Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Publié par Gilles Kraemer

Gilles Kraemer (envoyé spécial)

 

Besançon, vieille ville espagnole…

6 février 1668, Besançon et la Franche-Comté, rattachées aux Habsbourg d’Espagne, étaient conquises par les troupes françaises conduites par le Grand Condé.

in situ de l'exposition Le Beau Siècle © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022.

La Franche-Comté devenait province française, seulement pour trois mois comme le précise Amandine Royer dans le catalogue accompagnant la remarquable exposition Le Beau Siècle. La vie artistique à Besançon de la conquête à la Révolution (1674-1792) visible au musée des Beaux-Arts & d'Archéologie de Besançon. .

Luc Breton, Pietà, ca 1785 ? Terre cuite. Besançon, bibliothèque municipale  // à gauche Le Christ mort de Sebastiano Conca (1733)  //  à droite Le Christ mort de Johann Melchior Wyrsch (1779)  // au milieu, Crucifixion de Francesco Treviasiani (1698-1699) © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022.

Il est toujours de bon ton de célébrer les victoires royales de Louis XIV par les arts, moyens de glorification du souverain ; des dessins d’Adam Frans van der Meulen, vues panoramiques de la ville (1669-1670) et une eau-forte portèrent trace de cette fugace conquête d’un trimestre puisque, par le traité d’Aix-la-Chapelle le 2 mai 1668, le Soleil rendait la Franche-Comté à l’Espagne.

La guerre, dite d’Hollande, sera sa re-conquête, la Citadelle capitulant le 23 mai 1674 après un siège-spectacle par le roi accompagné d’une partie de sa cour. La guerre comme un spectacle mais pas qu’en dentelles ! Le traité de Nimègue d’août 1678 reconnaissait officiellement le rattachement de cette province au royaume de France. Cette seconde conquête se déclinera sur de nombreux supports, par des images fortes pour cet événement important du règne, Louis au faîte de sa gloire militaire ; une nouvelle fois Adam Frans van der Meulen avec son Siège de Besançon (1684-après 1687) commandé pour Marly, naturellement les almanachs de 1675 pour une propagande dans tous les foyers du royaume et le Portrait équestre de Louis.

Ainsi s’ouvre cette monstration en 6 phases, du triomphe à la création, des amateurs à la célébration par la commande, du bâtir à l’embellissement. Le Beau Siècle à Besançon ? Une période partant de la conquête définitive de la Franche-Comté de 1674, couvrant le Siècle des Lumières et s’arrêtant aux marches de la Révolution française. Un temps commencé dans le sang des batailles et se terminant dans le sang de la Révolution.

Beau Siècle dans sa discrète allusion à l’expression « le beau sexe » inventée pour bannir du vocabulaire le terme de « sexe faible » […] Beau Siècle hésitant entre l’art de paraître et celui de séduire […] référence à l’obsession de l’embellissement souligne dans le catalogue Nicolas Surlapierre. (1)

Dans un panorama bisontin tel qu’on pouvait voir la ville au XVIIIème siècle.

Luc Breton, Pietà, ca 1785 ? Terre cuite. Besançon, bibliothèque municipale  // à gauche Nicolas Guy Brenet, La lapidation de saint Étienne, 1775. Huile sur toile, 418,3 x 253,3 cm.. Église de Chamblay, Jura. Commande de la marquise de Grammont-Salives © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022.

