Un flot de vibrations introspectives. Patrick Hourcade
Gilles Kraemer
Une exposition-Manifeste de la photographie.
Patrick Hourcade nous présente une trentaine d’œuvres, déjà vues ou inédites, tirées pour ces dernières à un seul exemplaire. " L’image a tué la photographie " écrit Patrick dans son Manifeste de la photographie alors que la photographie est avant tout une œuvre sur papier, telle la "belle feuille" du dessin, du pastel ou de l’aquarelle. " Par cette déclinaison en tirages successifs, la photographie s’est au fil du temps multipliée et vulgarisée " tels certains photographes dupliquant leurs tirages présentés comme originaux et limités par le subterfuge d'éditions en des dimensions différentes. " Cette surabondance de tirages a déprécié ce qu’on peut appeler « œuvres », autrefois plus rares et recherchées. ". Ajoutant " La photographie ne peut être assimilée à cette production, et doit retrouver son authenticité, et sa rareté. ".
Si la naissance de la photographie est dans la main de l’artiste, son tirage est tellement primordial dans le choix de son papier – ici, la Rolls de la feuille, un pur coton Hahnemühle en 305, 308 ou 310 grammes -. Les amateurs des ateliers de taille-doucier ou de lithographe comprendront cette alchimie, ce temps où l’encre devient "amoureuse" du papier, où l’encre imprègne le papier. Patrick parle de "pastel rentré" pour évoquer le tirage de ses photographies confié au studio Bordas, aujourd’hui l’Atelier Boba.
Patrick Hourcade, Le Centaure, 16 août 2016, Paris, musée Bourdelle. 66 x 50 cm.. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, mars 2023, galerie Gradiva, Paris.
Sa photographie Le Lit [20 juin 2016], quel plus beau qualificatif que " paresseuse " dans ce froissage d’un oreiller solitaire. Le bouquet [un feu d’artifice, cap Ferret, 24 août 2008] devient " une pluie d’or, entre feu et eau. ". Le Centaure [16 août 2016], c’est d’un œil voyeur qu’il l’a interpellé, dans le reflet d’une vitre du musée Bourdelle. Raz 2 et sa pointe [29 mai 2018], sans sa foule, dans un après-midi, sous un soleil se pointant, dans l’extraordinaire d’une mer calme, plate. Salz, en Camargue [31 juillet 2016, Salin-de-Giraud], un horizon, un ciel bombardé des taches du soleil dans un reflet sur le blanc du sel, " un effet cinétique de l’image. ".
Patrick Hourcade, Le Bal, 22 juin 2011, mariage, Vaux-le-Vicomte. 213 x 160 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, mars 2023, galerie Gradiva, Paris.
Patrick Hourcade, Softness, 18 juin 2010, Escos. 207 x 160 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, mars 2023, galerie Gradiva, Paris.
Une correspondance picturale dans Le Bal [22 juin 2011, un mariage, c’était à Vaux-le-Vicomte], un John Singer Sargent ?, un James Tissot ? en cette captation de la position parfaite de la femme entourée d’hommes comme chez Jean Béraud (1878), le jeu de la lumière trouble des bougies, la rayure verticale bleue de la fenêtre, toute une atmosphère de "Temps retrouvé" d’une "Recherche" suspendue. Raymond Radiguet dans son écriture de Le Bal du comte d’Orgel aurait-il aimé cette image ? me disait une amie commune, regardant cette photographie-tableau accrochée à côté de Softness [18 juin 2010, Escos], une pulvérisation de la couleur dans l’impressionniste de ce flot de pivoines, un " message d’affection " de Patrick à sa mère, ces fleurs étant posées sur le cercueil de celle-ci. Clin d’œil à Claude Monet et à Camille sur son lit de mort (1879) ?
Patrick Hourcade, Le Bois de Marie, 10 avril 2016, Escos. 105x 140 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, mars 2023, galerie Gradiva, Paris.
La colline caressée par le soleil, un jeu de lumière dans ce Bois de Marie [10 avril 2016, Escos].
Patrick Hourcade, La Marche ou L’Homme qui marche, 8 février 2016, Rodin.156 x 117 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, mars 2023, galerie Gradiva, Paris. Démultiplication dans le miroir.
"L'unicum", et non la multiplication, n'est-ce pas la vraie photographie ?
RÉTROSPECTIVE- INTROSPECTIVE
Patrick Hourcade à la Galerie Gradiva – 9, quai Voltaire – Paris
Jusqu’au 31 mars 2023
https://www.patrickhourcade.fr/
Émile Antoine Bourdelle, Centaure mourant, 1914. Plâtre © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, musée Bourdelle, mars 2023.
Il existe deux versions en bronze de ce Centaure, l’une imberbe, l’autre barbue, précise Valérie Montalbetti, responsable des sculptures - Colin Lemoine est également responsable des sculptures - et des collections de Bourdelle, musée Bourdelle.
Une tension de lignes verticales et horizontales. Le haut d’un corps d’homme. Le bas d’un cheval, un percheron s’élevant avant de s’affaisser. Face à la pulsion animale, l’esprit maîtrise la matière.
Émile Antoine Bourdelle, Centaure mourant. Bronze © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, musée Bourdelle, mars 2023.