Une Maria plus Marina Abramović que Callas au Palais Garnier - Difficile affrontare il mito della diva
Gilles Kraemer
Balcon, place achetée, 1er septembre 2021
Attendue avec impatience cet "opéra conception" de Marina Abramović (1946). Programmé début septembre 2020 à Garnier, Coronavirus en décida autrement, reportant sa création parisienne aux derniers jours de cet été, dans le cadre du Festival d’automne de Paris. Sans limitation de jauge aujourd’hui.
Marina Abramović, 7 Deaths of Maria Callas. Otello © photographie Charles Duprat Onp.
Première, ce 1er septembre, des 7 Deaths of Maria Callas au Palais Garnier. Accueil chaleureux. Aucune huée. Comment ne pas songer ce mercredi aux représentations de Tosca en 1965, au même endroit, avec Maria ? Première avec les trois premiers rangs du balcon dans l’habituel entre-soi parisien. Une directrice générale ancienne ministre de la rue de Valois, un ministre de la Culture à vie depuis quarante ans... 170 € la place. Le masque, toujours obligatoire, conservait la discrétion des autres invités du directeur général.
Le titre 7 Deaths of Maria Callas renvoyant à sept interprétations de LA Callas n’est pas le reflet de ce que nous avons vu de cet "opéra conception" Plutôt 7 Deaths of Maria by Marina / 7 Morts de Maria façon Marina - c'est simplement une histoire de "n" de plus au prénom -, tellement cette performeuse est présente, pendant une heure dix, allongée, immobile dans son lit, silencieuse, côté Christ, avant que les ultimes vingt minutes – dans un décor "Au théâtre ce matin" - soient celles de son interprétation des derniers instants de Maria, le 16 septembre 1977. La huitième mort. Omniprésence continue d’Abramović, aussi bien physiquement que dans le film séquencé, que dans sa narration, dans cette convocation de Callas sur le titre du programme qui sera l'absente de la soirée.
Marina Abramović, 7 Deaths of Maria Callas. Norma © photographie Charles Duprat Onp.
Des 7 airs d’opéra choisis par Marina, certes Maria les a chantés mais Desdemona et Carmen seulement au disque et, de Cio-Cio- San dont elle disait que l’on n’a jamais vu un éléphant chanter un papillon dans le renvoi à sa corpulence, ceci le sera uniquement à Chicago en 1955. Refaire vivre les grands airs qu’elle interpréta, dans un retour en arrière, dans les souvenirs est une astuce de metteur en scène, largement exploitée. Rien de nouveau donc avec Marina. Mais, pour une fois que l’on n’est pas confronté à l’omniscience des metteurs en scène modeux, à leurs lavabos, à leurs mecs à poil, apprécions ce plaisir.
Marina Abramović, 7 Deaths of Maria Callas. Butterfly © photographie Charles Duprat Onp.
Passons vite sur la musique de Marko Nikodijević, ennuyeuse dans l’ouverture, l’on s’y embête mortellement. La seconde partie, surtout dans sa conclusion sera réellement dramatique et percutante d’inventivité dans l’engagement total de tout l’orchestre de l’Opéra sous la direction très maîtrisée et incisive, allant chercher chaque note auprès de tous les musiciens, de Yoel Gamzou débutant à l’OnP. En septembre 2020, il avait dirigé au Bayerische Staatsoper de Munich la création de 7 Deaths.
Marina Abramović, 7 Deaths of Maria Callas © photographie Charles Duprat Onp.
Débuts aussi à l’Opéra des six soprani et de la mezzo. Difficile de chanter un seul air, toutes immobiles avec la projection, au-dessus d’elles du film dans lequel apparaissent Marina au visage très très maquillé de blanc, totalement impassible et insondable et parfois Willem Dafoe l’accompagnant dans le paysage post-atomique de Butterfly – Hiroshima et Nagasaki si vous n’avez pas compris - ou vers le brasier de Norma, la tuant après l’Habanera, pourquoi pas ! – l’on n'est plus à une modification de Bizet depuis la trahison de Leo Muscato au Maggio Musicale Fiorentino en janvier 2018, alors engouffrons-nous dans cette brèche - ou la faisant étouffer par un serpent au lieu de l’étrangler. Le costume de camériste d’une folle tristesse de Riccardo Tisci ne met nullement en valeur les chanteuses considérées comme secondaires au profit de La Abramović. Il est vrai qu’elles assumeront cette fonction, masquées, lorsqu’elles feront le ménage dans la chambre de Maria, déferont le lit et couvriront les meubles et le miroir de voiles noirs avant de fermer définitivement le 36 de l’avenue Georges Mandel après la mort de la cantatrice.
Marina Abramović, 7 Deaths of Maria Callas. Avenue Georges Mandel © photographie Charles Duprat Onp.
Violetta Valéry, Hera Hyesang Park, "Addio del passato" et Floria Tosca, Selene Zanetti, "Vissi d'arte", difficile de passer en premier et en second. Desdemona, Leah Hawkins, plus convaincante avec "Ave Maria". Pertinente Cio-Cio-San de Gabriella Reyes comme la Carmen d’Adèle Charvet pour "L’amour est un oiseau rebelle". Est-ce les passages en sixième et septième position qui ont permis à la Lucia Ashton d’Adela Zaharia de convaincre largement dans l’air de la folie et à Lauren Fagan d’être Norma dans le mythique "Casta Diva ".
Une représentation en grandes pompes (funèbres) pour une Maria totalement phagocytée par la "performance" de Marina. Callas était seulement aux rendez-vous des souvenirs. Difficile de s’attaquer à un mythe, celui de la diva.
Difficile affrontare il mito della diva assoluta.
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 1er septembre 2021.
7 Deaths of Maria Callas
Conception : Marina Abramović
Musique : Marko Nikodijević
Livret : Petter Skavlan, Marina Abramović
Scènes d’opéras : Vincenzo Bellini; Georges Bizet; Gaetano Donizetti; Giacomo Puccini; Giuseppe Verdi
Direction musicale : Yoel Gamzou
Mise en scène, décors : Marina Abramović
Co-mise en scène : Lynsey Peisinger
Chef de chœur : Alessandro Di Stefano
Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris
Opéra national de Paris / Palais Garnier
1er, 2, 3 et 4 septembre 2021
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 1er septembre 2021.
Actrice film et performance : Marina Abramović - Acteur film : Willem Dafoe
Violetta Valéry : Hera Hyesang Park - Floria Tosca : Selene Zanetti - Desdemona : Leah Hawkins - Cio-Cio-San : Gabriella Reyes - Carmen : Adèle Charvet - Lucia Ashton : Adela Zaharia - Norma : Lauren Fagan
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 1er septembre 2021.
Coproduction avec le Bayerische Staatsoper Munich, le Deutsche Oper Berlin, le Teatro San Carlo de Naples et le Greek National Opéra d’Athènes. En partenariat avec le Festival d’Automne à Paris
Les fauteuils du balcon du Palais Garnier © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 1er septembre 2021.
Stéphane Lissner, le précédent directeur général, décida lors de son mandat de supprimer les séparations des premières loges de face au Palais Garnier à l’été 2015. Que ne ferait-on pas pour gagner quelques places donc quelques sous. Alexander Neef ne les a pas rétablies. Et maintenant, voici le lamentable état des fauteuils du balcon dont nombreux ont leur cannage perdu ou crevé ? Va-t-on laisser ceci se poursuivre ? De 170 à 210 euros la place au balcon, en optima ! Ceci avait déjà été évoqué dans la presse en... 2017 !