Un dipinto di Jacopo del Sellaio, saccheggiato dai nazisti, trova risoluzione nella Collezione Cerruti al Castello di Rivoli – Torino. Une œuvre de Jacopo del Sellaio, spoliée à Paris, redécouverte à Turin.
Gilles Kraemer (d’après le dossier de presse).
Jacopo di Arcangelo, dit Sellaio, Vierge à l’enfant, saint Jean jeune et deux anges / Madonna col Bambino, san Giovannino e due angeli, 1480-1485. Tempera sur bois. 89 x 59,8 cm.. Collezione Fondazione Francesco Federico Cerruti per l’Arte, Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea, Rivoli - Turin © photographie Alessandro Fiamingo. Remerciements Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea, Rivoli-Turin.
Galerie Sanct Lucas,Vienne, 1936 (comme Raffaelino del Garbo) ; Collection Arens (1936), Vienne ; Collection Arens - Unger (1936-1942), comme Jacopo del Sellaio), Vienne puis Paris ; Van Diemen-Lilienfeld Galleries, New York ; Galerie Fischer (12-16 novembre 1974, lot. 1689, comme Francesco Botticini), Lucerne ; Collection H. Buchardt, Zurich ; Harari & Johns Ltd. (1985), Londres ; Christie’s Londres (13 décembre 1985, lot. 91, adjugé 75.000 £ comme Jacopo del Sellaio ; commerce de l’art Gianfranco Luzzetti, Florence (1985-1987) ; Collection Francesco Federico Cerruti, Turin.
Le Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea et la Fondazione Francesco Federico Cerruti per l’Arte ont annoncé un accord avec l’Holocaust Claims Processing Office (HCPO) de l’État de New York, concernant le tableau de Jacopo del Sellaio, Madonna col Bambino, san Giovannino e due angeli (1480-1485). L’œuvre avait été acquise en 1987 par le collectionneur et entrepreneur italien Francesco Federico Cerruti (Gênes 1922 – juillet 2015 Turin) ignorant, lors de son achat sur le marché de l’art de Florence, qu’il s’agissait d’un tableau provenant de biens spoliés, par les Allemands lors de la Seconde guerre mondiale, appartenant à la famille juive viennoise des Arens - Unger.
Détail. Jacopo di Arcangelo, dit Sellaio, Vierge à l’enfant, saint Jean enfant et deux anges / Madonna col Bambino, san Giovannino e due angeli, 1480-1485. Tempera sur bois. 89 x 59,8 cm.. Collezione Fondazione Francesco Federico Cerruti per l’Arte, Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea, Rivoli - Turin © photographie Alessandro Fiamingo. Remerciements Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea, Rivoli-Turin.
Élève de Fra Filippo Lippi, Jacopo di Arcangelo dit Sellaio (Florence 1443–1493) fut un peintre prolifique du Quattrocento, travaillant pour de nombreuses confraternités religieuses de sa ville natale.
Détail de saint Jean enfant. Jacopo di Arcangelo, dit Sellaio, Vierge à l’enfant, saint Jean enfant et deux anges / Madonna col Bambino, san Giovannino e due angeli, 1480-1485. Tempera sur bois. 89 x 59,8 cm.. Collezione Fondazione Francesco Federico Cerruti per l’Arte, Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea, Rivoli - Turin © photographie Alessandro Fiamingo. Remerciements Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea, Rivoli-Turin.
La disposition inhabituelle des figures, l’accoudoir du fauteuil dans le coin inférieur droit et l’appui des pieds de l’Enfant sur les genoux de la Madone traduisent l’influence d’une œuvre sculptée. Cette tempera n’est pas sans rappeler un bas-relief en marbre des années 1477-1480 de Francesco di Simone Ferrucci (Fiesole 1437 – 1493 Florence) conservé au musée du Bargello à Florence [que l’on avait pu voir à l’exposition Verrocchio au printemps 2019 au palazzo Strozzi à Florence, n°3.13 du cat.]. Mais aussi l’influence du sculpteur et peintre Andrea Verrocchio (Florence c. 1435 – 1488 Venise) qui, dans les années 1470 mit au point l’image de la Vierge à l’enfant, toute en solennité et en émotion (1). Celle botticellienne avec les deux anges mélancoliques. Celle de Ghirlandaio dans le visage du jeune Jean.
De gauche vers la droite, second rang : Frieda, épouse de Gustav Arens, Friedrich (Fritz) Unger, Gustav Arens, Grete Arens Glasner. Au premier plan, de gauche vers la droite Lise Arens; Gitte Unger (fille d’Ann et Friedrich Unger), Ernst Glasner, 1923 circa © Grete Heinz, Courtesy Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea, Rivoli-Torino.
Cette peinture fut acquise par l’homme d’affaires et collectionneur Gustav Arens (Reichenau, République tchèque 1867 – 1936 Vienne) auprès de la Galerie Sanct Lucas de Vienne au début de l’année 1936 comme Raffaellino del Garbo. Après restauration par l’Akademie der bildenden Künste, l’historien de l’art Emmerich Schaffran l’attribua à Sellaio.
