Gilles Kraemer
Fabrice Hyber racontant à ses (grands) élèves l'histoire du Paysage biographique de la Vallée, peinture, fusain et pastel, 2022. Dès que le professeur des écoles a le dos tourné, ses élèves, peu attentifs, ne songent plus qu'à le photographier plutôt qu'à prendre des notes ! © Le Curieux des arts, Gilles Kraemer, exposition Hyber, Fondation Cartier pour l’art contemporain.
in situ, l'exposition Fabrice Hyber © Le Curieux des arts, Gilles Kraemer, exposition Hyber, Fondation Cartier pour l’art contemporain.
Qui est Fabrice Hyber, Fabrice Hybert, le T final de son nom il l'ôte en 2005, " le manipulateur du fameux vert Hyber dont le code hexadécimal se situe entre le 369a et le 375c, ce vert qui est celui, au printemps, de la première pousse d’un arbre. Et cet arbre s'appelle le Charme." (1). Réponse à la Fondation Cartier où, l’idée a germé puis pris racine " d’une école, de salles de classe, d’une exposition école qui va "faire "école " souligne Hervé Chandès, le directeur général artistique de cette institution. Dans les multiples salles, des petites tables, des chaises pour apprendre à lire, à compter, à décrypter la peinture, sa peinture, participer à des programmes pédagogiques.
Même le long couloir de l'école avec ses bancs sont est évoqué. " Mes tableaux sont autant de démonstrations précise Fabrice, comme des tableaux noirs, d’où cette idée de salles de classe, avec ces tableaux qui sont mes peintures. ".
Fabrice Hyber, Risk, fusain, peinture à l'huile, papier marouflé sur toile, 2006 © Le Curieux des arts, Gilles Kraemer, exposition Hyber, Fondation Cartier pour l’art contemporain.
Fabrice Hyber, Migration impossible, fusain, peinture à l'huile, papier marouflé sur toile, 2006 © Le Curieux des arts, Gilles Kraemer, exposition Hyber, Fondation Cartier pour l’art contemporain.
Fabrice Hyber, Climat de là (l'eau de là), fusain, peinture à l'huile, résine époxy, 2015 © Le Curieux des arts, Gilles Kraemer, exposition Hyber, Fondation Cartier pour l’art contemporain.
Une façon aussi de revoir des figures géométriques puisque l’on passe d’une salle de classe à l’autre, certes par une porte mais aussi, si l’on est plus agile, par des triangles, des cercles, des rectangles ou des carrés percés dans le mur.
La Vallée, c’est Hyber vert pour celui qui porte l'habit vert depuis juillet 2021 !
La Vallée, titre de cette exposition, est aujourd’hui un œuvre végétal et le vaste atelier de Fabrice. Focus sur cet endroit vendéen, sur cet artiste né à Luçon. Ce lieu où il a passé son enfance, où je n’ai pas planté mais semé précise-t-il, depuis 1990, 300 000 graines qui donnèrent naissance à 100 000 arbres. Une forêt naquit, sur une centaine d’hectares, encerclant la ferme de ses parents éleveurs d’ovins. Une toile : La Serrie, paysage biographique de mes parents, rappelle leur histoire, celle de leur ferme mais aussi l’enfance de Fabrice puis celle de l’adulte qui décida, un jour, de racheter les terres tout autour de la propriété parentale pour éviter qu’elles ne deviennent des champs de culture intensive de maïs. Ses toiles sont une narration de sa vie. Paysage biographique de Pierre Giquel évoque celle de son ami.
Peinture finement appliquée, rehauts de pastel et d’aquarelle, parfois du pétrole, de longues coulures dans l’idée de la propagation des fluides, griffures de mots et de chiffres comme autant d’annotations d’un chercheur, d’un scientifique.
Reprenons les mots prononcés par Régis Campo lors de l’installation de Fabrice Hyber sous la Coupole," l’on aimerait faire avec lui l'école buissonnière et déambuler comme un gamin dans une forêt aux sentiers qui bifurquent.". Il faut reconnaître qu’il est " Hyber branché et vraiment franchement Hyber productif ", ajoutait-il.
Ted Hyber, Ours Hyber, un détail du monde de Fabrice Hyber, celui des Hyberhéros. Fusain et peinture à l'huile sur toile, 2022 © Le Curieux des arts, Gilles Kraemer, exposition Hyber, Fondation Cartier pour l’art contemporain.
