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Publié par Gilles Kraemer

Texte Gilles Kraemer & photographies Antoine Prodhomme

 

Léon Bonvin ? La Bohème à Bougival ? Ou Ernest Meissonier des fleurs sauvages et des herbes folles ? 

Mettre en lumière des artistes ou des aspects de l’histoire de l’art encore peu étudiés, telle est la vocation de la Fondation Custodia souligne Ger Luijten, directeur de cette institution connue par tout amateur de la "belle feuille".

Léon Bonvin, Autoportrait, 19 janvier 1866. Plume et encre brune, aquarelle et rehauts de gouache blanche. 136 × 110 mm.. Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2016-T.38 © Antoine Prodhomme, Fondation Custodia, Léon Bonvin, décembre 2022.

Poursuivant sa défense de la peinture du XIXème siècle, après celles consacrées à Georges Michel. Le paysage sublime en janvier 2019 et Willem Bastiaan Tholen (1860-1931). Un impressionniste néerlandais en septembre 2019, la Fondation Custodia présente une des plus sensibles expositions de cet automne parisien 2022 dans son regard pertinent sur Léon Bonvin (1834-1866). Une poésie du réel, exposition de 80 numéros, accompagnée de la publication du catalogue raisonné de son œuvre dessiné et peint – une seule peinture à l’huile sur toile est connue de lui : Bouquet de marguerites et de violettes, Baltimore, The Walters Art Museum - sous la conduite de Maud Guichané & de Gabriel P. Weisberg. Remarquable publication... et seulement 35 euros. 

La dernière exposition consacrée à cet artiste s’était tenue en 1980 et 1981 aux États-Unis. (1) Après sa disparition tragique, nombre de collectionneurs s’intéresseront à son œuvre, le marché américain, l’Étasunien William T. Walkers qui possédera 56 œuvres sur papier plus la seule peinture à l’huile, dont certaines acquises du vivant de l’artiste par l’intermédiaire du marchand George Lucas. En 1895, Richard B. Gruelle dans son guide consacré à la collection Walters le qualifie de Meissonier des fleurs sauvages et des herbes folles / The Meissonier of wild flowers and weeds concluant après tout, ces peintures doivent peut-être une part de leur beauté aux circonstances malheureuses dans lesquelles elles furent créées. Cette collection fut à l’origine du Walters Art Museum de Baltimore ; 32 de ces œuvres ont traversé l’Atlantique pour être présentées à la Custodia.

In situ, exposition Léon Bonvin © Antoine Prodhomme, Fondation Custodia, Léon Bonvin, décembre 2022.

Qui fut cette météorite de l’art, ne connaissant pas la notoriété artistique de son demi-frère François (1817-1887) ? De lui, son Portrait, un daguerréotype (ca 1855). Et son Autoportrait, il nous regarde fixement, les yeux tristes, le visage rêveur, sinon absent, une tempête dans son cerveau datée du 19 janvier 1886 et dédicacée à sa femme Constance Félicité. Témoignage poignant, un ultime souvenir de cet homme « accablé par toutes sortes de chagrins» qui se suicide par pendaison, en forêt de Meudon, le 30 janvier 1886. Âgé de 31 ans. Son corps ne fut découvert que quelques jours plus tard. Trois enfants orphelins.

Un mythe de l’artiste incompris, isolé ! Une histoire parfaite, rêvons un peu, pour un sujet de livret de Luigi Illica & Giuseppe Giacosa sur une musique de Giacomo Puccini : La Bohème à Bougival ?

Une vie pas des plus heureuse. Demi-frère de François dont il était de 17 ans le cadet. Fils de personnes âgées, son père avait 48 ans et sa mère 44 ans. Se marie à 22 ans. A 28 ans, à la mort de son père, il reprend la direction du cabaret se trouvant à Vaugirard, village à l’époque hors de Paris. Autodidacte – son frère lui a donné quelques leçons -, il dessine seul, loin du marché et du milieu artistique de Paris, puisant son inspiration tout autour de lui.

Léon Bonvin, Bouquet de marguerites et de violettes. Huile sur toile - 270 x 200 mm.. Baltimore, The Walters Art Museum  © Antoine Prodhomme, Fondation Custodia, Léon Bonvin, décembre 2022.

