L’invisible se perçoit-il ? Juliette Agnel
Gilles Kraemer
" Le chemin vers l’invisible, c’est vraiment
un chemin. Là on va monter, après on va descendre,
pour aller au fond du fond, dans le cœur du cœur,
dans le sauvage. ". Juliette Agnel, l'invisible
Invitée en résidence à l’été 2019, à l’ancienne poste de Plounéour-Ménez, Juliette Agnel (1973) nous relate son séjour, dans l’invisible. Promenades dans les monts d’Arée à la crête comme " le dos du dragon ", entre église, ruine, lande, rivière, menhir, dolmen, entre minéralité & humidité des sous-bois, vie & mort, photographies de noir & de blanc. Fougères en couleurs, photographiées en studio, de face & de dos, sur fond noir, dans un rendu sculptural à chaque fois différent, telles des planches botaniques de ce symbole de l'invisibilité selon la tradition druidique.
Dans cet ouvrage, que je vois comme un carnet de route, par son format se glissant dans la poche du " barbour ", sa mise en forme, le caractère de la typographie tel celui d’une machine à écrire, sa mise en espace des photographies, ces pages laissées blanches, comme une respiration ou propices à recevoir des notes, sa couverture comme la page ôtée d’un herbier, elle a déposé ses photographies et les échanges qu’elle eut en parcourant cette campagne bretonne avec Yann Gilbert, géobiologue [ou sourcier] à Saint-Cadou. En surgit ce ressenti des invisibles des énergies cosmiques, telluriques, des lieux, des roches mis en images & accompagné de ce dialogue. Un ouvrage à lire comme à regarder, un voyage à recomposer.
Ceci me fait également songer aux récits de voyageurs partant à la découverte de mondes nouveaux et en rapportant leurs souvenirs d’interrogations, d’affirmations, de certitudes, de confrontations & de doutes, ce " quelque chose derrière ce qu’on voit ". L’eau & le féminin, le calvaire & le masculin, dans un équilibre des synergies. L’abandon du sacré & les ruines d’une chapelle. Le menhir dressé dans un sens et non un autre car alors porteur d’un mauvais sort. Une croix bien visible et solitaire alors qu'une autre, entée sur un menhir, le christianise tel certain tableau du vannois Le Groumellec. De grands arbres inquiétants façon L'arbre aux corbeaux de Caspar David Friedrich. Aucune présence physique de l’homme – celle du bâtisseur des monuments de la foi chrétienne et des mégalithes du néolithique – si ce n’est la statue de Joseph & de l’enfant.
© copyright Juliette Agnel, L'Invisible, remerciement Galerie Françoise Paviot
Dyptique Fougères © copyright Juliette Agnel, L'Invisible, remerciement Galerie Françoise Paviot
l’invisible. Texte & photographies de Juliette Agnel. 110 photographies. 130 pages. Éditions Isabelle Sauvage, collection pas de côté. 2020.
Juliette Agnel, La Mémoire des roches
10 octobre - 31 décembre 2020
L’imagerie - 19, rue Jean Savidan - 22300 Lannion
Cette exposition présente les œuvres récentes de Juliette Agnel : Les Portes de glace (2018, Groenland), vues à Labanque à Béthune en septembre 2018, Taharqa et la nuit (2019, Soudan) vues à Chaumont-Photo-sur-Loire en novembre 2019, ainsi que L’Invisible, de l’été 2019, durant lequel elle fut invitée par l’association Poésie et pas de côté / éditions isabelle sauvage à l’ancienne poste de Plounéour-Ménez, dans les monts d’Arrée. Des photographies et une vidéo Je sens dans les mains sont le témoignage de cette résidence de trois mois.
Juliette Agnel est représentée par la Galerie Françoise Paviot.
Sur France Fine art : Interview de Juliette Agnel par Anne-Frédérique Fer, 21 août 2020, durée 20’37 francefineart.com/089-livres-juliette-agnel/
Lieu permanent d’exposition consacré à la Photographie, la galerie L’Imagerie de Lannion a vu le jour en 1984.