Pour Yohan Rambaud, cette exposition intègre des objets, des acteurs et des lieux dans une ville où s’implantent l’intendance, le parlement transféré de Dole en 1676 et un nouveau palais édifié en 1720, une Académie des sciences, belles lettres et arts. Une reconstruction du contre-chœur de la cathédrale Saint-Jean suite à l’effondrement du clocher en 1729, suivie d’une commande artistique religieuse à Van Loo, Natoire et de Troy, première intervention aussi significative de peintres français […] Les Bisontins font ainsi le choix du prestige en essayant d’attirer des artistes de renom reconnaît Guillaume Kaserouni, du musée des Beaux-Arts de Rennes, dans son essai du catalogue : les peintres de l’Académie royale et la peinture religieuse. Nombre de tableaux d’autels présentés rendent compte d’achats ou de commandes : Saint Sébastien soigné par sainte Irène de l’atelier de Sebastiano Conca (ca 1740), L’Adoration des bergers de Johann Melchior Wyrsch (1779) pour Oyrières, un ensemble de cinq tableaux commandés à Nicolas Guy Brenet, Joseph Benoît Suvée et Jean Baptiste Regnault par la marquise de Grammont-Salives (1775-1788). Deux Christ mort présentés, dont l’on ignore la destination première, sont marquant par leur force et leur puissance, celui de Sebastiano Conca (1733), celui de Wyrsch (1779). 

Selon Christiane Roussel, conservatrice honoraire, inventaire de Franche-Comté, le paysage bisontin actuel reste profondément imprégné des réalisations architecturales et urbanistiques du siècle des Lumières dans son embellissement du cœur de la ville.

Livre attribué à Vauban, Plan et élévation de la Porte Royale, 1714. Bibliothèque nationale de France  //  Charles François Longin, Élévation de l’arc de triomphe de Besançon pour servir aux réparations des parties ruineuses et tombantes, 27 décembre 1940. Besançon, bibliothèque municipale © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022.

 

 

 

Luc Breton, buste de Johann Melchior Wyrsch, 1771. Plâtre teinté terre cuite. Besançon, musée des Beaux-Arts & Archéologique © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022.

Marquer la présence du pouvoir par la porte Royale édifiée en 1693, commémoration de la conquête, démolie en 1775 et l’idée d’une place Royale qui, malgré 16 projets, ne sera pas concrétisée. À l’intendant Charles André de Lacoré, arrivé en 1761 et maintenu pendant 23 années, l’on devra la construction du palais de l’Intendance - sur les plans de Victor Louis et la direction de Nicolas Nicole, 1771-1778 - de l’iconique théâtre par Claude-Nicolas Ledoux, entre 1778 et 1786, l’intérieur fut entièrement détruit par un incendie en 1958. Cet intendant parraina, en 1773 l’école gratuite de peinture et de sculpture de Besançon, à l’initiative du peintre Johann Melchior Wyrsch - Autoportrait -, remplacé en 1786 par Simon Bernard Le Noir - académie d’homme - et du sculpteur Luc Breton - buste à l’antique de Wyrsch et deux modello d’une Pietà -. De l’estime portée à cet intendant bâtisseur, à l’origine de nombreux chantiers bisontins et comtois, restent deux maquettes en terre cuite de Luc Breton (1784) imaginant des monuments commémoratifs en hommage à cet intendant et son épouse Marie.

Salle des Cris de Besançon de Gaspard Gresly (1712-1756) © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022.

Salle des trompe-l’œil de Gaspard Gresly (1712-1756) © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022.

Dans une belle scénographie, au touche-touche Les cris de Besançon de Gaspar Gresly (1740-1750), des portraits anonymes de la classe populaire dans une immédiateté de la représentation ainsi que les trompe-l’œil, art subtil dans lequel il excelle, souvent à connotation moralisatrice ou rébus d’une interprétation au second degré ou au verre brisé pour repousser encore plus les limites du leurre.

Autour de Jan van Dalen, Salomé tenant la tête de saint Jean-Baptiste, milieu du XVIIème siècle, ancienne collection Mareschal-Vezet (Milan, galleria Altomani & sons), deux toiles de Giovanni Battista Beinnaschi (1636-1688) de l’ancienne collection du cardinal de Choiseul ; à gauche, Saint Pierre, ca 1660-1665, collection particulière ; à droite, Saint Paul, ca 1665-1670, Besançon, musée des Beaux-Arts & Archéologique © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022.

