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Publié par Gilles Kraemer & Antoine Prodhomme

 

Gilles Kraemer & Antoine Prodhomme (d'après le communiqué de presse) 

La chambre turque à la Villa Médicis et tableau Chambre de l’artiste à la Villa Médicis, dite la chambre turque, Alfred de Curzon, 1850. Huile sur toile. 33 x 47 cm.. © A.F.R. - Villa Médicis.

Grâce au généreux don de Philip et Cathia Hall, l’Académie de France à Rome - Villa Médicis a fait l’acquisition sur le marché de l'art -  galerie Didier Aaron - de la première toile connue représentant la chambre turque, signée Alfred de Curzon (1820-1895) (1)  https://www.didieraaron.com/tableaux/ site sur lequel ce tableau figure dans l'onglet peintures du XIXe-XXe.

Cette peinture, Chambre de l’artiste à la Villa Médicis, dite la chambre turque, peinte par ce pensionnaire de la Villa Médicis en 1850, rejoint les collections de l’Académie de France à Rome, grâce au généreux soutien de Philip et Cathia Hall, et l’appui de Marie-Cécile Zinsou, présidente du Conseil d’administration de l’Académie de France à Rome.

Gustave Boulanger, Alfred de Curzon, 1852. Huile sur toile. 47 x 37.3 cm.. Collection de la Villa Médicis © Villa Médicis  © A.F.R. 

Né en 1820 à Moulinet, près de Poitiers, Alfred de Curzon entre à l’École des Beaux-arts de Paris en 1840. Dans l’atelier de Michel-Martin Drolling, il fait la connaissance de Louis-Georges Brillouin, avec lequel il entreprend en 1846 un premier voyage en Italie, durant lequel il découvre l’univers pittoresque de la campagne romaine. À Rome, il se lie au cercle des pensionnaires de l’Académie, rencontrant entre autres Alexandre Cabanel et les frères Jean-Achille et François Léon Bénouville. Revenu à Paris, il décide de tenter sa chance et se présente au concours du prix de Rome de 1849. Il reçoit le second premier grand prix dans la catégorie du paysage historique, mais se voit attribuer une pension de deux ans seulement. Signe du destin, le soir même de son arrivée à la Villa Médicis, à la mi-janvier 1850, il rencontre Horace Vernet, qui s’y trouve pour faire des études pour son tableau sur la prise de Rome par le général Oudinot le 30 juin 1849. https://histoire-image.org/de/comment/reply/5435

Les quelques mois passés à l’Académie de France seront pour Curzon l’occasion de faire de nombreuses excursions qui lui permettront de remplir ses carnets d’esquisses et de nourrir sa créativité pour le reste de sa vie artistique. Avant de rentrer à Paris, il accompagne au printemps 1852 l’architecte Charles Garnier et l’écrivain Edmond About en Grèce, faisant avec eux le tour du Péloponnèse et se rendant par la suite à Constantinople.

De retour en France, Curzon préfère quitter l’agitation parisienne pour se réfugier au calme de Passy, afin de préserver la santé fragile de son épouse. Tous les ans, il envoie ses tableaux au Salon et plusieurs de ses œuvres rejoignent les collections du Musée du Luxembourg.

La chambre turque, Villa Médicis © Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, Villa Médicis, Rome, 23 octobre 2015.

Peinte par Alfred de Curzon au printemps 1850, cette toile représente la chambre turque de la Villa Médicis, qui accueillit l’artiste durant la première année de son séjour en tant que pensionnaire à l’Académie de France à Rome. Comme il l’écrit à son compagnon d’atelier le peintre Louis-Georges Brillouin peu après son arrivée à Rome : « On m’a logé dans une petite chambre turque que M. H. Vernet a fait arranger pour lui lorsqu’il était directeur. Les murs en sont entièrement lambrissés de faïences, bleues, blanches, jaunes et vertes, et du milieu de sa voûte décorée d’arabesques pend un lustre de cristal. Cette charmante petite chambre, d’une forme parfaitement carrée, est placée immédiatement au-dessous d’une des deux loges ouvertes qui surmontent la Villa Médicis. Cette position élevée a ses inconvénients mais aussi ses avantages ; j’y jouis d’une vue délicieuse ».

Balthasar Klossowski dit Balthus (1908-2001), La Chambre turque, 1963-1966. Caséine et tempera sur toile. 180 x 210 cm.. Paris, Centre Pompidou. Musée national d’Art moderne © Balthus © MONDADORI PORTFOLIO/Leemage/Photo Josse. Achat de l'Etat en 1967. Cette Chambre est le premier grand tableau que Balthus peignit à la Villa. Le peintre, directeur de l’institution du Pincio, utilise un mélange de caséine, de gesso et de couleurs à l’huile additionné de liants variés afin d’obtenir une surface mate rappelant la fresque. (2) http://Entretien avec Cécile Debray, commissaire de l'exposition BALTHUS à Rome - Scuderie del Quirinale (La rétrospective) et à la Villa Medicis (L'Atelier) -

La chambre turque, Villa Médicis © Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, Villa Médicis, Rome, 23 octobre 2015.

Conçue en 1833 par le peintre Horace Vernet (1789- 1863) alors directeur de l’Académie de France à Rome (1829-1834), la chambre turque voit le jour juste après le retour de l’artiste de son premier voyage en Algérie. (3) Rêve orientaliste niché sur les hauteurs du Pincio, elle constitue un exemple précoce d’intérieur d’inspiration islamique dans la ville éternelle, témoignant de la fascination pour un Orient imaginaire partagée par plusieurs artistes européens de l’époque romantique. Son décor prend la forme d’un pastiche dans lequel se combinent des éléments de caractère arabo-andalou, comme l’arc outrepassé des portes et fenêtres, des motifs ornementaux ottomans et d’autres plus naturalistes sur la voûte. Une grande partie de la magie de cette atmosphère est due à la présence des faïences colorées qui en revêtent les parois. Jusqu’à présent considérées comme tunisiennes, elles proviennent en réalité de la manufacture de céramique Giustiniani de Naples. Au milieu des années 1960, Balthus, alors directeur de la Villa rendit célèbre cette pièce par la toile La Chambre turque pour laquelle posa sa future épouse, Setsuko Idata [qu’il épouse en 1967].

