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Publié par Gilles Kraemer

Gilles Kraemer (déplacement à Rome et séjour à titre personnel)

Orazio Gentileschi (Pise 1563 - Londres 1639), San Francesco in estasi / L’extase de Saint François, ca 1600-1605. Huile sur toile. 98 × 73 cm.. Collezione privata, courtesy Benappi Fine Art.

in situ exposition Orazio Gentileschi, les trois saint François © foto Alberto Novelli, Palazzo Barberini, Roma.

Le mur du bonheur à Rome !

 Un chef d’œuvre italien de la peinture découvert ! Une nouvelle œuvre s’ajoute au corpus d’Orazio Gentileschi (Pise 1563 - Londres 1639). Un nom qui ne soulève pas les foules comme le souligne Giuseppe Porzio et Yuri Primarosa commissaires de cette pertinente exposition-dossier que consacre le Palazzo Barberini à cet artiste du Seicento. Le papa est moins connu, sinon totalement inconnu du grand public, que sa talentueuse fille Artemisia (Rome 1597 - Naples 1652), très médiatique aujourd’hui mais pas uniquement pour des raisons artistiques comme le souligne le catalogue. (1)

attribué à Michelangelo Merisi, detto Caravaggio (Milano 1571 - Porto Ercole 1610), San Francesco in meditazione / Saint François méditant, ca 1606. Olio su tela, 123 × 92,5 cm.. Roma, Gallerie Nazionali di Arte Antica, Palazzo Barberini, inv. 5130 © foto Alberto Novelli.

Orazio Gentileschi (Pise 1563 - Londres 1639), San Francesco sorretto da un angelo / Saint François soutenu par un ange, 1610-1612. Huile sur toile. 133 × 98 cm.. Roma, Gallerie Nazionali di Arte Antica, Palazzo Barberini © foto Alberto Novelli.

26 février 2021, au cœur de la pandémie de la Covid. Une journée gravée pour Yuri Primarosa. Il est chargé d’examiner par l’Office d’exportation de Gênes, pour le compte du Ministère pour les biens et les activités culturelles et pour le tourisme (MiBACT), changeant le même jour sa dénomination en Ministère de la Culture (MiC), la libre circulation d’œuvres du Cinquecento et du Seicento. Et de rendre son avis avant le 8 mars pour éviter que des œuvres, apparemment anonymes et de peu d’intérêt quittent la péninsule. Parmi les photographies qu'il observe, comme le précise dans son essai ce conservateur des Gallerie Nazionali di Arte Antica Barberini & Corsini, l’une d'elles attire son attention. Bien qu’assombri par la poussière et les vernis, aucun doute pour ce Saint François en extase, présenté comme « école caravagesque ». Yuri reconnaît indiscutablement une œuvre d’Orazio, datable des premières années du XVIIème siècle. Sollicité par lui, Gianni Papi, historien d’art et spécialiste de la peinture du Seicento, confirmera son avis.

Orazio Gentileschi (Pise 1563 - Londres 1639), San Francesco sorretto da un angelo / Saint François soutenu par un ange, 1599-1605. Huile sur toile. 126 × 98 cm.. Madrid, Museo Nacional del Prado.

Témoignage de la pratique du peintre florentin, influencé par la nouveauté poétique et stylistique de Michelangelo Merisi, cette huile datée des années 1602-1605, en mains privées, est considérée aujourd’hui d’importance historique et artistique par l’État italien. Keith Christiansen, dans son essai du catalogue " La redécouverte de Saint François en extase de Orazio Gentileschi ", place cette toile dans les années 1613-1615, alors que le peintre séjournait chez son mécène Paolo Savelli, prince d’Albano, dans son palais romain édifié dans l’ancien théâtre de Marcellus (44-11 av. J.-C.). Keith lie son hypothèse à l’inscription portée au dos du tableau pouvant s’interpréter comme S[igno] e P[rincipe o Paolo] S[avelli]. Comme les deux commissaires Giuseppe Porzio et Yuri Primarosa le soulignent, la question de la chronologie des premières œuvres d’Orazio est une question délicate et encore ouverte, expliquant les différents points de vue des contributeurs du catalogue dans la datation.

