Le vent poétique de la peinture selon Nathalie Béasse – 75ème Festival d’Avignon
Le vent poétique de la peinture selon Nathalie Béasse – 75ème Festival d’Avignon
Gilles Kraemer (séjour personnel à Avignon)
samedi 10 juillet 2021
Ceux-qui-vont-contre-le-vent. Titre déroutant, pour cette création de Nathalie Béasse. Plasticienne, son premier parcours avant d’intégrer le CNR Art dramatique d’Angers. Aujourd’hui actrice, auteur et metteur en scène. "Parcours qui m’a permis de construire une belle maison – sa compagnie -, une maison qui a de bonnes fondations souligne-t-elle. Je ne travaille pas sur l’improvisation poursuit-elle lors de la présentation presse, mon travail est sur l’intuition."
© photo Christophe Raynaud de Lage.
Absence-Disparition-Évocation–Souvenirs douloureux de la mort d’un proche–Retrouvaille–Joie–Jeux-Réminiscence.
Des images inouïes dans cette nuit magique avignonnaise, finissant avec celle de Pina Bausch, de l’eau, de l’eau, encore de l’eau, des seaux d’eau que se lancent les acteurs, jusqu’au seau rouge, du sang ? provocant un silence de mort, après tous les rires d’amusement. Immobilité des sept acteurs. Y-a-t-il eu un faux pas avec ce rouge ? La nuit noire ne le dira pas. Applaudissements nourris et sincères après cette représentation de magie pure, de pure magie, un éblouissement visuel total.
Plateau nu. Les acteurs, tous prodigieux, seront aussi les accessoiristes. Théâtre dansé avec peu de textes, des extraits de Dostoïevski, Duras, Flaubert, Rilke, Stein, de très longues plages silencieuses, un silence parlant par tous ces corps en mouvement, si expressifs. Théâtre corporel.
Tout avait débuté dans le vacarme, les quatre filles et les trois garçons arrivant côté Jésus. Brouhaha, invectives, interpellations violentes en français, anglais, allemand avant de s’installer au premier rang. Manifestement, ils cherchent quelqu’un, se renvoyant tous la faute de sa non surveillance induisant sa disparition.
© photo Christophe Raynaud de Lage.
Première image forte. Les acteurs revêtant d’autres habits, posant les anciens qui seront mystérieusement aspirés vers le devant de la scène ; nous sommes chez Harry Houdini. Table dressée avec une immense nappe, se levant, s’inclinant comme aspirant et recrachant chacun des comédiens. Actrice sur la table ne cessant de tomber dans les bras des garçons, telle une performance Marina Abramović dans des attitudes d’une Vierge à la Caravaggio. La fugacité d’un Gerhard Richter avec le visage de l’actrice posé sur la table et qu’elle arrosera d’un verre d’eau comme Robert Wilson. Quelques instants plus tard, elle s’accrochera sous la table, convoquant une image balthusienne. C’est parti pour une heure trente. Si l’on ne possède pas des bases picturales, toutes ces images magnifiques ne convoqueront aucune émotion. Normal, dans un temps où la culture est de plus en plus indigente et normée sur les cartels des institutions ; surtout ne pas faire réfléchir le regardeur comme dans un certain musée parisien récemment rouvert bannissant les chiffres romains.
Un vase de pivoines blanches tellement Manet. Le bruit enregistré du vent tournant dans la cour du magnifique cloître des Carmes. Femmes qui dansent, une marguerite à la bouche, Oranges qui roulent sur le sol dans le souvenir d’Atalante et Hippomène, toile dans laquelle Guido Reni fixe l'instant où tout bascule, où Hippomène lance à Atalante une seconde pomme d'or pour que celle-ci ralentisse sa course, la ramasse et perde ainsi son pari d'arriver première. Oranges que les femmes ramasseront et tenteront de coincer sous leurs bras ou entre leurs jambes, très Jeff Koons lorsque cet "artiste" pose des boules bleues sur des copies de statues antiques, Tout ceci finira en dispute avant le très beau lancer de chaussures en l’air puis des femmes agitant des chemises, très proches de celles chassées par Minerve du jardin de la vertu façon Mantegna.
Epuisés, tous se regroupent et une femme les transforme en Christo dans un rouleau de plastique. Avant de s’amuser, tous, à crever des ballons ; chez Niki de Saint-Phalle cela était plus tragique et lourd de sens.
Que vient faire la fresque de la Villa de Livia Drusilla, l'épouse d'Auguste, figurant d'une façon très naturaliste des arbres, des plantes et des oiseaux, visible au Palazzo Massimo alle Terme à Rome ?
Ceux-qui-vont-contre-le-vent © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Avignon, 10 juillet 2021.
Laurent Goumarre & Nathalie Béasse, conférence de presse © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 9 juillet 2021, Avignon.
Nathalie Béasse, Ceux-qui-vont-contre-le-vent
6 7 8 | 10 11 12 13 juillet 2021
Cloître des Carmes – Avignon
Conception, mise en scène et scénographie Nathalie Béasse
Musique Julien Parsy / Lumière Natalie Gallard
Construction décor Stéphane Paillard et Justin Palermo
Régie son Tal Agam et Nicolas Lespagnol-Rizzi
Régie plateau Alexandre Mornet
Régie générale Thomas Cayla
© photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 10 juillet 2021, Avignon.
Avec Mounira Barbouch, Estelle Delcambre, Karim Fatihi, Clément Goupille, Stéphane Imbert, Noémie Rimbert, Camille Trophème
Production association le sens ./ Coproduction La Comédie de Clermont-Ferrand Scène nationale, le Quai CDN Angers Pays-de-la-Loire, Théâtre de Lorient Centre dramatique national, Festival d’Avignon, Le Maillon Théâtre de Strasbourg Scène européenne, Les Quinconces L’Espal Scène nationale Le Mans, La rose des vents Scène nationale Lille Métropole Villeneuve d’Ascq, Le Grand R Scène nationale de La Roche-sur-Yon, Le Théâtre d’Arles Scène conventionnée d’intérêt national art et création nouvelles écritures
Création à Avignon le 6 juillet 2021
Du 3 au 18 février 2022 au théâtre de la Bastille - Paris