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Gilles Kraemer (déplacement et séjour à titre personnel à Perpignan)

" Trois pinceaux experts de peintres virtuoses, dans la pratique du portrait miroir d’une société narcissique ", celle du Grand Siècle, de la régence de Philippe d’Orléans et de Louis dit le Bien-Aimé souligne Pascale Picard, directrice du musée d’art de Perpignan en nous présentant la pertinente exposition Portraits en majesté réunissant dans la ville natale de Hyacinthe la triade de Largillière (1656-1746), Rigaud (1659-1743) et de Troy (1645-1730).

Hyacinthe Rigaud (1659-1743). Portrait présumé de Madame de la Jonchère, née Charlotte Raisin, 1721. Huile sur toile. 141 x 99 cm.. Perpignan, musée d’art Hyacinthe Rigaud. Photo © Musée d’Art Hyacinthe Rigaud / Pascale Marchesan.

" Une approche symbolique de la fonction du portrait d’Ancien Régime dans le fil rouge de la pure délectation "  ajoutent Dominique Brême, directeur du musée du Domaine départemental de Sceaux & Ariane James-Sarazin, directrice adjointe du musée de l’Armée. 

Hyacinthe Rigaud (1659-1743). Portrait d’Emmanuel Théodose de La Tour d’Auvergne, cardinal de Bouillon, 1707-1709/1740/1741. Huile sur toile. 247 x 217 cm.. Perpignan, au musée d’art Hyacinthe Rigaud.

Un pur bonheur de peintures et de dessins avec quelques objets puisqu’à l’origine - mais Coronavirus en décida autrement au printemps 2020 en fermant les quatre coins du monde - le projet des commissaires était d’associer des objets du temps en écho ou en résonnance esthétique. Seuls six objets et des lettres de Largillière et de Rigaud sont présentés dans une scénographie limpide en onze thèmes – l’on a évité le tissu fleurdelysé de l’exposition versaillaise -, parcours repris scrupuleusement dans le remarquable catalogue accompagnant cette magnifique exposition, ne souffrant pas d’être comparée à celle que Versailles consacra à Rigaud ou le portrait soleil du 19 mai au 13 juin 2021. Certains tableaux vus à cette rétrospective ont juste eux le temps de rejoindre Perpignan dont les somptueux et éblouissants tableaux en pied du financier Samuel Bernard et du prince de l’Église le cardinal de Bouillon. Manifestement, ces deux fastueux commanditaires, ne comptant pas la dépense, ont largement étudié toutes les modèles "d’attitude" et "d’habillement", catalogues peints de diverses propositions que leur proposait l’atelier de Hyacinthe afin de faire un choix.

Des Instagram de l’égocentrisme avant l’heure dont certains portraiturés bénéficièrent d’un large écho par leurs reproductions en gravures, magnifique pouvoir démultiplicateur en France et à l'étranger, seuls moyens de diffusion à l’époque avec le "ricordo" et "le petit du grand". Découvrons la vie galante des sœurs Catherine & Jeanne Marie Loyson, dont les portraits par François de Troy présentés au Salon de 1699 firent largement le "buzz", histoire que conte avec humour et vivacité Dominique Brême dans le catalogue. Présent ici, le "ricordo" de Jeanne Marie en Vénus, est souvenir du grand format de ce Salon. Une toile au discours symbolique audacieux sur cette dame à la réputation peu honorable, prompt au cou de canif dans les contrats de mariage de ses galants.  

Nicolas de Largillierre (1656-1746). Autoportrait, 1711. Huile sur toile. 80 x 65 cm.. Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon. Photo © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot. " L'autorité absolue du peintre dans la maîtrise de son art est manifeste et ne se ressent d'aucun effort.". Dominique Brême.

Avec la participation du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, de collections publiques et privées, cette exposition livre ce merveilleux moment de l’art du portrait en France, la majesté de ce genre pictural au service de la ressemblance et de la glorification sociale du modèle, dont l’obtention de l’ordre de Saint Michel -surnommé "savonnette à vilain"-, pour certains non-nobles, reconnaissable à son cordon noir, était la consécration.

Hyacinthe Rigaud (1659-1743) et atelier. Portrait de Louis XIV en grand costume royal, après 1702. Huile sur toile. 131 x 97 cm.. Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles. Photo © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Christophe Fouin. " Effigie d'un monarque français confiée à peintre né espagnol et devenu régnicole auquel revient concomitamment de représenter le prince français [ Philippe d'Anjou ] que l'Espagne s'était vu imposer par la France ". Ariane James-Sarazin. 