Ludovico Cardi, detto Cigoli (Cigoli 1559 - Rome 1613), San Francesco in preghiera / Saint François en prière, ca 1599. Huile sur toile. 135 × 120 cm.. Roma, Gallerie Nazionali di Arte Antica, Palazzo Barberini © foto Alberto Novelli.

Pour Flaminia Gennari Sartori, depuis 2015 directrice des Gallerie Nazionali di Arte Antica di Roma - Palazzo Barberini e Galleria Corsini, cette minuscule exposition-confrontation, quatre tableaux autour de la présentation pour la première fois de cette peinture d’Orazio met une nouvelle fois en lumière les liens public - privé, dans ce soutien apporté par la galerie londonienne Benappi Fine Art, en la personne de Filippo Benappi et de Valentina Vico, à cette présentation exceptionnelle. Cette galerie a assuré la restauration de cette toile réalisée à Florence par Stefano Scarpelli et pris en charge le financement du catalogue, livre d'un bel intérêt scientifique.

Lorsqu’entre 1576 et 1580, Orazio quitte les ateliers pisans et florentins pour venir à Rome, il est encore un jeune homme plein d’avenir. Accueilli par son oncle, capitaine de la garde du Castello Sant’Angelo, il s’installe ensuite en 1593 via di Ripetta, près de l’église San Giacomo degli Incurabili. Après avoir acquis une notoriété comme fresquiste sous le pontificat de Sisto V et de Clemente VIII Aldobrandini dont la Présentation du Christ au Temple pour Santa Maria Maggiore (1593), la bibliothèque Apostolica au Vatican (1589) la coupole de Santa Maria ai Monti (1599), Gentile décide de se lancer dans la carrière de peintre, changeant de style après sa rencontre avec Caravaggio arrivé dans la ville papale vers 1595.

Ce tournant, comme le suppose Yuri Primarosa, pourrait prendre date avec Saint François soutenu par un ange du Museum of Fine Art de Boston, daté 1600-1603 par Erich Schleier, vers 1600 par Keith Christiansen et qu’il préfère placer vers 1598-1599, une peinture plus contenue et froide que celle dynamique du Museum of Fine Art d’Houston, un autre épisode de la vie du saint, cette union mystique avec le Christ : Saint François d’Assise recevant les stigmates, soutenu par un ange, 1599.1600.

Le mur des merveilles. Dans cette thématique de la représentation picturale de François, se place cette exposition-dossier-confrontation. La peinture inédite de Gentileschi (ca 1602-1605), est présentée aux côtés de trois importantes œuvres conservées à Barberini : Saint François en méditation attribué à Caravaggio (ca 1606), Saint François soutenu par un ange de Gentileschi (ca 1610-1615), Saint François en prière, ayant déjà reçu les stigmates de Ludovico Cardi, detto il Cigoli (ca 1596-1599), baigné du maniérisme tardif mais imperméable à la « rumeur » du Caravage.

S’y adjoint Saint François soutenu par un ange, autre chef d’œuvre de Gentileschi (ca 1602-1605), prêt insigne du Prado.

in situ exposition Orazio Gentileschi © foto Alberto Novelli, Palazzo Barberini, Roma

Extatique, pénitent ou contemplatif, François a abandonné l’habit des frères mineurs conventuels pour endosser celui des capucins. Cette nouvelle façon de représenter le saint trouve sa source dans la pratique des veilles des capucins devant la dépouille de leurs confrères, manifestation de l’austérité de la règle consacrée à l’élévation de l’âme et au refus de la vanité.

Deux objets présentés évoquent cette spiritualité capucine : la bure du frère prédicateur Mattia Bellintani da Salò (1535-1611) et son fouet de flagellation. Ainsi qu’une photographie de Massimo Listri (1953), des os et des squelettes de frères capucins dans la crypte de Santa Maria della Concezione à Rome, ossuaire formé à partir de 1631 avec les restes de plus de 4 000 frères, squelettes nus ou habillés, nombre provenant d’autres églises de l’Ordre.

in situ exposition Orazio Gentileschi © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Rome, 26 janvier 2023, Palazzo Barberini, Roma.

in situ exposition Orazio Gentileschi © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Rome, 26 janvier 2023, Palazzo Barberini.