Le taureau à trois cornes, époque gallo-romaine, 1er siècle. Alliage cuivreux coulé à la cire perdue  //  D’après Giovanni Battista Salvi (1609-1685), Vierge à l’enfant, 2ème moitié du XVIIe siècle. Huile sur toile. Ancienne collection de l’abbé Peltier  // musée des Beaux-Arts & d’Archéologie de Besançon  © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022.

Les collectionneurs, les commanditaires jouent un rôle crucial dans la vie bisontine. A travers des peintures, sont rappelés les rôles du cardinal de Choiseul – deux saints de Giovanni Battista Beinaschi réunis pendant quelques mois -, Chifflert d’Orchamps, Mareschal-Vezet, l’abbé Claude Antoine Pellier. Une place est accordée au taureau à trois cornes d’Aurigney, époque gallo-romaine du 1èr siècle, qui appartint au cardinal de Choiseul, archevêque de Besançon, une des pièces insignes aujourd’hui du musée des Beaux-Arts.

Joseph Benoît Suvé, Saint Pierre délivré de prison, 1788  //  Suvé, La dévotion au scapulaire, 1786 //  Nicolas Guy Brenet, La lapidation de saint Étienne, 1775. Huile sur toile, 418,3 x 253,3 cm.. Église de Chamblay, Jura. Commande de la marquise de Grammont-Salives pour ces trois peintures © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022.

Une exposition magique qui aurait largement mérité d’être une des expositions d'intérêt national 2022 pour la pertinence de son propos. Première exposition consacrée à cette importante période de cent dix-huit ans, grande rigueur scientifique du commissariat d’Yohan Rimaud, discours muséal innovant, approche thématique inédite, dans une correspondance parfaite à la politique de démocratisation culturelle menée et défendue par le ministère de la Culture !

Alors dans Besançon, vieille ville espagnole, / Jeté comme la graine au gré de l'air qui vole, / Naquit d'un sang breton et lorrain à la fois / Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix. Victor Hugo.

(1) Nicolas Surlapierre a été nommé en juillet 2022 directeur du musée d’art contemporain du Val-de-Marne à Vitry-sur-Seine, son remplacement est en cours. 

 

Le Beau Siècle. La vie artistique à Besançon de la conquête à la Révolution (1764-1792)

10 novembre 2022 – 19 mars 2023

Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon https://www.mbaa.besancon.fr/ 

Scénographie d’Yves Morel Workshop réalisée par l’équipe technique des musées de la ville

Commissariat général Nicolas Surlapierre, directeur des musées du Centre à Besançon – Commissariat scientifique Yohan Rimaud, conservateur des collections beaux-arts

Remarquable catalogue, à un prix très serré, édité par les Éditions courtes et longues, sous la direction d’Yohan Rimaud. De très nombreuses et passionnantes contributions. 412 pages. Prix 35 €.

Giovanni Bellini (ca 1435-1516), L’ivresse de Noé, ca 1513-1515. Huile sur toile, 103 x 157 cm.. Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, Besançon © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022. Cette toile sera visible au Musée Jacquemart-André (3 mars - 17 juillet 2023) dans le cadre de l’exposition Giovanni Bellini, Influences croisées consacrée à l’œuvre de cet artiste, l’un des fondateurs de l’école vénitienne, à travers une cinquantaine d’œuvres issues de collections publiques et privées européennes.

Hôtel de l’Intendance © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022.

Des visites de la ville sont prévues. Se renseigner auprès de l’Office de Tourisme et des Congrès du Grand Besançon, à la découverte de cette ville, aux hôtels particuliers sur rue ou entre cour et jardin, caractérisés par la pierre de Chailluz, pierre bicolore, un beige taché de bleu, apportant au tissu urbain bisontin son unité architecturale. Office de Tourisme et des Congrès de Grand Besançon Métropole | Bourgogne-Franche-Comté (bourgognefranchecomte.com)

Hôtel Boitouset, demeure construite dans le deuxième quart du XVIIIe siècle pour le chanoine François Boitouset, peut-être l’œuvre de Germain Boffrand ? © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022.

