Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Publié par Gilles Kraemer

Gilles Kraemer

déplacement et séjour personnel à Venise

Donato di Niccolò di Betto Bardi, detto Donatello (ca 1386-1466), Saint Laurent, ca 1440. Terre cuite, 74,5 cm.. Londres, collection privée © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022, Venise.

Attention ! Piccola & meravigliosa mostra alla Galleria Giorgio Franchetti alla Ca’ d’Oro qui n’a jamais aussi bien porté ce nom magique pour de tels trésors.

Petite mais merveilleuse exposition, comme y excellent les conservateurs italiens, dans ce lieu magique vénitien plus connu sous le nom magique de Ca’d’Oro. Da Donatello a Alessandro Vittoria. 150 anni di scultura nella Republica di Venezia est la première grande exposition consacrée à la sculpture à Venise avec 56 numéros - bronzes, marbres, terres cuites - dont 28 des collections de la Galleria Giorgio Franchetti, haut lieu de conservation de bronzes et de sculptures principalement renaissances comme le souligne Claudia Cremonini, co-commissaire, directrice de cette institution vénitienne. Dans un dialogue de maîtres – pas tous connus du grand public - ayant travaillé à Venise ou dans les territoires de la République, entre le XVe et le XVIe siècle. Parmi eux, Donatello, Antonio Rizzo, Pietro Lombardo et ses fils Tullio et Antonio jusqu’à Jacopo Sansovino et Alessandro Vittoria, dans les temps allant de la première Renaissance au Maniérisme tardif, dal primo Rinascimento alla tarda Maniera.

Nul doute que la Ca’ d’Oro n’était lieu plus approprié pour une telle concentration explosive de chefs-d’œuvre, dans cette mise en espace par Toto Bergamo Rossi et Giulia Passante dans les salles du piano nobile. (1)

Attention, un seul Niccolò di Betto Bardi detto Donatello (ca 1386-1466) est présent, prêt d’une collection privée. San Lorenzo (ca 1440), une terre cuite, nous accueille, telle une évidence de la sculpture, dans ce retour à l’Antiquité, comme nous le précise Toto Bergamo Rossi le médiatique co-commissaire. Le sculpteur, alors au sommet de sa carrière, séjourne à Padoue – sous domination vénitienne depuis 1405 - entre 1443-1453, ouvrant un atelier dans cette ville du territoire de la Sérénissime, travaillant au monument équestre d’Erasmo da Nardi detto il Gattamelata, à l’autel majeur et à la Crucifixion de la basilique Saint Antoine. Mais, précise Andrea Nante dans le catalogue, sa présence physique à Venise n’a jamais été prouvée jusqu’à présent.   

Dans les années 1450, la République est au sommet de sa puissance politique et commerciale, par sa position stratégique entre l’Orient et l’Europe, dans ce temps de basculement, de la chute de l’Empire byzantin, de la redécouverte artistique de l’Antique, porte ouverte vers la Renaissance.

Andrea Briosco, detto il Riccio (1470-1532), Madone assise, fin du XV siècle. Terre cuite avec des traces de polychromie, 120 cm.. Venise, Galleria Giorgio Franchetti alla Ca’ d’Oro © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022, Venise.

Atelier des Lombardo, Saint Sébastien, ca 1510. Marbre de Carrare, 51 x 40 cm.. Venise, Chiesa dei Santi Apostoli  //  Andrea Mantegna, Saint Sébastien. Tempera sur toile, 213 x 95 cm.. Venise, Galleria Giorgio Franchetti alla Ca’ d’Oro © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022, Venise.

En dialogue avec Donatello, la terre cuite de la Vierge sur le trône d’Andrea Briosco detto il Riccio (fin XVe) et à côté, la bouleversante confrontation entre le marbre de Saint Sebastian de l’atelier des Lombardo et l’une des pièces les plus insignes de la collection Giorgio Franchetti, la poignante et inoubliable peinture du Saint Sébastien d’Andrea Mantegna. Quelle plus profonde émotion dans ce dialogue fulgurant entre ces deux visages de souffrance du saint patron des archers et des athlètes. Un des nombreux sommets de cette exposition. Un des nombreux syndromes stendhaliens.

Autre correspondance, celle de la Madone dite poétiquement aux beaux yeux de l’atelier de Giovanni Bellini et le marbre de la Madone à l’enfant de Pietro Lombardo (fin du XVe).

In situ. Au premier plan Tullio Lombardo (ca. 1455-1532), Portrait double, ca 1490-1499). Marbre de Carrare, 47,5 x 50,5 cm.. Inscription TVLLIUS / LOMBARDVS. F. Venise, Galleria Giorgio Franchetti alla Ca’ d’Oro © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022, Venise.