Fabrice Hyber, Hyberhéros, fusain et peinture à l'huile sur toile, 2022 © Le Curieux des arts, Gilles Kraemer, exposition Hyber, Fondation Cartier pour l’art contemporain.
" Cette Vallée, c’est ici que tout arrive, précise-t-il, un endroit où l’on apprend. Lorsque j’ai semé cette forêt, de différentes essences, mon but était qu’elle devienne un endroit de vie extraordinaire.". A l’extérieur, dans les jardins de la Fondation, trois Ted Hyber, naturellement verts, en rappel de l’enfance. Sur les cimaises, 70 peintures. Une forêt à arpenter du regard, sa forêt. Un bâton à la main, son bâton d'académicien puisque délaissant l'épée, il a préféré un bâton de berger taillé dans un cormier, dans lequel est inséré un fusain.
Jean-Michel Wilmotte, Fabrice Hyber, Régis Campo © Académie des beaux-arts, photographie P. Rimond, 7 juillet 2021, dans la cour de l'Institut.
(1) Merci à Régis Campo, membre de l’Institut, mercredi 7 juillet 2021, quelques extraits de l'installation de Fabrice Hyber sous la Coupole.
Fabrice Hyber. La Vallée
8 décembre 2022 - 30 avril 2023
Fondation Cartier pour l’art contemporain – Paris
Commissariat Jeanne Barral, assistée de Margaux Knight
Prendre des notes en écoutant le professeur des écoles Fabrice Hyber présenter Paysage biographique de Pierre Giquel, 2017, aquarelle, fusain et peinture à l'huile sur toile © Le Curieux des arts, Gilles Kraemer, exposition Hyber, Fondation Cartier pour l’art contemporain.
Catalogue dans trois pratiques de lecture. D’un côté le texte : Fabrice Hyber, (inexorablement) apprendre ; entretien Bruce Albert & Fabrice Hyber, Semer une forêt ; Pascal Rousseau Speculator. Une écologie comportementale ; Emanuele Coccia & Fabrice Hyber, L’école buissonnière ; Olivier Schwartz, L’art de l’hypothèse ? De l’autre l’image : 65 peintures. Au milieu, dans un format à l’italienne, des photographies de La vallée à La Serrie en Vendée. 248 pages. 200 photographies. Éditions Fondation Cartier pour l’art contemporain. Prix 50 euros. Versions française & anglaise. (catalogue en service de presse)
La brebis © Photo Julien Raison - Lumento. Au mur, Fabrice Hyber a placé La Serrie, paysage biographique de mes parents, une peinture à l'huile, pastel, fusain, sur papier marouflé sur toile, 7 mètres de long
La brebis, photographiée sur la première de couverture du catalogue – ou la quatrième ? -, ne rappelle-t-elle pas une image iconique de l’histoire de l’art ? L’Agneau mystique du polyptique éponyme de la cathédrale de Gand, commencé par Hubert van Eyck, terminé en 1432 par son frère cadet Jean. Le regard de l'animal est profondément humain dans la magnificence de sa symbolique.
A la Fondation, souvenir du cèdre planté en 1823 par l’écrivain François-René de Chateaubriand sur cette parcelle du boulevard Raspail lui appartenant. Recensé parmi les Arbres remarquables de France depuis 2015, il était, solitaire, à l’entrée de ce bâtiment construit par les Ateliers Jean Nouvel en 1991-1994, l'enserrant. Victime des sécheresses successives et de la canicule de 2020, il fut abattu à l’été 2020. Dans quelque temps, la Fondation quittera son écrin végétal pour un écrin minéral, celui des anciens Grands magasins du Louvre, entre Conseil d’Etat et Le Louvre.
Deux autres expositions Fabrice Hyber, en France & en Italie. Dans le cadre d'une exposition de groupe au Domaine de Chaumont-sur-Loire, saison d'art 2023; Sous la forêt, des vies, du 1er avril au 29 octobre 2023. En écho à la Biennale d'architecture de Venise, La forêt invisible à l'espace Louis Vuitton, Venise, du 19 mai au 2023 au 7 janvier 2024; Fabrice a émis la construction de Venise sur une gigantesque forêt de mélèzes et d'aulnes.