La galerie Gismondi, Kunstkammer de la marqueterie de pierres dures
Gilles Kraemer.
Kunstkammer, reconstitution d’un studiolo avec 10 portraits toscans du XVIe siècles inclus dans une marqueterie réalisée dans les ateliers Gismondi, salon italien et cabinet Grand Siècle revisités, la Galerie Gismondi c'est cette magie du lieu. Dans une succession de pièces, comme dans une graduation, le regard est dans l'attention perpétuelle. Aujourd'hui, des merveilles de la marqueterie de pierres dures, la spécialité de cette galerie établie rue Royale, sont présentées.
Coffret en marqueterie de pierres dures. Marqueterie de pierres dures. Florence, XVIIème siècle. 21 × 27 × 21 cm.. Manufacture grand-ducale. Coffret en marqueterie de pierres dures polychromes aux motifs naturalistes typiques et daté de la fin du Baroque italien. Il se distingue par ses bronzes dorés d’une remarquable facture réalisés par le sculpteur et architecte florentin Giovanni Battista Foggini (1652 - 1725) © Vincent Girier Dufournier / Galerie Gismondi, 2020.
Vase de forme ovoïde en cristal de roche aux monogrammes d'Henri II et de Catherine de Médicis et insignes de Diane de Poitiers dans un décor de feuillages, rosaces, cannelures, godrons et marguerites. Milan, ca 1559. Attribué à Gasparo Miseroni (1518 - ca 1573). Hauteur 19,7 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, automne 2021.
Installée en 1981 à Paris, cette galerie fut fondée en 1966 à Antibes par Jean Gismondi. Aujourd’hui, sa fille Sabrina et Éric Reymond transmettent le goût du bel objet en présentant, dans cette galerie des merveilles, meubles, objets d’art et peintures, du XVIème au XIXème siècle, du bronze d’un Cheval au pas, à la patine parfaite et à la ciselure fabuleuse du florentin Antonio Susini (actif entre 1580 et 1624) à un objet inouï et désirable, un vase en cristal de roche aux monogrammes d’Henri II et de son épouse Catherine de Médicis dont l’entrelacement suggère un D, celui de Diane et les insignes – les croissants de lune - de Diane de Poitiers, la maîtresse royale. Cette pièce insigne, travail italien des années 1559, montrée dans le grand salon, est l’une des 80 pièces exposées à la galerie. " Pour réunir toutes ces merveilles, 10 années furent nécessaires souligne Sabrina Gismondi et, nombre d'objets présentés sont passés entre les mains de mon père. ".
Bartolomeo Bimbi, Nature morte aux fruits et aux fleurs © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, automne 2021.
Une huile de Bartolomeo Bimbi, peintre au service du grand-duc de Cosme III de Médicis (1642-1723), domine le salon aux boiseries turinoises du XVIIIe siècle en laque européenne. " Cette Nature morte aux fruits et aux fleurs est un rappel, précise Éric Reymond, des marqueteries de fleurs et de fruits que l’on retrouve sur de nombreux objets exposés. ".
Opus Sectile ? Travail de marqueterie de marbres, pierres dures polychromes, lapis-lazuli, jaspe, agate, améthyste, agate, de paésine… découpés et assemblés dans la restitution d’une image figurative : fleur, fruit, paysage, portrait.
Atelier de Cosimo Castrucci (actif de 1576 à 1602), Paysage de montagne surplombant une ville, Prague, XVIIe siècle. Marqueterie de pierres dures et de marbres. 27,5 × 38,5 cm. © Vincent Girier Dufournier / Galerie Gismondi, 2020. (entre 400 000 et 500 000 €).
A l'entrée, comme si nous étions à Ca’Rezzonico, le palais consacré au XVIIIe siècle vénitien, se détachant des murs façon marbre, deux bustes de Maures, en marbres polychromes vénitiens du 18ème nous accueillent. Juste à côté, réputé provenir du Trésor de Rodolphe II, Empereur du Saint-Empire romain germanique (1552-1612), Paysage de montagne surplombant une ville est issu de l’atelier de Cosimo Castrucci (actif de 1576 à 1602). Envoyé par les Médicis auprès de Rodolphe II, cet artiste florentin avec toute sa famille séjourna pendant 10 années à Prague à partir de 1592, pour enseigner aux artisans pragois la technique de la pierre dure. Cette pratique, acquise par les artisans de l'Empire, se retrouve dans un Petit cabinet de pierres dures. Ce paysage pragois est à comparer avec Paysage d'une cité seigneuriale italienne, Florence, XVIIe siècle, création de la manufacture grand-ducale.
