automne dans la scène de la campagne, billets que compte après consultation de Violetta le docteur Grenvil/ Rocco Cavalluzzi, geste de goujaterie car il sait qu’elle va bientôt mourir. L’argent règne en maître dans Traviata et Annina/ Barbara Massaro, la servante de la dévoyée n’étant plus payée, se rattrape en emportant le manteau de fourrure de sa maîtresse à peine celle-ci décédée. Elle pourra toujours l’apporter chez « ma tante », au Mont-de-Piété. Présence du vert, tout est vert, dans le décor de Patrick Kinmonth et les lumières de Robert Carsen & Peter Van Praet, ce vert tabou sur les scènes théâtrales, cette couleur associée à l’éphémère de l’amour, de la fortune, du jeu et aux choses inquiétantes. Normal La traviata, cette brève vie d’une prostituée de luxe, se doit de mal se terminer.

La traviata, Ekaterina Bakanova et Francesco Demuro © Nicola Rigo, Teatro La Fenice, générale, 19 novembre 2024

Traviata, tous les airs sont connus et la diva et le ténor attendus impatiemment, affrontant les difficultés de l’acte I, celui de l’amour naissant. Projection amoureuse chez Ekaterina Bakanova, profondeur, longueur et puissance chez Francesco Demuro, tout n’est que palpitation chez ces deux êtres. L’on ressent chez la soprano des intonations de blessures, de souffrances, de solitude « abbandonata in questo/popoloso deserto/che appellano Parigi » puis d’entrain songeant à cet amour naissant avec Alfredo. Étrange que son « Sempre libera » soit interprété sous les assauts sexuels du baron Douphol/ Armando Gabba.

La traviata, Ekaterina Bakanova et Nicola Alaimo © Nicola Rigo, Teatro La Fenice, générale, 19 novembre 2024

L’acte II sera le retour à la réalité, lorsque Germont père, Giorgio/ Nicola Alaimo enjoint Violetta à rompre. L’on ressent toute sa douleur à demander à la dévoyée ce geste et à son fils de ne plus la revoir. Mais, les conventions sont là et il ne peut y avoir d’amour entre une prostituée et son client.

Tant attendu, l’acte III, celui du « chant du cygne » dans l’appartement vide de la courtisane. Adieu son immense lit, elle dort sur le sol. « Addio del passato bei sogni ridenti » sera dans les sanglots, les mots tremblants, dans les nuances des sentiments se heurtant.  

Rideau dans une salle conquise, aux pieds d’Ekaterina Bakanova.

(1) https://www.teatrolafenice.it/wp-content/uploads/2019/03/TRAVIATA-LA.pdf

(2)http://www.lecurieuxdesarts.fr/2021/01/29-janvier-1996-la-fenice-detruite-par-le-feu-l-incendio-del-29-gennaio-1996-distrusse-il-teatro-della-fenice-venezia.html

(3)http://www.lecurieuxdesarts.fr/2020/01/la-traviata-mise-en-scene-par-robert-carsen-gran-teatro-la-fenice-venise.html

Les amours tarifiées en 1927 au temps de Victor-Emmanuel III © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, dans un restaurant de Venise, novembre 2024

Giuseppe Verdi, La traviata, mélodrame en trois actes, livret de Francesco Piave

Création au Teatro La Fenice le 6 mars 1853

Version 1854 du Teatro Benedetto

Orchestre et Chœur du Teatro La Fenice

Direction Diego Matheuz  //  Chef des chœurs Alfonso Caiani

Mise en scène Robert Carsen/  reprise par Christophe Gayral

Scénographie & costumes Patrick Kinmonth

Chorégraphie Philippe Giraudeau  //  Lumières Robert Carsen et Peter Van Praet

La traviata © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Teatro La Fenice, 22 novembre 2024

Violetta Valéry Ekaterina Bakanova (22/11)   Marina Monzó (24, 27, 30/11)   soprano

Alfredo Germont Francesco Demuro ténor

Giorgio Germont  Nicola Alaimo baryton

Flora Bervoix Loriana Castellano…mezzo-soprano

Annina Barbara Massaro soprano // Gastone, visconte di Letorières Roberto Covatta ténor

Il barone Douphol Armando Gabba baryton // Il dottor Grenvil Rocco Cavalluzzi  basse

Il marchese d’Obigny Matteo Ferrara baryton-basse

Giuseppe Salvatore De Benedetto (22, 27/11) // Cosimo D’Adamo (24, 30/11)

Un domestico di Flora Nicola Nalesso (22, 27/11) // Emanuele Pedrini (24, 30/11)

Un commissionario Enzo Borghetti (22, 27/11) // Antonio Dovigo (24, 30/11)

Quatre représentations, du 22 au 30 novembre 2024

https://www.teatrolafenice.it/

 

 

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