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Gilles Kraemer.      

 

Aujourd'hui ce n'est pas En attendant Godot qui se joue sur le plateau du théâtre de l'Odéon occupé depuis le 4 mars 2021 mais En attendant Culture ! À soixante ans d'intervalle.

L'Institut rouvre ses portes mercredi 19 mai 2021. L'exposition est prolongée jusqu'au 8 juin. 

Gerard Byrne, Reconstruction de l'arbre de Giacometti, 2006 © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, janvier 2021, exposition Giacometti Beckett – Rater encore, rater mieux. Institut Giacometti, Paris.

© photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Paris, mars 2021

Depuis des mois et des mois, des institutions culturelles sont abandonnées par nos gouvernants. Musées inexorablement interdits et fermés depuis le 29 octobre 2020. L’arbre de Godot - autour duquel s’est construite l’exposition Giacometti / Beckett -, l’arbre de l’attente apparaît encore plus aujourd’hui comme celui de Soleil vert. Nous ne sommes pas dans un New York dévasté et apocalyptique mais à Paris, de plus en plus bétonné, transformé en une immense explosion de milliers de plots jaunes " pour permettre aux piétons de se déplacer en maintenant certaine distance de sécurité " sur les trottoirs selon les directives sans appel des édiles parisiens, accentuation de la solitude qui a envahi la cité transpirant l'ennui.

 

Représentation d'En attendant Godot au théâtre de l'Odéon, Paris, 1961 //  Reconstruction de l'arbre de Giacometti par Gerard Byrne, 2006  //  Tête sur tige, 1947, plâtre peint © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, janvier 2021, exposition Giacometti Beckett – Rater encore, rater mieux. Institut Giacometti, Paris.

De cette exposition installée mais interdite aux regards, n’existant que par les réseaux sociaux qui lui offrent une existence, me faisant songer à l’arbre esseulé de New York uniquement visible par la nomenklatura, que restera-t-il si jamais elle n’ouvre ? Un catalogue !  Combien de temps durera cette mascarade du catalogue, la seule trace d’une exposition accrochée mais décrétée invisible, les portes des institutions [mais aussi des théâtres, cinémas, opéras] demeurant inexorablement closes selon la décision de nos politiques, une situation absconse. 

Alberto Giacometti, Trois figures marchant, 1958-1959 © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, janvier 2021, exposition Giacometti Beckett – Rater encore, rater mieux. Institut Giacometti, Paris.

L’arbre, c’est celui d’En attendant Godot (1952) de Samuel Beckett (1906-1989), l’arbre blanc, presque entièrement dépouillé de ses feuilles, imaginé par Diego Giacometti (1901-1966) pour la reprise de cette pièce à l’Odéon en mai 1961 dans une mise en scène de Roger Blin. Cette pièce en deux actes fut créée au Théâtre de Babylone le 5 janvier 1953 et mise en scène par Roger Blin. https://data.bnf.fr/fr/39460744/en_attendant_godot_spectacle_1961/

Samuel Beckett, En attendant Godot, Les éditions de Minuit, 1952. Exemplaire de la bibliothèque de Giacometti annoté © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, janvier 2021, exposition Giacometti Beckett – Rater encore, rater mieux. Institut Giacometti, Paris.

Godot attendu en vain, le soir, sur une route de campagne. Viendra-t-il ? Estragon et Vladimir risquent de l’attendre encore. Comme nous qui nous demandons, en cette période de pandémie du coronavirus, si la culture reviendra un jour.

Thématique de la solitude - solitude propre à chaque créateur, artiste comme écrivain - et profonde affinité entre ces deux hommes, voici les fils qui tirent cette exposition comme le souligne le commissaire Hugo Daniel. Les relations de l’écrivain et du sculpteur se sont construites de cette solitude propre à chacun d’eux, de cette confiance qui se concrétisa uniquement dans cet arbre de l’attente. Une conjonction, entre ces deux hommes qui se rencontrent en 1937, faite d’accompagnements et de connivences. Ils n’auront eu qu’une seule collaboration mais leurs œuvres offrent tellement d’échos qu’on les dirait sœurs ajoute le commissaire. Ce qui apparaît étonnant et inhabituel, c’est l’absence de portrait de Samuel par Alberto, aucune huile, pas le moindre dessin, aucune sculpture, aucune trace des rencontres et de la proximité de ces deux hommes qui se vouvoyaient. Aucun écrit de Samuel sur Alberto. Rien. Eurent-ils des difficultés à exprimer leur estime mutuelle ? Quelle étrangeté !