La Porte Noire (arc de triomphe érigé vers 175 en l’honneur de Marc Aurèle) et la cathédrale saint Étienne, Besançon © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022.

Hôtel de Ligniville - La construction de cet hôtel particulier s’est effectuée en deux temps. La façade sur rue est construite par l’architecte Jean-Charles Colombot en 1753 pour Jacques-Antoine Varin, conseiller au Parlement.

Du parlement de Franche-Comté au palais de justice - Découvrez plus de quatre siècles d’architecture judiciaire.  //  Du collège des jésuites au collège Victor Hugo - Gustave Courbet, Pierre-Joseph Proudhon, Louis Pasteur ont fréquenté cette institution dont l’origine se situe au XVIᵉ siècle.

 

La chapelle du Saint-Suaire, cathédrale saint Jean © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022

Hôtel de l’archevêché et abside du Saint-Suaire - Ce très bel hôtel particulier est reconstruit entre 1744 et 1750 pour le chanoine Charles-François Denis d’Agay.  //  Hôtel de Courbouzon Villefrancon - Hôtel particulier construit pour Claude-Antoine Bocquet de Courbouzon entre 1732 et 1735.

Nicolas Nicole (1702-1784), Chapelle Notre-Dame du Refuge, 1739-1745. © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022.

Du palais des archevêques au rectorat hôtel de Clévans - Construit à partir de 1739 pour Joseph Lebas de Clévans, conseiller au Parlement de Franche-Comté, cet hôtel particulier est l’œuvre de Jean Querret, architecte et ingénieur des Ponts-et-Chaussées.  //  Pierre Marnotte (1797-1882) - Élève à Paris de Bernard Poyet et d'Achille Leclère, il travaille à Marseille et Lyon avant de devenir architecte de la ville de Besançon (1823-1836).

Claude-Joseph Alexandre Bertrand (1734-1797) - Il commence sa carrière comme professeur de dessin à l’École d’artillerie, sa participation aux concours organisés par l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Besançon pour l’embellissement de la ville, lui permet de mettre en valeur ses dispositions pour l’architecture.  //  Claude-Antoine Colombot (1747-1821) - Après des études d’architecture à Paris, il se forme auprès de l’architecte parisien Louis-Jean Desprez. Installé à Besançon en 1768 il répond à de nombreuses commandes. Par sa rigueur et son inventivité il se situe parmi les meilleurs architectes comtois et permet l’introduction du néo-classicisme en Franche-Comté.

Hôpital Saint-Jacques, pharmacie constituée vers 1680 par l’apothicaire Gabriel Gascon (1612-1692) © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022. Gabriel Gascon s'occupa de l'apothicairerie pendant 26 années. La série la plus importante des pots daterait de la fin du XVIIe siècle et proviendrait de Lyon. Les trois variétés de pots sont : l'albarello ou pot cylindrique à cintrage plus ou moins prononcé; le pot canon, la chevrette munie d'une anse et d'un goulot de versement.  L'hôpital Saint-Jacques fut construit entre 1686 et 1691. 

Souvenirs de campagne à la ville - Tout au long du XVIIIᵉ siècle Besançon connaît des transformations urbanistiques sans précédent en lien avec le contexte politique, économique et social du rattachement à la France.  //  Les bâtisseurs oubliés : l’œuvre des architectes religieux des XVIIe et XVIIIe siècles  //  Les maisons d’architectes par et pour eux-mêmes entre le XVIIIᵉ et le XIXᵉ siècle  //  Circuit le retour à l’antique  //  Circuit floraison des hôtels particuliers sous Louis XV.

Pavé de julienne en ligne, fregola sarda liée au crémeux de persil racine, salicorne & sabayon Yuzu Kosho - Restaurant, avec une touche asiatique, à recommander : Le Saint Cerf, 1 rue Megevand, Besançon © Le Curieux des arts Gille Kraemer, Besançon, automne 2022.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article