Nicolas de Largillierre (1656-1746). La marquise de Noailles et ses enfants, ca 1698. Huile sur toile. 64 x 81 cm.. Château de Perentignat, collection du marquis Anne-François de Lastic. Photo © Château de Parentignat / David Bordes.

L’Autoportrait dit au cordon noir de Rigaud fut-il peint en 1710 ou en 1727 après l’obtention de cet ordre ou en 1710 et retouché en 1727 ? Il concrétise la haute idée qu’il avait de son art et de sa position à la cour, lui le peintre des membres de la maison royale, dont Louis XIV en grand costume royal (après 1702), le monarque dans toute sa splendeur, dans une architecture toute palatine, nous accueille. L’entourant, les autoportraits des trois protagonistes de cette exposition : François de Troy, très classique, Nicolas de Largillière à 55 ans dans son atelier, Hyacinthe Rigaud, ne paraissant pas ses 52 ans,  nous dévisageant. Ce seront ensuite les membres du clan Rigaud, sa mère affectionnée Maria Serra, son frère si beau Gaspard, son épouse Élisabeth de Gouy, ex-madame Le Juge, peinte quelques années plus tôt avec son époux et sa fille, étonnant tableau où personne ne se regarde, dans une composition très froide et très guidée. Bien loin de ces sentiments de convention, le magnifique Largillière, La marquise de Noailles et ses deux filles,  fourmillant de symboles "memento mori" autour de l’image du défunt.

Autre subtile toile, celle de Largillière, La Belle Strasbourgeoise – autre version de celle conservée au musée des Beaux-Arts de Strasbourg – que nous avions pu voir lors de son passage aux enchères chez Christie’s Paris en septembre 2020 [1 570 000 €], aujourd’hui dans une collection chinoise. Une dernière fois réuni avant d’être séparé à la fin de l’exposition, le couple de La Jonchère par Rigaud : Gérard Michel conservé dans une collection privée, vraisemblablement Charlotte préemptée par le musée Rigaud [100 000 €] il y a quelques mois, un "portrait textile" comme le qualifie Ariane James-Sarazin dans l’extrême rigueur du rendu des étoffes et de l’arachnéenne étole de mousseline transparente. L’on ne peut qu’être admiratif devant une telle maîtrise.

Une magistrale démonstration de l’art du portrait aux XVII et XVIIIe siècles, dans un magnifique et magistral parcours, ne cesserons nous de dire, se prolongeant avec l’exposition Portraits de reines de France (1630-1665) présentant onze œuvres rarement montrées à Versailles, commissariat d’Élodie Vaysse, conservateur au château de Versailles (jusqu’au 26 septembre 2021). 

(détail) Hyacinthe Rigaud, (1659-1743). Portrait de Philippe d’Orléans, duc de Chartres [futur Régent], 1689. Perpignan, musée d’art Hyacinthe Rigaud. Photo © Musée d’art Hyacinthe Rigaud / P. Marchesan. " C'est en chef de guerre, la main appuyée sur son bâton de commandement, que l'adolescent, âgé de quinze ans, pose hardiment sous un dais, dans une attitude souveraine.". Ariane James-Sarazin.

Portraits en majesté : François de Troy, Nicolas Largillière. Hyacinthe Rigaud

26 juin – 7 novembre 2021

Musée d’art Hyacinthe Rigaud – Perpignan.

Commissaire générale Pascale Picard – Commissariat scientifique Dominique Brême & Ariane James-Sarazin.

https://www.musee-rigaud.fr/    https://www.hyacinthe-rigaud.fr/blog

Remarquable catalogue avec deux études passionnantes : Le portrait chose, un immeuble par destination, Ariane James-Sarazin; Il en va du portrait comme d’un roman, Dominique Brême. 296 pages. Éditions SilvanaEditoriale. Prix 35 euros. Un vrai et pertinent catalogue donc une rareté, une bibliographie incluant les articles parus sur Internet, des notices avec historique, bibliographie et expositions des 93 numéros, un corps de caractère et une police lisible.

Nicolas de Largillière (1659-1746). Portrait d'homme en Bacchus, ca 1680-1685. Paris, musée du Louvre, département des peintures. Photo © RMN-Grand Palais (Musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda.  " Ce "portrait en petit" fut identifié un temps à Philippe d'Orléans (1674-1723), mais la date de réalisation de ce tableau empêche catégoriquement de confirmer cette proposition. ". Dominique Brême.

 

 

 

 

 

 

Hyacinthe Rigaud (1659-1743). Autoportrait dit au turban,1698. Huile sur toile. 83 x 66 cm.. Déposé à Perpignan, au musée d’art Hyacinthe Rigaud. MNR 56. Photo © Musée d’art Hyacinthe Rigaud / P. Marchesan.

Tag(s) : #Expositions France
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