Restent des photographies de Georges Pierre en 1961, dans l’atelier dit du téléphone, les annotations d’Alberto en marge de son exemplaire d’En attendant Godot pour imaginer un arbre frêle et fragile, comme le sont les figures humaines de Giacometti. Il porte toute la précarité de l’existence humaine, cet arbre métaphore de l’existence humaine. Samuel empruntera La tête sur tige (1947) hurlante en illustration de la couverture d’Imagination Dead Imagine (1965).

 

Alberto Giacometti, Buste d'homme, 1965, plâtre // Tête de Diego, 1965, plâtre //  Buste d'homme, 1956, bronze  © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, janvier 2021, exposition Giacometti Beckett – Rater encore, rater mieux. Institut Giacometti, Paris.

Alberto Giacometti, au premier plan La Cage, 1950, bronze // puis  La Cage, première version, 1949-1950, plâtre peint © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, janvier 2021, exposition Giacometti Beckett – Rater encore, rater mieux. Institut Giacometti, Paris.

Alberto Giacometti, Carnet avec liste de noms dont celui de Beckett, septembre 1963 © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, janvier 2021, exposition Giacometti Beckett – Rater encore, rater mieux. Institut Giacometti, Paris.

Restent les écrits et les œuvres tellement proches intellectuellement, cette profonde affinité. Chez l’un et l’autre, la réduction des moyens d’expression est le but. Hugo Daniel ose la si belle formule en parlant de l’écrivain : chez Beckett, le texte sera réduit pour arriver à " l’os " des choses.

Alberto Giacometti, Trois hommes qui marchent, 1948, bronze © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, janvier 2021, exposition Giacometti Beckett – Rater encore, rater mieux. Institut Giacometti, Paris.

Le corps est contraint dans La Cage (1950) comme il l’est dans le mamelon d’Oh les beaux jours (1963) aspirant Winnie / Madeleine Renaud. Les trois hommes qui marchent (1948), dans cette scène urbaine, expriment l’impossibilité de se rencontrer ; ils se croisent mais le regard est dirigé vers le lointain, dans l’identique interrogation du film Quad I + II (1981), dans cet épuisement de l’espace par un homme puis deux puis trois puis quatre tournant, se croisant tout en évitant le vide du centre. Pas moi (1972-1977), le verbe devient l’image de la bouche en gros plan mais, prononcé trop vite, aboutit à un magma inintelligible.

 

 

Samuel Beckett, Notes de chorégraphie dans le carnet Imagination Dead imagine, ca 1960 © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, janvier 2021, exposition Giacometti Beckett – Rater encore, rater mieux. Institut Giacometti, Paris.

En attendant Godot, c’est plutôt, aujourd’hui En attendant Culture absente et mise sous séquestre depuis plusieurs mois. Dans quelques jours, commémoration du premier confinement en France qui commença mardi 17 mars. Et aussi premiers jours du printemps dont l’apparition des premières feuilles signe l’arrivée… de l’espoir… ! Espérons que nous n'aurons pas attendu en vain Godot  depuis le 29 octobre 2020 !

 

© photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, janvier 2021, exposition Giacometti Beckett – Rater encore, rater mieux. Institut Giacometti, Paris.

Giacometti / Beckett. Rater encore. Rater encore mieux.

Exposition sensée ouverte depuis le 12 décembre 2020 et jusqu’au 28 mars 2021. L’exposition est restée silencieuse puisque les musées sont fermés depuis le jeudi 29 octobre au soir.

L'Institut rouvre ses portes mercredi 19 mai 2021. L'exposition est prolongée jusqu'au 8 juin. 

Gratuité pour tous les trois premiers jours de réouverture, les 19, 20 et 21 mai 2021 (réservation obligatoire dans la limite des places disponibles). Réservation en ligne obligatoire même pour les jours de gratuité : https://www.fondation-giacometti.fr/fr/billetterie

Institut Giacometti – Paris https://www.fondation-giacometti.fr/fr/institut

Commissariat Hugo Daniel

Catalogue. 196 pages. Bilingue français / anglais. Co-édition Fondation Giacometti & FAGE éditions. Prix 28 euros.

Ouverture de l’Institut Giacometti 7 / 7 jours de 10h00 à 18h00 - Des horaires étendus avec des nocturnes, les jeudis et vendredis, de 18h00 à 20h00

 

 

 

Tag(s) : #Expositions Paris, #Théâtre, #Entretien à 210 km-h
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