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Publié par Gilles Kraemer

 

 

 

 

 

Gilles Kraemer (envoyé à Sars-Poterie)

Fleurs en perles de verre, fin du XIXème  © Guy Marrette

Cabinet de curiosités. Cette exposition du MusVerre, magnifique lieu incontournable de la création verrière internationale, revisite l’étrangeté passionnante du Cabinet de curiosités, ce lieu nimbé des mystères de la classification entre Naturalia et Artificialia, propre à assouvir tous les phantasmes des néophytes. Dans la découverte d’un monde réinterprété par des artistes contemporains, nous allons du minuscule aux ménageries fantastiques, en plongeant sous l’océan avant de nous confronter aux fragiles Vanités, rappels de notre mort. " Cabinet de curiosités à ne pas confondre avec Cabinet des merveilles ou Kunstkammer " rappelle Eléonore Peretti, la dynamique directrice de ce lieu de rêve - que je qualifie, pour la pertinence des expositions que j'y vois, Stanze del Vetro à la française -. (1)

Sous l’océan – Les verres des tchèques Léopold et Rudolf Blaschka - Patrick Seegers – Hanneke Fokkelmann – Susan Hammond – Jaromir Rybak © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022.

Monde fragile par l’essence même du verre, matériau que le moindre choc casse. Ceci est ma hantise " ajoute-t-elle. Au XIXème siècle, les verriers tchèques Léopold et Rudolf Blaschka réalisent au chalumeau nombre de modèles biologiques d’un extrême réalisme, vendant leurs invertébrés marins aux musées, aquariums et universités pour servir de modèles d’étude. C’est cette fragilité cassante qui fut cause que quelques-uns de ceux-ci, conservés au Museum d’Histoire Naturelle de Genève, ne soient pas montrés à Sars

in situ la pharmacie Heuclin de Sars-Poterie © service presse MusVerre

En accueil de cette exposition scénographiée avec justesse par Franck Lecorne, Nell Doutreligne, Atelier Saint-Roch, un ensemble de flacons d’apothicaire en verre transparent de la pharmacie sarséenne Heuclin – tenue par trois générations – aux étiquettes scientifiques, nous plonge dans le mystérieux de leurs contenants. Attention vous allez pénétrer dans le monde de l’obscurité, dans une immense salle plongée dans le noir, dans des curiosités réinterprétées par des créateurs contemporains – sauf des compositions florales funéraires en perles de verre, de la fin du XIXème siècle -.

Un végétal inquiétant, surdimensionné, noir, celui d’Angela Jarman face à des végétaux en progression de Yann Oulevay, Jaroslav Matou et Nataliya Vladyckko. C’est bien un herbier, mais nimbé d’étonnements, surgissant de la pénombre qui nous accueille. Capteur de lumière, le bleu de lamelles de verre apporte des Brins de folie par son inclusion dans un tronc d’arbre sublimé selon Julie Gonce.

Suzanne Lalique-Haviland, Vase aux gros scarabées, modèle créé en 1923. Verre blanc soufflé, moulé et couleur © service presse MusVerre.

Jan Fabre (1958), Holy Dung Beetle with Laurel Tree, 2017 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022.

Comme pour les végétaux, les collectionneurs d’antan dans leur classification du règne des insectes en conservaient de très nombreux spécimens, visibles dans les musées d’Histoire naturelle. Les artistes s’approprient ce monde, avec les insectes et papillons nés sous le chalumeau de Vittorio Costantini ou plus ludique avec Jan Fabre et son iconique scarabée qui vient d’intégrer cette institution pour 50 000 €, souligne très heureuse la conservatrice, confrontés au Vase aux scarabées de Suzanne Lalique-Haviland dans un rouge magique. Monde d’effrois selon Nataliya Vladychko avec ses insectes au corps de verre et aux pattes de métal ; l’on n’a nullement l’envie de se retrouver en face de ses arachnides surmultipliés grouillant sur le sol. 

Monde vivant mais microscopique, cette vie bactérielle microscopique est totalement imaginée par Lucile Viaud. D’autres artistes représentent des cellules avec Anne-Lise Riond-Sibony dans un hommage à Marie Curie, le prémonitoire et troublant virus Coronavirus de Bernd Weinmayer dont les extrémités s’allument et s’éteignent de rouge ou l’évocation de l’univers des micro-organismes dans la résille fine de Kim KototamaluneLe monde des fonds marins nous happe dans l’inquiétude de ses vingt mille lieues sous les mers chers au XIXème siècle. Les créateurs cherchent à reproduire la beauté des fonds-marins avec Hanneke Fokkelman et ses anémones ou l’étrangeté du monde des abysses selon Jaromir Rybak.