Giovanni Maria Mosca, Philoctète, ca. 1520. Marbre de Carrare, 39,6 x 22,5 cm.. Mantoue, Museo di Palazzo Ducale (propriété de la commune de Mantoue. Inscription VVLNERE LERNAEO DOLET HIC POENTVS HEROS © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022, Venise.

Antonio Lombardo (ca. 1458-1516), Mort de Lucrèce, ca 1508-1516. Marbre de Carrare, 48,3 x 42,9 cm.. Londres, collection privée  //  Tullio Lombardo, Femme avec bracelet, ca 1520. Marbre de Carrare, 45,6 x 38,2 x 14,2 cm… New York, The Hearn Family trust © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022, Venise.

Antonio Minello (ca1465-1529), Apollon, début du XVIe siècle. Marbre de Carrare sur fond de marbre noir de Belgique, entourage du XVIIe siècle en marbre jaune ancien. 68 cm.. Collection Costanzo Patrizi, Rome, 1624. Milan, Walter Padovani © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022, Venise.

 

 

Giovanni Maria Mosca (ca 1493- ca 1574), Cléopâtre, ca 1515-1520. Marbre de Carrare sur un fond de lave noire, entourage du XVII siècle en marbre jaune de Sienne. Le sujet 33,3 x 22,7 cm. Collection Costanzo Patrizi, Rome, 1624. Rennes, musée des Beaux-Arts © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022, Venise.

Attention, salle des merveilles souligne Claudia Cremonini, avec cette miraculeuse Mort de Lucrèce présentée pour la première fois dans une institution. Aujourd’hui reconnu d’Antonio Lombardo (1508-1516), ce marbre passa chez Christie’s Londres en juillet 2020, avec une attribution à Lombardo. Cette narration sculptée de l’héroïne romaine enflamma les enchères, poussées par un collectionneur à 3 724 750 £, loin de son estimation de 700 000 £. Cette démonstration de la moralité, de la fidélité et de la vertu de cette romaine, préférant se suicider après avoir été violentée, vaut à ce sujet très prisé de la Renaissance d’être en couverture du catalogue en italien alors que le marbre de son frère Tullio, Femme au bracelet illustre celui en anglais. Du même Tullio, le Double portait d’un couple (1490-1499) est encore l’une des œuvres maîtresses de Ca’ d’Oro.

Antonio Minello (ca1465-1529), Apollon, début du XVIe siècle  //  Giovanni Maria Mosca (ca 1493- ca 1574), Cléopâtre, ca 1515-1520. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022, Venise.

Dans cette même salle, Apollon d’Antonio Minello (début du XVIe) et Cléopâtre (ca 1515-1520) se donnant la mort de Giammaria Mosca, deux sculptures de marbre de l’ancienne collection du marquis Costanzo Patrizi à Rome sont réunies, pour la première fois, après quatre siècles ; silence absolu face à ces deux merveilles.

Lorenzo Bregno (1475/1485-1523), Buste du Sauveur, ca. 1510-1515. Marbre de Carrare, 73 x 61 x 31 cm.. Venise, Scuola Grande di San Rocco  //  Giovanni Battista Bregno (14..-1523), Christ ressuscité, 1499-1503. Marbre de Carrare, 113 cm.. Trevise, Tempio di San Nicolò, autel du Christ ressuscité  //  Giovanni Maria Mosca, Saint Marc, 1527. Marbre de Carrare avec des traces de dorure, 68,6 cm.. Venise, Chiesa di Santa Maria Domini, autel du Saint Sacrement © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022, Venise.

Les sujets chrétiens se drapent dans les habits antiques tels les deux Christ ressuscité de Giovanni Battista Brego des années 1499-1503 et 1506-1508 ; le regard  de ce sculpteur  s’est largement posé sur la statuaire grecque et romaine.

In situ Pier Jacopo Alari Bonacolsi, detto l’Antico, Apollon du Belvédère, ca. 1498-1502. Bronze, patine brune, partiellement doré, argent, 40,8 cm. Ancienne collection Domenico Pasqualigo, Venise. Aujourd’hui Venise, Galleria Giorgio Franchetti alla Ca’ d’Oro © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022, Venise.

Parmi les bronzes présentés, l’Apollon du Belvédère, vers 1498-1502 de Pier Jacopo Alori Bonacolsi, surnommé l’Antico, une restitution du marbre romain du milieu du IIe siècle, réplique d’un bronze réalisé entre 330 et 320 av. J.-C. par le grec Léocharès, bronze à la peinture brune, yeux argent, étoffe dorée, par cet artiste travaillant pour les Gonzague de Mantoue. Merveille renvoyant à l’exposition Antico: The Golden Age of Renaissance Bronzes à The Frick Collection au printemps 2012 où un modèle similaire, mais sans l’arc, provenant de Francfort était présenté. À côté, les bronzes en relief d’Andrea Briosco detto il Riccio [surnommé le hérisson] autrefois à Santa Maria dei Servi.

