Les lavabos d’Iphigénie en Tauride ont toujours grand succès au Palais Garnier
Gilles Kraemer
Balcon, place achetée, 18 septembre 2021
Iphigénie en Tauride, saison 2021/2022 ©Sébastien Mathé / OnP.
Applaudissement nourris ce samedi. Aucun cri. Aucune huée.
Miroir dans lequel se reflètent les bourgeois de cette représentation avant que celle-ci ne commence, quatre lavabos côté Christ dans lesquels Iphigénie vomira bruyamment, douches collectives côté Jésus inutilisées, murs dans les belles irisations du vert scarabée, tout est en place pour cette griffure de Krzysztof Warlikowski dans les ors de Garnier. Une mise en scène, devenue classique, si l’on ne ferme pas les yeux pendant toute la représentation, depuis sa première houleuse en 2006, époque Gérard Mortier à rayer. Ce samedi, aucune huée, le temps des réactions est bien loin. J’oubliai le mec à poil, Égisthe, l’amant de Clytemnestre, assassiné à moins qu’il ne s’agisse d’Agamemnon trucidé. Si l’on ne connaît pas ses classiques - et les éditions Les Belles Lettres -, difficile de comprendre les intentions du metteur en scène. L’on est censé être dans une maison de retraite ou un EHPAD, faut-il encore le savoir. Manifestement, le metteur en scène idéalise complétement ce lieu en habillant d’une façon très élégante les femmes âgées, même en chemise de nuit, brushing glamour étasunien impeccable.
Iphigénie en Tauride, saison 2021/2022 ©Sébastien Mathé / OnP.
Si l’on a compris que le passé se trouve sur le devant de la scène et que le présent se place derrière le mur de plexiglas transparent, qu’Iphigénie à la retraite et vieillissante revit sa jeunesse et la prêtresse d’Apollon qu’elle fut, ceci est plus facile. 170 euros, c’est quand même conséquent pour fermer les yeux et écouter car les circonvolutions du metteur en scène sont un peu difficiles à saisir.
Iphigénie en Tauride, saison 2021/2022 ©Sébastien Mathé / OnP.
A la direction, Thomas Hengelbrock laissant s’exprimer pleinement l’orchestre, entre les sentiments de douleurs et de bonheurs ; opéra qu’il connaît sur le bout des doigts, nous l’avions entendu au Théâtre des Champs-Élysées, dirigeant en maestria cette même Iphigénie, dans une représentation de rêve mise en image par Robert Carsen. Ici, il s’impose dès l’ouverture de cet opéra lyrique commençant par cette magnifique tempête jetant sur les côtes de la Tauride Oreste et son ami Pylade à la recherche de la prêtresse de Diane dont ils ne sauront qu’au final qu’il s’agit d’Iphigénie qu’Apollon sauva du couteau sacrificateur de son père Agamemnon. Iphigénie en Tauride au TCE ou le sanglant héritage des Atrides selon Gluck. - (lecurieuxdesarts.fr)
Début à l’Opera de Tara Erraught / Iphigénie fragile, parfaite de douleurs et de sensibilités, largement applaudie, dans cet opéra-trio si émouvant avec Oreste / Jarrett Ott, débutant aussi à l’OnP et Pylade / Julien Behr, son ami – mais est-il son amant ? - enfermés dans cette cage de verre révélatrice de toutes les passions, dans laquelle ils se débattent.
Finalement, faire abstraction de toutes les scories de cette mise en images, de cette mise en scène secondaire pour tenter de trouver son plaisir. Mais, 170 euros, c’est quand même bien cher payé après avoir subi, début septembre une vie de Callas déjà oubliée à peine vue.
Christoph Willibald Gluck, Iphigénie en Tauride, tragédie lyrique en quatre actes (1779)
D’après Guymond de La Touche, d’après Euripide; livret :Nicolas-François Guillard
Direction musicale :Thomas Hengelbrock
Mise en scène :Krzysztof Warlikowski
Décors et costumes :Małgorzata Szczęśniak
Iphigénie, grande prêtresse de la déesse Diane : Tara Erraught, mezzo-soprano
Oreste, frère d’Iphigénie : Jarrett Ott, baryton
Pylade, ami d’Oreste : Julien Behr, ténor
Thoas, roi de Tauride : Jean‑François Lapointe, ténor
Diane, Première Prêtresse : Marianne Croux, soprano
Une femme grecque, Deuxième Prêtresse : Jeanne Ireland, mezzo-soprano
Un Scythe, Un ministre : Christophe Gay, baryton
Iphigénie (comédienne) : Agata Buzek