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 Gilles Kraemer

déplacement et séjour personnel à Venise

représentation du 22 avril 2022, première

Ivan Ayon Rivas et Carmela Remigio – Faust - Gounod © Michele Crosera - prova generale 20 avril 2022.

Faust de Gounod ce n’est pas que du cinéma à La Fenice, dans la nouvelle mise en scène de Joan Anton Rechi. Même si " la fin est tirée par les cheveux " lorsque Valentin, ressuscité - après avoir été occis par Méphistophélès alors que dans le livret Faust le tue - tire Marguerite par les pieds au moment du fermer du rideau, une vision de cinq secondes. À La Fenice, le rideau ne tombe pas, il se ferme. Si Joan Anton Rechi a quelque peu joué avec le livret, il lui a fait un bel enfant avec une mise en scène très pertinente et lisible. Bien loin de certaine mise en scène à la Bastille.

Avec la même distribution, le même chef Frédéric Chaslin et le même metteur en scène qu'en 2021, Faust revient à La Fenice dans une autre présentation, En 2021, dans le contexte du dé-confinement de la pandémie, chœur, chanteurs et danseurs étaient à l’orchestre et sur le plateau, les musiciens dans la fosse mais placés longitudinalement, le chef dirigeant côté cour, le public dans les loges. Cette connivence du maestro avec le plateau et l’orchestre se ressent dès l'ouverture, dès la première note de ce drame lyrique, " un opéra traditionnel devenu universel " comme Frédéric Chaslin se plait à le caractériser. Avec sa baguette, en d’amples et enveloppant mouvements, il va littéralement chercher, extraire jusqu’au plus profond chaque note des instruments, mettant en valeur chaque musicien. Cette direction fascinante et limpide, précise et incisive, sera largement applaudie.

Carmela Remigio et Aliex Esposito – Faust - Gounod © Michele Crosera - prova generale 20 avril 2022.

Mise en scène cinématographique, dans un décor tournant de Sebastian Ellrich, l’idée de départ de Joan Anton Rechi étant celle d’une des scènes d’Intervista de Federico Fellini, dans laquelle Anita Ekberg et Marcello Mastroianni regardent l’iconique scène de la Fontana di Trevi dans la Dolce vita, dans la nostalgie de leur jeunesse perdue. L’illusion du cinéma est comme celle de l’éternelle jeunesse après laquelle court Faust. Aujourd’hui, ce serait Botox et chirurgie esthétique au lieu d'un contrat avec Méphistophélès.

Joan Anton Rechi  a choisi de situer l’action, dans les années 1950, - en 2021 ce fut celle de Senso de Visconti - avec tournage d’un film, le mot End apparaissant sur un tulle, au lever du rideau. Jusqu’à faire renaître dans la nuit de Walpurgis Cléopâtre " aux doux yeux " accompagnée de Marlène, Barbarella, Gilda et de la princesse Leia.

Ivan Ayon Rivas dans la nuit de Valpurgis – Faust - Gounod © Michele Crosera - prova generale 20 avril 2022.

Faust / Ivan Ayon Rivas (tout juste 29 ans ; dans quelques jours il sera le duc de Mantou dans Rigoletto à Trieste) est dans un fauteuil d’invalide, en robe de chambre, à peine capable de tenir debout avant que Méphistophélès / Alex Esposito, tout de blanc vêtu tel un réalisateur de cinéma américain très sûr de lui, apparaisse et lui concède la jeunesse. Si le péruvien est bon dans son jeu, son français est au début difficilement compréhensible ; après l’entracte sa projection sera parfaite, devenue totalement libérée. Dans sa scène de séduction de Marguerite Laisse-moi, laisse-moi contempler ton visage le public ne pouvait qu’être ému devant la soie de ses piani et pianissimi, son registre brûlant de passion.

Étonnant, puisqu’écoutant l'enregistrement de la représentation de 2021, sa diction est parfaite https://www.youtube.com/watch?v=rg2ueL9Hnis&ab_channel=FredericCHASLIN 

Carmela Remigio, Alex Esposito, Ivan Ayon Rivas – Faust - Gounod © Michele Crosera - prova generale 20 avril 2022.