Yuri Primarosa suggère que cette œuvre fut peinte au moment du procès intenté par Giovanni Baglione - pour des sonnets diffamatoires à son égard circulant dans Rome depuis des mois - contre Caravaggio, Onorio Longhi, Filippo Trisegni et Gentileschi. Dans les actes du procès, septembre 1603, - présentés ici - Orazio évoque un habit de capucin et une paire d’ailes qu’il avait prêtés au Merisi, plausiblement les accessoires figurant dans les peintures d’Orazio.

Cette peinture est proche de la description que donnait Tommaso da Celano, un des disciples de François, du saint : stature plutôt petite, tête ronde, visage un peu ovale, front plat et petit, yeux noirs. Le saint est figuré sur toute la toile, agenouillé, de profil alors que dans une autre peinture d’Orazio – autrefois attribuée à Caravaggio – datée 1601-1602, collection de Barbara Piasecka Johnson, il figure debout, les mains croisées sur la poitrine, tenant un crucifix .

in situ exposition Orazio Gentileschi avec les trois peintures de saint François par Orazio et le saint François attribué à Caravaggio © foto Alberto Novelli, Palazzo Barberini, Roma.

La " rustica poesia " autour du thème des capucins a inspiré de nombreux peintres du Cinquecento comme cela ressort de l’essai d’Alessandro Zuccari. Girolamo Muziano, ca 1575. Dernière décennie du 16ème pour Federico Barocci avec deux peintures. Annibale Caracci,1585. Bartolomeo Passerotti, années 1580.

Cette exposition, comme nos amis italiens y excellent – il suffisait de ressentir la dynamique et la passion des propos échangés lors du vernissage -, est un bonheur pour tout connoisseur du Seicento et du caravagisme. L’excuse toute trouvée pour un séjour romain, même dans le temps d’un aller-retour possible dans la journée.

(1)  http://www.lecurieuxdesarts.fr/2019/11/lucrece-d-artemisa-gentileschi-4-7-millions-d-artcurial.html

http://www.lecurieuxdesarts.fr/2022/03/entre-violence-et-seduction-entre-caravage-et-artemisia-une-judith-triomphante-caravaggio-e-artemisia-la-sfida-di-giuditta-tra-viole

Orazio Gentileschi e l’immagine di san Francesco. La nascita del caravaggismo a Roma / Orazio Gentileschi et la représentation de saint François. La naissance du caravagisme à Rome

27 gennaio - 10 aprile 2023 / 27 janvier - 10 avril 2023

Gallerie Nazionali di Arte Antica – Palazzo Barberini - Roma, via delle Quattro Fontane 13

Commissariat de Giuseppe Porzio, professore di storia dell’arte moderna presso l’Università di Napoli L’Orientale et Yuri Primarosa, conservatoro del museo e docente a contratto di storia dell’arte moderna presso la Sapienza Università di Roma.

vol AF © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Rome-Paris, 28 janvier 2023.

Catalogue, une source de références comme de très nombreux catalogues italiens et non une suite d’images comme ceux de certaines expositions en France. Textes de Keith Christiansen (già direttore del Department of European Paintings al Metropolitan Museum of Art di New York), Alessandro Zuccari et Massimo Moretti (professori di Storia dell’arte moderna, Sapienza Università di Roma), Ilaria Sgarbozza (Soprintendenza Speciale di Roma), Claudio Sagliocco (dottorando in Storia dell’arte, Sapienza Università di Roma). 168 pages. Éditions Officina Libraria, Rome. Prix 25 € (en service de presse).

 

 

 

 

 

Le chat du Palazzo Barberini, vous le rencontrerez dans l'entrée de cette institution muséale © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Rome, 26 janvier 2023.

 

 

 

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Rome, 26 janvier 2023, Palazzo Barberini

Revoir aussi l'immense plafond (1632-1639), à la gloire du pouvoir spirituel et politique de la famille Aldobrandini, autour du Triomphe de la Divine Providence réalisé en sept années par Pietro da Cortona (Cortona 1597 - Roma 1669) et ses élèves.

Ainsi que le nouvel accrochage des salles. La maniériste Déposition du Christ dans le sépulcre, Jacopino del Conte (Firenze ca 1515 - Roma 1598), huile sur bois des années 1550-1560, détail du périzonium du Christ .

 

 

 

 

 

 

 

 

Naturellement d'Angelo di Cosimo Tori detto Bronzino (Firenze 1503 - 1572), le viril Portrait de Stefano IV Colonna, huile sur bois, 1546. 

 

 

 

 

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