Dans le cœur de Dominique Blanc, toujours La Douleur de Duras

Gilles Kraemer

Orchestre, place achetée, première, 23 novembre 2022

La douleur en paroles. La douleur de l'existence. La douleur de la séparation et de l'ignorance. La douleur de l'attente, de la recherche, de la déconvenue, de l'espérance.

La Douleur © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Athénée, mercredi 23 novembre 2022.

" Une Douleur exhumée ", comme le souligne Dominique Blanc, sociétaire de la Comédie-Française, reprenant le texte de Marguerite Duras qu'elle avait interprété en 2008, dans la mise en scène de Patrice Chéreau & de Thierry Thieû Niang.

Chéreau est mort en 2013. Aujourd'hui, sous l'œil de Thieû Niang, " Je reprends La Douleur parce que c'est un texte majeur que je n'ai jamais abandonné. ", poursuit Dominique Blanc.

La Douleur © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Athénée, mercredi 23 novembre 2022.

Seule sur scène, côté cour, assise, de dos, sous la lumière de Gilles Bottachi, attendant de commencer ce monologue. Une heure 20 plus tard, émue, très émue, les yeux rougis, incrédule, heureuse de l'accueil triomphal et sincère, vraiment sincère qu'elle reçoit. De nombreux sociétaires sont venus la soutenir.

Une nouvelle fois elle a gagné. Magnifique hommage à Patrice. " Les comédiens relient toujours les vivants et les morts " précise Dominique Blanc.

La Douleur © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Athénée, mercredi 23 novembre 2022.

Décor d'une rigueur janséniste. Côté Jardin, sept chaises. Côté droit, une table banale couverte de papiers, une pomme qu'elle épluchera puis coupera en quartiers sans la manger, une chaise pour s'asseoir, une autre chaise sur laquelle est posé son manteau qu'elle revêtira lorsqu'elle partira à la recherche de Robert L. dans Paris, à hôtel Lutétia, à la gare d'Orsay, son trousseau de clefs à la main.

L'attente, dans ce récit autobiographique, du retour de son mari Robert Antelme (1917-1990). Au printemps 1945, Marguerite, résistante, écrivain, cherche à savoir ce que son époux Robert L., arrêté et déporté politique, en juin 1944, en Allemagne, est devenu. Elle l'imagine décédé, son cadavre dans un fossé, fusillé ou mort de faim ou vivant.

Attente de chaque instant, dans l'interrogation et le questionnement perpétuel. Dans un rythme soutenu de la parole, entre abattement et fugace espoir.

Jusqu'aux retrouvailles de ce corps décharné, amaigri, de cet homme auquel peu d'espoir de survie est donné. Jusqu'au " et un jour il dit j'ai faim ".

Retour à la vie. Retour à une autre vie.

Marguerite divorce en 1947 et se remarie avec Dionys Mascolo.