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Gilles Kraemer (déplacement et séjour à titre personnel)

 

Zigor, Gurutze XI / Croix, 2020. Chêne. 90 x 180 x 40 cm. © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Biarritz, 4 août 2021.

La croix, lien fondamental de l’homme / avec le sacré dans sa verticalité / Et dans l’horizontalité, / symbole de son existence quotidienne / Gurutzea, bere bertikalitatean,.

Le cosmos n’a ni commencement, ni fin en pays basque. Le temps est circulaire. La journée débute à la tombée de la nuit, cette nuit qui est le temps de la panique, de l’inexpliqué précise la commissaire Alexia Larrarte avant l’apparition du jour, de cet avant-jour qui rassure. D’où le premier temps du parcours initiatique de cette exposition - se devinant tout de suite dans sa limpidité -, de la nuit vers l’aube, l’aurore et l’apparition de la lueur au point du jour, de l’obscurité vers la semi-obscurité puis la lumière, pour se terminer à l'extrémité de cette grande nef par Nafarra, photographie de Zigor, immensément agrandie, " cet instant [où] le bout de ciel blafard allait virer au bleu, pâle d’abord puis de plus en plus intense. Et quand ce bleu l’obligea à plisser des yeux, l’homme vida ses poumons en criant "Egu, soit le bienvenue !". Puis il baissa les bras, sauta du rocher, reprit son bâton et redescendit dans la vallée ", écrit Claude Labat, "  La Lumière du jour n’est pas le Soleil, c’est la lueur qui se ravive quotidiennement derrière les montagnes ".

Seconde exposition que Biarritz consacre à Zigor après celle de 2018, Voir dans l’ombre / Itzalean ikusi.

Alexia Larrarte & Zigor © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Biarritz, 4 août 2021.

Les 10 colonnes du Chemin du temps sont celles d’une cathédrale pariétale, pour la première partie de cette exposition, souligne Alexia Larrarte, également scénographe [pas précisé sur le cartel de remerciements de l’exposition], me présentant le travail de Zigor (1947). Les gestes sportifs de ce très bon pelotari se retrouvent dans sa peinture des cimaises des nefs latérales, celle des grandes Falaises/Labar, de noir et de blanc. Une peinture pariétale dans son chromatisme, dans une gestuelle picturale demandant une autre gestuelle picturale. J’ai souhaité proposer un parcours, tenter de trouver une explication à donner au sens des choses dans ce besoin d’expliquer le travail de cet artiste, de ce sculpteur, de ce photographe.

Un chemin du temps que l’on parcourt, ajoute Kepa Akixo dit Zigor, racontant une histoire avec poésie. Le commencement d’un monde pour aller vers d’autres mondes.

Zigor, Signes de la terre / Lurraren Keinuak, 2021. Terre. 105 x 27 x 12 cm.. Poterie Goicoechea © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Biarritz, 4 août 2021.

Pour nous accueillir, cinq blocs de terre sur le mur, creusés de traces car, si l’on observe les peintures pariétales, outre la représentation des animaux, y apparaissent de nombreuses signes que nous ont laissés les peintres précise Zigor.

Dans l’ombre des sculptures se cache l’obscur, / et dans l’obscur la forme du mystère, / et dans le mystère toutes les formes.

Zigor, Harpea / Refuge, 2021. Platane. 14 x 13 x 11 cm. © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Biarritz, 4 août 2021.

Zigor, Ilargiaren etxea / La maison de la lune, 2020. Platane et galet. 37 x 28 x 23 cm. © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Biarritz, 4 août 2021.