Alex Esposito s’affirme dès son apparition le grand vainqueur de cette soirée, confirmation par les bravi au salut final à son adresse. Difficile d’imaginer mieux. Stupéfiant. C’est le grand patron du plateau, un parfait acteur dans sa scène d’amourachement de Marthe / Julie Mellor, un excellent manipulateur de Faust lorsqu’il lui présente Marguerite qui se livrant à son premier amour pense qu’il ne peut qu’être éternel. La précision du baryton-basse, sa justesse sont excellentes dans Le veau d’or est toujours debout galvanisant ou lorsqu'il est déguisé en meneuse de revue – il fallait l’oser en jarretelles, fume-cigarette, boa – dans la nuit de Walpurgis. Dans cette première vénitienne, il a véritablement électrisé La Fenice dans ses habits diaboliques.  

Carmela Remigio, par la richesse de son timbre, illumine toute la représentation de sa conviction jusqu’à sa fin tragique où elle semble une Marie-Madeleine. Parfaite Marguerite dont l’on rêve, passionnante et passionnée, elle l’est dans son grandissime aria du roi de Thulée et de Ah ! je ris de me voir / Si belle en ce miroir ! auquel Rechi ajoute, pour cette scène, un Esposito l’enlaçant comme si elle était devenue sa maîtresse. Un trait, véritablement de génie, du metteur en scène dans cette projection. Armando Noguera / Valentin, baryton franco-argentin, très présent scéniquement, est d’une parfaite émission vocale. Dans son duel avec Faust, Redouble, ô Dieu puissant, / Ma force et mon courage ! il confirme l’immense baryton qu’il est, très à l’aise dans sa puissance.

Faust © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, vendredi 22 avril 2022, Teatro La Fenice.

William Corrò / Wagner, Paola Gardina / Siébel et Julie Mellot / Marthe reçoivent également une part du succès de cette belle représentation vénitienne de Faust.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bientôt 19 heures, dans quelques instants Faust commence, la baguette attend le maestro © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, vendredi 22 avril 2022, Teatro La Fenice.

Charles Gounod, Faust, drame lyrique en 5 actes, livret de Jules Barbier et Michel Carré, selon le poème homonyme de Johann Wolfgang von Goethe

Docteur Faust Ivan Ayon Rivas ténor

Méphistophélès Alex Esposito baryton-basse

Marguerite Carmela Remigio soprano

Valentin, un soldat, frère de Marguerite Armando Noguera baryton

Wagner, élève de Faust William Corrò baryton-basse

Siébel, ami de Valentin Paola Gardin mezzo-soprano

Marthe Schwertlein, domestique de Marguerite Julie Mellor mezzo soprano

Direction Frédéric Chaslin

Orchestre et chœur du Teatro La Fenice, chef des chœurs Alfonso Caiani

Mise en scène Joan Anton Rechi, nouvelle m.e.s. de la Fondazione Teatro La Fenice, en co-production avec le Teatro Comunale di Bologna

Scénographie Sebastian Ellrich / costumes Gabriela Salaverri / lumières Alberto Rodríguez Vega

22, 24, 26, 28 & 30 avril 2022

Teatro La Fenice - Venise

Masque obligatoire

Faust © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, vendredi 22 avril 2022.

Frédéric Chaslin dirige les 14 et 15 mai 2022, dans ce même lieu, la Symphonie fantastique, opus 14 d’Hector Berlioz & Boléro de Maurice Ravel.

Un conseil, pour 10 euros, un prix plus qu’amical, achetez le programme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Teatro La Fenice, façade bleue et jaune, aux couleurs de l'Ukraine © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, vendredi 22 avril 2022.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Teatro La Fenice © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, vendredi 22 avril 2022.

 

 

Tag(s) : #Italie, #Opéra et Musique, #Venise
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