Les Palmiers de Jean Dunand (avec résultat)
Gilles Kraemer (d'après le communiqué de presse).
Les Palmiers. Une nouvelle fois, cet ensemble de boiseries en laque de Jean Dunand connaîtra le feu des enchères. Encore une fois, messieurs les Anglais tireront les premiers puisque la vente se déroule, à Londres, chez Phillips, en mai.
Lors de la XXe Biennale des antiquaires, Paris, en 2000, cet ensemble présenté chez Dutko était frappé d’interdiction de sortie du territoire français.
Jean Dunand (1877-1942), Ensemble de boiseries de fumoir dites Les Palmiers, vers 1930.© remerciements Phillips, 2021.
En laque et laque arrachée gris, argent et or, agrémenté de plaques métalliques en application laquées noir à décor gravé de motifs géométriques, formant les quatre murs d'un fumoir rectangulaire, chaque mur constitué de panneaux assemblés par des pattes de fixation, l'ensemble aménagé de deux doubles-portes, d'une large porte coulissante laquée or au verso et d'une corniche lumineuse en décroché
Le boudoir : Hauteur totale (avec la corniche éclairante) : 344 cm. ; Largeur : 393 cm. (154¾ in.) ; Longueur : 620 cm. (244 in.)
- Le mur Est (constitué de neuf panneaux) : 344 x 591 cm. ; La double porte : 275 x 142 cm. - Le mur Sud (constitué de cinq panneaux) : 344 x 389 cm. ; La double porte : 276 x 143 cm.
- Le mur Ouest (constitué de six panneaux) : 344 x 591 cm. ; La porte coulissante : 245 x 295 cm.
- Le mur Nord (constitué de sept panneaux) : 344 x 389 cm. ; L'ouverture : 297 x 226 cm.
Signé 'JEAN DUNAND' sur le mur Nord
Provenance : Madame Aboucaya, commanditaire d'origine vers 1930. C'est en 1997, année de la disparition de son commanditaire, que le contenu de cet appartement apparaît dans une vente aux enchères à Drouot - Félix Marcilhac expert, vente SCP. François de Ricqlès, Paris, Arts Décoratifs du XXème siècle, 22 octobre 1997, lot 38; Collection Claude et Simone Dray, Paris; Galerie Dutko, Paris; Galerie Dutko, XXe Biennale des antiquaires, Paris, 2000. A cette époque, ce décor était frappé d’interdiction de sortie du territoire; Château de Gourdon; Vente des collections du château de Gourdon, Christie’s Paris, 29-31 mars 2011, Palais de Tokyo, lot 25. Sur une estimation de 2 000 000 / 3 000 000 €, l’adjudication fut de 2 193 000 €, frais inclus.
Le fumoir du temps de sa commande © remerciements Phillips, 2021.
Composé de panneaux laqués avec des plaques de métal laquées et gravées intégrées, le fumoir Les Palmiers présente un jeu de tons et de textures qui démontre la maîtrise de Dunand de l'ancienne technique du laquage. Les effets de surface qui en résultent et l'utilisation graphique de la ligne pour représenter une forêt de palmiers stylisés évoquent une scène exotique à travers une simplicité abstraite, emblématique du mouvement Art Déco français. L'œuvre est signée par Dunand et était accompagnée par des meubles de Katsu Hamanaka dont la banquette présentée également lors de la vente.
À l'occasion de l'Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels Modernes de Paris en 1925, Dunand est invité par le président de la Société des Artistes Décorateurs à concevoir un fumoir pour le pavillon de l'Ambassade de France. Marquant la première utilisation de Dunand de panneaux laqués pour délimiter une pièce entière, l’œuvre est saluée par la critique. Les dessins en laque de Dunand pour les intérieurs de voitures du carrossier Henri Binder sont également exposés, Jean Dunand collaborant alors avec ce carrossier pour la réalisation, à la demande, de la décoration intérieure : tableaux de bord, garnitures intérieures des portières, cendriers.
C'est grâce à cette collaboration que Dunand reçoit la commande du fumoir pour Mademoiselle Colette Aboucaya, dont la famille avait acquis la société de Binder en 1928.
Celle-ci le contacte, lui demandant de créer les boiseries d'un fumoir pour son appartement de la rue de Monceau. La collaboration de Jean Dunand et de Gérard Mille, le décorateur de Colette Aboucaya aboutit en 1930 à la création d'un ensemble extrêmement soigné, témoignage d'un raffinement extravagant. Une forêt géométrique et cubiste figurant des palmiers au ton gris, argent et or avec application de plaques de métal laquées noir gravées de motifs géométriques est coordonnée à un tapis de Ivan da Silva Bruhns reprenant dans les mêmes teintes, le décor des boiseries. Des meubles en laque et galuchat de Katsu Hamanaka, les rideaux et les garnitures en soie de fauteuils d'Hélène Henry complètent l'ensemble. Le grand salon attenant au fumoir est décoré d'un magnifique panneau de Jean Dunand, La conquête du cheval et meublé de sièges par Jules Leleu et René Prou. Après la guerre c'est sous la direction de Bernard Dunand que se poursuivent les aménagements de la chambre à coucher, d'un bureau en marqueterie de paille et des salles de bain. Cette véritable entreprise de décoration demeurait inaccessible. Seuls un reportage dans Vogue en 1961 titré l'Art de vivre où étaient reproduites en noir et blanc des vues de l'appartement et l'étude des archives Dunand publiée par Félix Marcilhac conservaient les traces de cette commande en tout point exceptionnelle.
La banquette de Katsu Hamanaka du temps de sa commande © remerciements Phillips, 2021.
La banquette de Katsu Hamanaka © remerciements Phillips, 2021.
Cet ensemble Palmiers est proposé aux côtés de la banquette conçue par l'artiste japonais Katsu Hamanaka, acquise par le défunt designer Kenzo à la fin des années 1990 avant de rejoindre une autre collection. Adjugée 469 002 euros.
La vente Phillips Design à Londres le 4 mai 2021 réunira ces deux œuvres pour la première fois depuis leur première apparition sur le marché en 1997. Pour cette vente, l’estimation est de £1 500 000 – 2 000 000 / 1 732 665 – 2 310 220 € pour les panneaux du fumoir. Adjugés 3 826 346 euros frais compris.
Jean Dunand (1877-1942), La conquête du cheval, 1935. Ensemble de dix-huit panneaux en laque or et laques de couleurs sculptés en bas-reliefs sur bâti de " sabi " (mélange de plâtre et de laque). Dim. totale de l’ensemble : Haut. : 3,11 – Long. : 5,04 m. Expert : Cabinet Marcilhac.
Le 20 février 2021, au Havre, François-Xavier Allix et Philippe Revol présentaient aux enchères dix-huit panneaux en laque de Jean Dunand qui ornaient en 1935 le paquebot Normandie. Témoignage virtuose de l’Art déco, cet ensemble exceptionnel a été adjugé à 924 000 euros, frais compris.