Puis l’immense rotondité de Fleur de chardon/Eguzkilore avec son trou au milieu permettant de voir le minuscule Harpea/Refuge posé derrière et tout au fond Gurutze XI/Croix XI qu'entourent symboliquement Lune/Soleil/Nuit/Refuge. Laissez mentalement votre regard se glisser jusqu’à la dernière salle, dépasser ses photographies de noir et de blanc illustrant la Genèse, s'arrêter devant La porte de la lumière/Argiaren atea, sculpture de bronze pour la porte, de chêne pour le socle, dans un éclairage subtil et pertinent, comme toutes les expositions qu’il me fut permis de voir à Bellevue. Importance très grande du socle chez Zigor, comme chez les Égyptiens, comme chez Alberto Giacometti, ce socle indissociable de la sculpture, conférant cette union avec le sol. Regardez bien cette porte de haut, une pièce incurvée avec une ouverture, l’autre sans. Comment ne pas songer au Livre, à celui des religions de l’écrit, posé devant une immense photographie, l’abside d’une église romane abandonnée, tournant à la ruine. Regardez certaines de ces Croix/Gurutze en platane, posées à plat. Étrange analogie avec les églises médiévales monolithes d'Éthiopie ! Extraordinaire cette similitude dans cette traversé du temps et des continents ! (1)

Zigor, Argiaren atea / La porte de la lumière, 2021. Bronze & chêne. 21 x 37 x 18 cm. © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Biarritz, 4 août 2021.

Étrange cette communion dans la spiritualité tout au long du parcours, avec, au milieu, cette scansion d’un Après/Guero, sculpté dans un platane que l’on croirait d’onyx - vous pouvez toucher, Zigor aime caresser ses sculptures de bois lorsqu’il nous les présente et les fait vivre -. Y voir encore un livre, le Livre posé à plat, ouvert mais aussi de nombreuses rivières creusées dans la montagne avec au milieu, une plus large comme irradiante du savoir, des savoirs, des légendes, de la transmission vers le futur. Dans un éternel recommencement avec Emakume/Femme, Marie, entourée d’une série de gouaches Danse/Dantza, telles les vitraux de l’église, placée comme dans une absidiole.

Zigor, la spiritualité d’un cheminement… Et, enfin du calme dans un centre ville biarrot, bruyant toutes les nuits, jusqu’à 2 heures du matin et plus. Impossible de dormir. 

 

(1) Onze églises médiévales monolithiques ont été creusées dans la roche. Leur construction est attribuée au roi Lalibela qui, au XIIème siècle, entreprit de construire une "Nouvelle Jérusalem" après que les conquêtes musulmanes eurent mis un terme aux pèlerinages chrétiens en Terre Sainte. Les églises ont été creusées dans la roche en blocs monolithiques. Églises creusées dans le roc de Lalibela - Galerie - UNESCO World Heritage Centre https://whc.unesco.org/fr/list/18/gallery/

Je renvoie à l'incontournable ouvrage Lalibela: Capitale de l'art monolithe d'Éthiopie, de Jacques Mercier (membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Institut de France) & Claude Lepage (correspondant à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Institut de France) https://www.aibl.fr/societe-asiatique/seances-colloques-conferences/communications-par-contributeur/article/claude-lepage-et-jacques-mercier

 

Zigor. Egu Iturria. La source de l’aube. Sculptures de chêne, de platane et de bronze / Peintures, aquarelles et dessins sur des carnets Leporello / Photographies / & Poèmes.

3 juillet – 29 août 2021

Espace Bellevue – Biarritz

Commissariat et scénographie Alexia Larrarte

Catalogue. Zigor. Egu Iturria. La source de l’aube. Texte de Claude Labat Quelque chose à la frontière de la matière et de l’esprit… / Materiaren eta arimaren tarteko zerbait… / Algo en la frontera entre la materia y el espíritu… .184 pages. Éditions Kilika. Textes en français, basque & espagnol. Prix 25 €. Belle mise en page. Dommage que les légendes, dans un corps de caractère minuscule, soient en gris sur fond noir. 

Zigor © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Biarritz, 4 août 2021.

Les mercredis et samedi, visite avec l’artiste. Tél. 05 59 41 57 56.

Tag(s) : #Entretien à 210 km-h, #Expositions France, #Photographie
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