Léon Bonvin, Bouquet de violettes, 1863. Plume et encre brune, aquarelle sur un tracé au graphite. 191 x 154 mm.. Zurich, Collection Walter Feilchenfeldt // à droite, Bouquet de pensées, 1863. Plume et encre brune, aquarelle sur un tracé au graphite. 187 x 152 mm.. Zurich, Collection Walter Feilchenfeldt. © Antoine Prodhomme, Fondation Custodia, Léon Bonvin, décembre 2022.

Au début, dès 1856, seule la pierre noire l’intéresse pour la plaine de Vaugirard, le comptoir et la cuisine de son cabaret, le sujet surgissant de l’ombre. La couleur de l’aquarelle et de la gouache apparait dès 1857 dans des paniers ou des vases transparents accueillant des bouquets de fleurs des champs très minutieux, en un plan rapproché, des fleurs simplement posées, comme cueillies quelques minutes avant. A retenir, la délicatesse de la paire Bouquet de violettes et Bouquet de pensées (1863). La nature, il va la saisir autour de lui, celle de plantes seules, un paysage vaporeux au lointain, à toutes les saisons – Chardon devant un paysage d’hiver (1864) -, à tous les instants – spectaculaire et onirique Aubépines devant un paysage nocturne avec des maisons à l’arrière-plan (1864) -. Dans une convocation à la Chardin ou aux maîtres hollandais, il réalise des natures mortes de fruits, de légumes, de poissons.

François Bonvin (1817-1887), Vue du comptoir de l’auberge de Vaugirard. Plume et encre brune, aquarelle. – 219 × 168 mm.. New York, Collection particulière.

La 4ème section est consacrée à la postérité du peintre, l’organisation par son demi-frère, en mai 1866, d’une vente à l’Hôtel Drouot au profit des orphelins de Léon. Et la dernière à la présentation d’œuvres de François.

Un peintre singulier dans sa vérité.

 

(1) The drawings and waters colors of Léon Boivin, The Cleveland Museum of Art puis à The Walters Art Gallery de Baltimore, 12 novembre 1980 - 31 mars 1981. Catalogue de Gabriel P. Weisberg.

Léon Bonvin (1834–1866). Une poésie du réel

8 octobre 2022 - 8 janvier 2023 - Fondation Custodia - Paris

Tous les jours sauf le lundi, de 12h à 18h - Entrée 10 €

Commissariat Maud Guichané

Dans la tradition de la Fondation, remarquable livret de l’exposition offert aux visiteurs, 36 pages.

Léon Bonvin, La plaine de Vaugirard, 1856. Pierre noire et estompe. 175 × 166 mm.. Paris, Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris © Fondation Custodia.

Léon Bonvin, Route dans la plaine de Vaugirard, 1863. Plume et encre brune, aquarelle. 212 x 162 mm.. Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris © Fondation Custodia, collection Frits Lugt, Paris.

Catalogue raisonné de l’œuvre peint et dessiné de Bonvin, sous la conduite de Maud Guichané & de Gabriel P. Weisberg. 144 numéros. Auquel est adjoint un corpus de 9 gravures sur bois reproduisant des aquarelles de Léon Bonvin publiées dans Harper’s New Monthly Magazine en 1885. Essais rédigés par Jo Briggs, conservateur associée au Walters Art Museum de Baltimore, Maud Guichané, assistante de conservation à la Fondation Custodia, Ger Luijten, directeur de la Fondation Custodia, Michèle Quentin, historienne des jardins et Gabriel P. Weisberg, professeur émérite de l’Université du Minnesota. 304 pages, environ 170 illustrations en couleur. Éditions Fondation Custodia, MMXXII, publication en deux versions, française & anglaise. Prix 35 €.

James Tissot (1836 - 1902), Le Vestiaire, vers 1885. Graphite. 339 × 426 mm.. Fondation Custodia, Collection Frits Lugt, Paris, inv. 2019-T.25 © Fondation Custodia, collection Frits Lugt, Paris

Autre exposition à la Custodia : Dessins français du XIXème siècle, aux mêmes dates, un florilège de dessins issus des collections de cette institution. Catalogue.

 

© Antoine Prodhomme, Fondation Custodia, Léon Bonvin, Dessins français du XIXe siècle, décembre 2022.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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