Miroir en ébène guilloché et verre églomisé reproduisant la marqueterie de pierres dures romaines, Allemagne, XVIIème siècle // Coffre en ébène marqueté de pierres dures polychromes représentant des rameaux chargés de fruit. Manufacture grand-ducale sous la direction de Giovan Batista Foggini // Cabinet décoré de marqueteries de pierres dures polychromes à motifs géométriques. Encadrement d'ébène sertis de filets d'argent. Rome, XVIIe siècle © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, automne 2021.
Tout est à vendre sauf deux objets. Un exceptionnel coffre aux panneaux à décors floral, bronzes de Giovan Battisto Foggini (1694-1725), directeur des ateliers de la manufacture grand-ducale, prêt d’un heureux collectionneur privé. Un autre coffret, moins grand, du même Foggini, en marqueterie de pierres dures aux motifs naturalistes, de la collection de son père, auquel Sabrina Gismondi est attachée sentimentalement. Dans ce palais des merveilles, deux autres coffres de Giovanni Bastisto sont à vendre : l’un en ébène marqueté de rameaux de feuillages chargés de fruits, l’autre plus grand, sur un bâti d’ébène, une décoration reprenant rameaux de feuillages et fruits.
En collaboration avec Darmo Art (fondé par Alexis de Bernède et Marius-Jacob-Gismondi, petit-fils de Jean), des œuvres " algorithmiques " du collectif aurèce vettier, fondé en 2019 par Paul Mougin (1990) dialoguent avec les " opus sectile ". Ce sont photographies de vies silencieuses façon Hollande, des sculptures en bronze, un bijou, des peintures et un meuble.
Panneau au paysage lacustre animé de personnages et de ruines. Marqueterie de pierres dures et de marbres. Florence, XVIIIème siècle. 13, 3 x 22, 5 cm. © Vincent Girier Dufournier / Galerie Gismondi, 2020.
Une exposition muséale pour "connoisseurs" et pour le plaisir de l'œil.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, un soir d'automne 2021
Opus Sectile. De la marqueterie de pierres dures à autrice vettier
18 novembre - 19 décembre 2021
Galerie Gismondi - 20 rue Royale, Paris
https://www.galeriegismondi.com/
L’exposition des marqueteries de pierres dures est prolongée après le 19 décembre.
Livret de visite. Catalogue en français et en anglais
Bartolomeo Bimbi (Settignano 1648-1723), Nature morte au vase de fleurs, un plat de figues, melons, pêches, pommes et poires. Ca 1696-1699. Huile sur toile 100 x 145,5 cm.. Signé, en bas sou le vase « ILBimbi ». Porte au dos de la toile deux étiquettes anciennes. © Galerie Gismondi, Paris.
Peinte pour Filippo di Lorenzo Niccolini (1655-1738), échanson du grand-duc Ferdinand III de Médicis (1663-1713), apparue en 1984 sur le marché de l’art, cette nature morte appartient à un ensemble de quatre peintures commandées au peintre. Seules deux toiles de cet ensemble sont signées de l’artiste et présentent un somptueux vase d’Iznik. Côme III et Ferdinand III (père et fils) sont les principaux et quasi uniques commanditaires de Bimbi. L’ensemble de son œuvre picturale qui nous est parvenue est restée conservée dans leurs résidences jusqu’à ce jour.
Né à Settignano en Toscane, Bartolomeo Bimbi au début de sa carrière, part à Rome se former auprès du grand maître de l’art floral : Mario Nuzzi dit dei Fiori (1603-1673). Ses qualités picturales dans ce genre sont louées par le botaniste Angelo Gori pour leur rendu réaliste. Il revient en Toscane vers 1685, recommandé par le scientifique pour travailler au service du grand-duc Côme III, grand passionné de pomologie et de son fils, Ferdinand III.
Cette peinture est réalisée dans un paysage naturel, des pilastres antiquisants se détachent sur la gauche, encadrant des fruits choisis et disposés admirablement. En arrière-plan, un ciel bleu domine la composition. Un vase d’Iznik orné de fleurs apporte équilibre et luxe. Mis à l’honneur, le melon est présenté entier et coupé en tranches ; un plat en porcelaine bleu et blanc reçoit une pyramide de figues parsemée de fleurs de jasmin, entourée d’abricots, de pêches, de poires et de prunes. Une source d’eau naturelle jaillit d’un rocher. Des noisettes annoncent la fin de l’été.