Jacopo Tatti, detto il Sansovino, Madone avec l’Enfant et les anges, ca 1560. Marbre de Carrare, 61.5 x 122 cm.. Précédemment Chiesa delle Zitelle, Venise  //  Jacopo Fantoni, detto Colonna, Rédempteur, ca 1530. Marbre de Carrare, 130 x 65 cm.. Autrefois Chiesa di Santa Croce alla Giudecca. Aujourd’hui toutes les deux à Venise, Galleria Giorgio Franchetti alla Ca’ d’Oro © Matteo de Fina, 2022, Venise.

Le florentin Jacopo Tatti detto Sansovino fuyant, comme de nombreux artistes, la Ville éternelle et la cour papale après le sac de 1527, arrive à Venise à l’été pour un bref séjour qui se transformera en 43 années, jusqu’à son décès dans cette ville. Venue propice sous le signe de la fortune comme l’évoque Bruce Boucher dans le catalogue, les frères Antonio et Tullio Lombardo étant mort en 1516 et 1528, Gian Maria Mosca parti en Pologne en 1530. Soutenu par le collectionneur Domenico Grimani et le doge Andrea Gritti, il devint une figure influente de l’art vénitien du XVIe siècle avec la Loggetta du campanile et le Mars et Neptune en haut de l’escalier d’honneur du Palais ducal.

In situ de la dernière salle avec les portraits des patriciens par Alessandro Vittoria, tous conservés à Venise, Galleria Giorgio Franchetti alla Ca’ d’Oro. Buste de Marino Grimani, 1592-1593. Terre cuite doréen 87 cm..  //  Buste de Domenico Duodo, ca 1596. Marbre de Carrare, 80 cm..  //  Buste de Giovanni Donà, ca. 1590. Marbre de Carrare, 78 cm..  //  Buste de Benedetto Manzini, avant 1560. Marbre de Carrare, 73 cm.. © Matteo de Fina, 2022, Venise.

La salle des bustes de patriciens vénitiens par Alessandro Vittoria (1525–1608) conclut ce parcours époustouflant de 150 ans de sculptures.

Domus Gimani © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022, Venise.

(1) Francesco Bergamo Rossi, dit Toto, figure incontournable de commissariat d’expositions et d’importantes initiatives de collecte de fonds, est directeur de la Fondazione Venetian Heritage Onlus & chargé des relations internationales de Venetian Heritage Inc. De lui, l’on se rappelle son co-commissariat avec Daniele Ferrare pour l’éblouissante et "meravigliosa mostraDomus Grimani. 1494-2019, consacrée, en 2019, au retour des sculptures antiques du patriarche Giovanni Grimani au sein de son palais éponyme.   http://www.lecurieuxdesarts.fr/2021/02/italia-febbraio-2021-riapertura-a-venezia-museo-di-palazzo-grimani-reouverture-du-palais-grimani-a-venise-fevrier-2021-iv.html

 

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022, Venise.

Da Donatello a Alessandro Vittoria. 1450-1600 - 150 anni di scultura nella Republica di Venezia

22 avril – 30 octobre 2022

Galleria Giorgio Franchetti alla Ca’ d’Oro – Venezia

Commissariat : Toto Bergamo Rossi, directeur du Venetian Heritage & Claudia Cremonini, directrice de la Galleria Giorgio Franchetti alla Ca’ d’Oro.

Catalogue remarquable. Textes de Toto Bergamo Rossi, Claudia Cremonini, Luca Siracusano, Andrea Nante, Bruce Boucher, Philippe Malgouyres du département des objets d’art du musée du Louvre, collections de la Renaissance et de la première moitié du XVIIe siècle, Jeremy Warren. 160 pages. Parution aux excellentes Éditions Marsilio Editori. 30 €.

Exposition organisée et financée par la Fondazione Venetian Heritage, en collaboration avec la Direzione regionale Musei Veneto.

© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022, Venise.

Inaugurée en 1927, la Galleria Giorgio Franchetti alla Ca’ d’Oro honore le nom du baron Giorgio Franchetti (Turin 1865 - Venise 1922). Mécène et collectionneur, il offrit à l’État italien en 1916, en plein conflit mondial, - il fallait avoir un fol espoir dans ces années de morts et de combats -, ce palais du Grand Canal qu’il avait acquis en 1894, après l’avoir restauré pour y exposer sa collection. De sa donation jusqu’à sa mort, le baron Franchetti travailla avec Gino Fogolari, alors directeur des Gallerie dell’Accademia, pour l’enrichissement de sa collection et la sauvegarde des œuvres vénitiennes.  https://www.cadoro.org/

Ringraziamenti a Giovanni Maria S.

 

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article