Réalisé près d’un siècle plus tôt, le tableau d’Alfred de Curzon nous offre une rare et précieuse vue de la chambre turque telle qu’elle se présentait au milieu du 19siècle, avant qu’elle ne soit dotée de son caractéristique pavement de carreaux géométriques, posé seulement à la fin des années 1870.

La chambre turque, Villa Médicis © Le Curieux des arts Antoine Prodhomme, Villa Médicis, Rome, 23 octobre 2015.

L’artiste a peint la chambre depuis la fenêtre nord donnant sur le jardin de la Villa, adoptant un point de vue assez bas, qui invite le spectateur à pénétrer dans l’intimité de cet espace réservé. Sur la gauche, une porte néo-mauresque à l’arc outrepassé orné de deux étoiles à six branches et surmontée d’une inscription encadrée de croissants de lune permet d’accéder à l’alcôve, dans laquelle on aperçoit à l’arrière-plan le lit de l’artiste, surmonté d’un baldaquin. Sur la droite, un divan rose pâle constitue l’unique pièce de mobilier visible. Au-dessus du divan sont accrochés deux supports pour armes en fer forgé (encore présents aujourd’hui), alors que sur la paroi d’angle à droite, on devine un porte-pipe de bois peint, désormais disparu. Faisant abstraction de la voûte, le peintre concentre ainsi l’attention sur les faïences émaillées napolitaines, dont les jaunes et bleus contrastent avec les tons rosés du divan et du sol. Plus à droite, un dernier élément attire notre regard : dans l’arc outrepassé de la fenêtre, à la boiserie décorée d’une petite balustrade, un vitrail représentant un vase orné d’un bouquet de fleurs de goût ottoman vient faire écho au même motif représenté sur les parois internes de la porte mauresque. Créés d’après les indications de Vernet au moment de la réalisation de la chambre turque, les verres décorés des fenêtres n’ont malheureusement pas survécu, ayant déjà été remplacés à la fin des années 1850. Le tableau d’Alfred de Curzon constitue ainsi un inestimable témoignage de l’unité du décor originel de la chambre turque, telle qu’elle fut projetée par Horace Vernet en 1833.

Ce tableau rejoindra son décor original, la chambre turque, située au sommet de la tour nord de la Villa Médicis.

 

Jacopo Zucchi, Portrait du cardinal Ferdinando de’Medici, ca 1573/1575. Huile sur toile. 134.5 x 96.0 cm.. © Villa Médicis.

La dernière acquisition de l’Académie de France à Rome, en 2013, est celle du portrait du cardinal Ferdinand de Médicis par Jacopo Zucchi (1541 ? – 1589/1590), aujourd’hui présenté dans les chambres historiques du cardinal. Cette toile - connue car passée en vente en Italie en 1988, collection du palazzo Visconti - fut restituée à ce peintre par Antonio Vannugli en 1991. Jacopo travailla sur le décor du Palazzo Firenze, à Rome, où, dans sa jeunesse, Ferdinand de Médicis logeait ainsi qu’à celui de Villa :  le studiolo dans le jardin toujours éblouissant et le décor peint des plafonds et des frises, entre 1584 et 1586 qui ne subsistant plus que dans la chambre des Eléments et la chambre des muses. (4)

https://www.villamedici.it/fr/a-la-villa-fr/la-villa-medicis-acquiert-la-premiere-toile-connue-representant-la-chambre-turque/

 

Les notices relatives à Alfred de Curzon et à l’histoire de cette peinture [largement reproduites dans cet article] ont été rédigées par Ariane Varela Braga, boursière André Chastel 2021. Son projet de recherche, pour lequel elle a été sélectionnée porte sur La "chambre turque" de la Villa Médicis. Esthétique, matérialité et traditions artisanales méditerranéennes. https://www.villamedici.it/fr/les-residences/laureats/    https://www.inha.fr/fr/recherche/appels/resultats-des-jurys/en-2021/laureats-chastel-2021.html

(1) Cathia Lawson-Hall et Philip Hall sont membres fondateurs du Cercle International Afrique (CI-Afrique) du Centre Georges Pompidou. Le CI-Afrique est le seul comité d’acquisition en France consacré à l’enrichissement des collections modernes et contemporaines d’artistes provenant du continent africain.

(2) Catalogue de l’exposition Balthus, sous la direction de Jean Clair, palazzo Grassi Venise [propriété de FIAT à cette date], 9 septembre 2001-6 janvier 2002.

(3) Dans Correspondance des directeurs de l’Académie de France à Rome – Vernet (1828-1834), publiée en 2011, sous la direction de François Fossier, Isabelle Chave et Jacques Kuhnmunch, un article d’Isabelle Chave concerne l’aménagement de la chambre turque.

(4) Je renvoie à Frises peintes. Les décors des villas et palais du Cinquecento, sous la direction d’Antonella Fenech Kroke et Annick Lemoine, et à l’article de Philippe Morel Programme iconographique des frises de l’appartement de Ferdinand de Médicis. Collection d’histoire de l’art, 2016    &    à la revue Studiolo, 2014, 11. Il ritratto di Ferdinando de’Medici di Jacopo Zucchi a Villa Medici par Carlo Falciani. Revue d’histoire de l’art.

 

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