Jean-Marie Le Goff (1985), Licorne, 2017. Pâte de verre, bronze, verre au chalumeau  // Martha Klonowska (1964), Demon d’après Giotto, 2018 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022. 

Ménagerie fantastique d’animaux à poils et à plumes, face à l’animal magique de la licorne avec sa corne de verre selon Jean-Marie Le Goff, greffé sur un crane de cheval dans un renvoi à la défense du réel narval si cher aux intrépides découvreurs du monde. Hybridation poursuivie par Koen Van Vanmechelen dans sa transformation magistrale d’un faisan ; démarche n’étant pas sans me rappeler celle de son contemporain Julien Salaud.

Eléonore Peretti © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022.

Pièce maîtresse de cette exposition, pour Éléonore, le Démon de Marta Klonowska dans sa pratique du questionnement des maîtres anciens. Dangereux et magnifique dans des éclats de divers bleus, s’envolant de la fresque de Giotto peinte pour la basilique Saint-François à Assise, ca 1318-1320. Ailé, cornu, entouré de flammes, ce monstre s’élance vers " Dieu l’on ne sait où ". Philip IV als Jäger (2009) de cette même artiste, exposé dans les collections du musée, est dans cette même démarche de revisitation; partant de la toile de Diego Velázquez représentant le souverain espagnol à la chasse, elle n’a retenu que les bottes du roi et son chien  

Lilla Tabasso (1973), Agapanthus, 2021. Verre au chalumeau © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022. 

La notion de la Vanité, memento mori, vie silencieuse, évoque de manière symbolique notre mortelle destinée. Un crâne d’oiseau démultiplié d’Antoine Brodin, les fleurs qui se fanent selon Lilla Tabasso dans le renvoi à la décrépitude et une nature morte d’Elliot Walker réalisée spécialement pour cette exposition et acquise par le musée concluent cette revisitation narrative et puissante d’un très fragile Cabinet de curiosités.

Dans la beauté qui nous entoure, dans la multitude des facettes du travail du verre, une belle exposition à découvrir au cœur du bocage avesnois - ce que nous rappellent les vaches broutant tout autour de cette institution -.

(1) Au MusVerre, le facétieux océan des lettres de l’alphabet selon Jean-Baptiste Sibertin-Blanc -  http://www.lecurieuxdesarts.fr/2021/06/au-musverre-le-facetieux-ocean-des-lettres-de-l-alphabet-selon-jean-baptiste-sibertin-blanc.html

 

Cabinet de Curiosités

12 février - 21 août 2022

MUSVERRE – 59 216 Sars-Poteries

 https://musverre.lenord.fr/fr/Accueil.aspx

Pas de catalogue donc pas de mémoire de cette exposition. Dommage. Plaquette dans l'agréable format Leporello, ce fameux catalogue mis en musique par Mozart.

Difficilement atteignable si l'on ne dispose pas d'une voiture puisque situé à une heure trente de route de Lille, je conseille de coupler la visite de cette institution avec deux autres lieux incontournables des Hauts-de-France :  La Piscine à Roubaix et le Musée de Flandre à Cassel. 

Par le train descendre à Aulnoye-Aymeries (17 km), tous les week ends et jours fériés, au départ de la gare d'Aulnoye-Aymeries, puis ligne 407.

Claire Deleurme, Les langages silencieux  - Histoire de famille © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022.

Les langages silencieux - Histoire de famille selon Claire Deleurme, restitue sa résidence en 2021 à l’Atelier du verre du musée. Objet anodin, le dé incarne la mémoire entre mère et enfant, mari, famille, amis, dans cette transmission du geste séculaire : celui de coudre pour soi, pour les autres, geste personnel ou commercial aussi si l’on songe à la confection. Dans une structure comme flottante, 1 000 dés en pâte de verre sont posés sur le mur, tous avec un filament de verre rouge, excepté un. Comme mille histoires familiales. Mais qui fait encore de la couture chez soi ? À ma connaissance plus personne.

Ne sont-elles pas prémonitoires ces deux compositions d’Annie Cantin (1974) ! N’évoquent-elles pas le coronavirus ? Elle les appelait Objets célestes en 2006. Verre soufflé, miroirs. Don à l’issue d’une résidence à l’atelier du verre © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2022.

À voir, la collection d’œuvres en verre d’artistes contemporains du monde entier et les " bousillés ", objets de fantaisie et de couleurs créés, lors de leur temps de repos, par les verriers de Sars-Poteries entre 1801 et 1937. Le MusVerre à Sars-Poterie  http://www.lecurieuxdesarts.fr/2021/07/le-musverre-a-sars-poterie.html

 

 

 

 

 

 

 

 

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