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Gilles Kraemer

mardi 28 juin 2022 – parterre – place achetée

Faust (saison 2021/2022) © Charles Duprat / OnP

Un Faust dans une mise en scène "étonnante", parfois à la limite du bon goût, de Tobias Kratzer (1980) souhaitant corseter de son imaginaire cet opéra de Charles Gounod (1818-1893). Il en a vu beaucoup le pensionnaire de la Villa Médicis en 2 674e représentation à l’O.n.P. ! Lavelli reste encore en mémoire et, le meilleur...

Vraie première publique dans cette mise en scène, celle-ci ayant été donnée à huis clos en mars 2021, en présence de Roselyne Bachelot, ministre de la Culture et de quelques happy few, Coronavirus étant le maître des cartes à cette époque.

Faust (saison 2021/2022) © Charles Duprat / OnP

Livret de Jules Barbier et de Michel Carré respecté, aucun contre-sens dans le jeu des chanteurs. Sinon d’apprendre, premier scoop, que Marguerite est enceinte des œuvres de Méphistophélès, - Rosemary’s Baby si vous connaissez bien votre Polanski -. Une échographie en gros plan révèlera neuf mois plus tard le côté diablotin et cornu de l’enfant à naître; - Joan Anton Rechi dans sa version à La Fenice, ce printemps 2022, n’avait pas poussé la drague du démon jusqu’à la visualisation d’un rapide coït comme sur le plateau de Bastille - (1). La nuit de Walpurgis se transforme en une chevauchée fantastique projetée sur grand écran ayant la taille du cadre de scène, dans cette virée nocturne à bride abattue, sur le bitume parisien et dans les cieux, de Faust / Benjamin Berheim et de Méphistophélès / Christian Van Horn, avec le survol au-dessus de Notre Dame comme une des réponses à la question que tout le monde se pose depuis avril 2019 : qui a enflammé la cathédrale ? Manifestement, selon la vidéo, Méphisto qui a balancé sa clope !!! Un second scoop qui n’a provoqué, là aussi, aucune réaction des abonnés de la grande boutique largement habitués aux cervelles éruptives des metteurs en trouvailles. Étonné de constater que la rame du métropolitain parisien, choisie comme cathédrale - ressemble à celle de Kyoto ; manifestement Rainer Sellmaler n’est jamais monté dans un wagon de la ligne 1 mais les couloirs du métro sont bien filmés dans la vidéo de Manuel Braun s’arrêtant complaisamment sur la décrépitude de certains plafonds.

Faust (saison 2021/2022) © Charles Duprat / OnP

Faust (saison 2021/2022) © Charles Duprat / OnP

Vidéo lourde dans ses gros plans, insistante dans ses zooms sur Angel Blue / Marguerite, essayant ses bijoux dans sa salle de bain "warlikowskienne" ou noyant avec acharnement l’enfant du pêché dans la baignoire. Déjà que les costumes de Rainer Sellmaler la serre à l’excès, constat identique pour la pétillante Sylvie Brunet-Grupposo dans les habits deux tailles en dessous de Dame Marthe. Comment oser les habiller de la sorte ? Que penser d’avoir transformé le chœur en basketteurs ou de l’avoir affublé de treillis lorsqu’il revient du combat ? Quant au maillot de corps de Faust, à oublier. Comment les chanteurs supportant déjà des mises en scène impossibles dans des contorsions improbables, suspendus et se débattant dans les cintres, acceptent-ils encore le ridicule des vêtements, d'être attifés, d'être boudinés de la sorte ? Oublier également le modeux jean aux genoux déchirés et le chapeau cow-boy de Valentin / Florian Sempey

La seule trouvaille de cette mise en scène piochant dans les ballets des Indes de Cogitore, dans Warlikowski avec la baignoire en plus, dans le cinéma étasunien, c’est celle des diablotins accompagnant Méphistophélès et se glissant partout.

Ni Tobias Kratzer ni personne de son équipe au tomber du rideau de cette première donc nulle bronca ou comment transformer un spectacle qui aurait subi des mécontentements - 170 € le ticket perdant – en un succès. Applaudissements nourris pour le plateau, pour ses chœurs menés par Ching-Lien Wu et chaleureux pour Thomas Hengelbrock dont la démonstration de la précision et la poétique de sa direction ne sont plus à souligner, sachant mettre en avant chacun de ses musiciens. Une limpidité captivante.

Faust © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 28 juin 2022, OnP

Le Faust de Benjamin Bernheim est merveilleux dans son interprétation du manipulé par le diable, incapable de s’assumer, donnant l’envie de l’aider, de le ressaisir. Empereur des ténèbres, Christian Van Horn endosse somptueusement les habits diaboliques, charmeur avec Dame Marthe, direct avec Marguerite; devant ce baryton-basse tous s’inclinent avec terreur. Angel Blue, dans ses débuts à l’Opéra national de Paris, est une magnifique et captivante Marguerite. Le Valentin de Florian Sempey est merveille si l’on fait abstraction de ce jeu West Side Story que lui a insufflé malheureusement Tobias Kratzer. Découverte de la mezzo Emily d’Angelo dans le rôle de Siebel, le sempiternel bouquet de fleurs à la main de l'éconduit. Et Guilhem Worms en Wagner. Tous très bons pour un Faust de plus à Paris mais, il n'est pas donné d'être un nouveau Lavelli...

Et attente impatiente d'Hamlet d'Ambroise Thomas par ce même metteur en scène, ici, le 11 mars 2023. Dans une comparaison avec celui vu par Cyril Teste à l'Opéra Comique en janvier. (2) Pour garder une image positive de l'O.n.P. et de sa direction actuelle, si cela est encore possible,  le choix de ce metteur en scène de ce Faust avait été décidé par le prédécesseur d'Alexander Neef, Stéphane Lissner, parti avant le terme de son mandat se réfugier dans la baie de Naples et prendre la tête du Teatro de San Carlo.

PS : rencontrant un habitué de l'Opéra ayant assisté à la représentation du vendredi 1er, bien placé puisque non loin du "rang du directeur général", son impression fut que la voix de Benjamin Bernheim n'était pas assez puissante pour la vastitude de la Bastille. Ce que je n'ai pas ressenti mais placé au 6e rang.    

Question toujours sans réponse : pourquoi  cet acharnement au surtitrage en anglais puis en français et pas l'inverse comme au TCE ou à l'Opéra Comique  ? 

(1) http://www.lecurieuxdesarts.fr/2022/04/faust-de-gounod-ce-n-est-pas-que-du-cinema-teatro-la-fenice.html

(2) http://www.lecurieuxdesarts.fr/2022/01/y-etre-absolument-hamlet-d-ambroise-thomas-a-l-opera-comique.html

Charles Gounod, Faust (1859), opéra en cinq actes,

Livret Jules Barbier & Michel Carré

Direction musicale Thomas Hengelbrock

Mise en scène Tobias Kratzer

Décors, costumes Rainer Sellmaier; Lumières Michael Bauer; Vidéo Manuel Braun

Faust : Benjamin Bernheim

Méphistophélès : Christian Van Horn

Valentin : Florian Sempey

Wagner : Guilhem Worms

Marguerite : Angel Blue

Siebel : Emily D'Angelo

Dame Marthe : Sylvie Brunet-Grupposo

 

Tag(s) : #Opéra et Musique
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