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Publié par Gilles Kraemer

Gilles Kraemer

Perturbation et étrangeté. Poésie et ravissement dans le beau sens d’extase mystique et d’admiration. Plasticienne, performeuse et photographe, Mari Katayama (1987), dont la MEP présente des œuvres réalisées depuis 2009 et sa nouvelle série photographique In the Water, ne peut laisser dans l’indifférence du regard. Mari Katayama, Frida (Hans) Kahlo (Bellmer) ?

Mari Katayama, Bystander #016, 2016 ©︎ Mari Katayama.

J’avais découvert son travail lors la 58ème Biennale de l’Art de Venise 2019 May you live in interesting timestitre combien annonciateur de la pandémie qui toucherait le monde dès décembre 2019, une Biennale archi décevante dans les Pavillons nationaux -, aux Giardini (partageant la même salle avec Zanele Muholi (1972), excusez du peu, "activiste visuelle", qui y présentait sa série de photographies figurant une femme noire lesbienne d’Afrique du Sud) et à l’Arsenale (toute seule). Des photographies dans la démarche de celles présentées aujourd’hui à Paris. Le commissaire de la Biennale, Ralph Rugoff, avait souhaité présenter deux propositions des mêmes artistes sur ces lieux, source de confusion. Au-delà de cette démarche perturbante, cette double proposition limitait drastiquement le nombre d’artistes puisqu’ils n’étaient que 70 alors qu’ils auraient pu être 140. 

Mari Katayama, série In the Water © Le curieux des arts Gilles Kraemer, septembre 2021, Maison Européenne de la Photographie, exposition Home Again de Mari Katayama.

Souffrant d’hémimélie tibiale - maladie congénitale orpheline caractérisée par des malformations de ses deux jambes et de sa main gauche - "Mari décide de l’amputation de ses membres inférieurs à l’âge de neuf ans " souligne Laurie Hurwitz, l’une des deux commissaires d’Home Again réunissant une vingtaine de photographies de cette artiste dont il s’agit de la première exposition personnelle dans une institution française. Elle peint même ses prothèses alors qu’elle rêve de chaussures à talons hauts. Comment de pas songer à une correspondance avec Frida Kahlo dans cette souffrance corporelle, "dans cette transcendance de l’idée d’être handicapée". Ajoutant, "qu’humiliée à l’école, elle cessera d’y aller pour rester à la maison." Ne pouvant se vêtir en confection, sa famille l’habille et ce moment, précise la commissaire," devient celui où elle s’essaye à la couture, brode ses vêtements dans une volonté d’être belle". De là, le départ de son travail photographique, "en créant son monde, en se mettant en scène", se "postant" sur les réseaux (dits) sociaux, ces terribles miroirs de nos égos qui nous ensorcèlent et nous gouvernent dans une addiction dans laquelle nous sombrons.

Mari Katayama, In the Water #001, 2019 ©︎ Mari Katayama.

Mise en scène à la Niki de Saint-Phalle pour Shell (2016), ses prothèses au sol, une poupée en tissu grandeur nature assise à côté d’elle. Monde à la Hans Bellmer, ce fervent lecteur du marquis, pour Shadow Puppet #014 (2016), renvoi à la provocante poupée, sculpture-objet transformable à l’infini, porteuse des mécanismes du désir que cet artiste ne cessera de photographier, exemple extraordinaire pour les surréalistes. Visage impénétrable d’une Vénus issue de l’eau pour Bystander #016 ou préfiguration d’une Médée infanticide entourée des membres de ses deux fils. Dans une libération de son corps avec On the way Home #005 (2017), enceinte, dans un vêtement-patchwork composé de tissus comme des morceaux de corps, assise dans son fauteuil roulant, dans la nature, acceptant son corps, enceinte, dans l’attente d’un enfant sur lequel elle pourra déposer son amour.

In the Water nous plonge dans des détails immensément agrandis de son corps, la peau couverte de paillettes dorées. Perte totale de nos repères, nous serions bien loin de décrypter ces images si nous ne savions qu’il s’agit de son corps de souffrance. Sous le regard pertinent de son corps expérience.

© Le curieux des arts Gilles Kraemer, septembre 2021, Maison Européenne de la Photographie, exposition Home Again de Mari Katayama.

Mari Katayama - Home Again

3 septembre au 24 novembre 2021 ( au lieu de 19 mai au 24 octobre 2021)

MEP - Maison Européenne de la Photographie - 75004 Paris

Commissariat Simon Baker et Laurie Hurwitz

Cette exposition est organisée conjointement par Kyotographie et la MEP

https://www.mep-fr.org/

Découvrir aussi les expositions Shomei Tomastu, Daido Moriyama, Smaïl Kanouté

 

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