A la mort de son père en mars 1936, sa fille ainée Ann Arens – épouse de Friedrich Unger – en hérita. L’entière collection de la famille Unger fut confisquée par les autorités nazies après mars 1938 puis rendue après le paiement d’une importante rançon. Face aux persécutions contre les juifs, la famille Unger et leurs filles Grete et Gitte quittèrent l’Autriche pour la France en juin 1938 puis émigrèrent aux États-Unis, au printemps 1939.
Dans l’impossibilité de se faire expédier leur collection aux États-Unis, celle-ci resta en France. En février 1942, elle fut spoliée par les autorités nazis. A l’issue de la Seconde guerre mondiale, les Unger purent récupérer une partie de leur patrimoine artistique mais, la peinture de Jacopo del Sellaio – particulièrement admirée par leur fille cadette Grete (Vienne 1928) - demeura introuvable.
La peinture ressurgit, après une présence non précise dans les collections de la Van Diemen-Lilienfeld Gallery di New York, en novembre 1974, auprès de la galerie Fischer de Lucerne (lot 1689) sous le nom de Francesco Botticini. En 1985, elle est adjugée comme une œuvre de Sellaio chez Christie’s Londres, à un collectionneur suisse par l’intermédiaire de la galerie Harari & Johnson. En 1987, Francesco Federico Cerruti, ignorant sa spoliation, l’acquiert sur le marché de l’art, à Florence auprès de Gianfranco Luzzetti.
En 2016, après le décès de Cerruti, sa collection rejoint le Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea à Turin (2). Lors des recherches pour répertorier cet ensemble, il apparut que l’œuvre de Sellaio avait appartenu aux Unger. En 2018 la Fondazione Cerruti, au nom du Castello di Rivoli, contacte l’HCPO (Holocaust Claims Processing Office) de l’Etat de New York. Grâce à ce bureau américain, les héritiers sont retrouvés, en la personne de Grete Unger Heinz, fille cadette d’Ann et Friedrich Unger, et Karen Reeds, Andrea Meier et Alan Meier, enfants de sa sœur Gitte Unger Meier.
Les parties s’entendant et, après une compensation financière – pour un montant non rendu public -, il fut décidé de maintenir dans son intégralité la Collection Cerruti visible dans la Villa Cerruti, gérée par le musée d’Art contemporain Castello di Rivoli.
Il est donc possible de continuer à y admirer l’œuvre de Jacopo del Sellaio, un tableau si cher au cœur de Cerruti qu’il l’avait placé à côté de son lit.
Grete Heinz devant la reproduction photographique du tableau, chez elle à Carmel, Californie, 2020 © Grete Heinz, Courtesy Castello di Rivoli Museo d’Arte Contemporanea, Rivoli-Torino.
Pour Grete Unger Heinz, à presque 93 ans, j’avais perdu l’espoir? que ce tableau de la Renaissance italienne, si cher à mon cœur, soit jamais retrouvé. Je suis heureuse que la Fondation Cerruti ait trouvé un accord avec les héritiers de la famille Unger et que je puisse encore voir l’œuvre au musée du Castello de Rivoli.
Carolyn Christov-Bakargiev, directrice du Castello de Rivoli et de la Fondation Cerruti, est heureuse que la Fondation Cerruti, les héritiers d’Ann et Friedrich Unger et notre musée soient parvenus à résoudre avec succès une demande de restitution des biens de victimes de l’Holocauste, après tant de dizaines d’années.
(1) Verrocchio, il maestro di Leonardo. Palazzo Strozzi & Bargello, Florence. 9 mars – 14 juillet 2019. Pages 120, 144, 148 du catalogue sous la direction de Francesco Caglioti & Andrea de Marchi.http://www.lecurieuxdesarts.fr/2019/06/errocchio-peintre-sculpteur.l-artiste-universel-palazzo-strozzi-bargello.html
Andrea da Verrocchio. De gauche à droite. Madone à l'Enfant, 1470 ou vers 1475. Berlin, Staalische Museum zu Berlin, Gemäldegalerie. Madone dite de Volterra, vers 1471-1472. Londres, The National Gallery. Madone à l'Enfant, vers 1470. Berlin, Staalische Museum zu Berlin, Gemäldegalerie © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, exposition Verrocchio il maestro di Leonardo, Firenze, palazzo Strozzi, 2019.
(2) Si la première acquisition fut une aquarelle de Kandinsky, la Collection Cerruti va du Moyen-Âge à l’époque contemporaine. Bernardo Daddi, Gentile da Fabriano, Sassetta et Neri di Bicci. Puis Dosso Dossi, Ribera, Diziani, Batoni. Portrait d’un jeune homme (c. 1400) di Fra’ Galgario. Portrait d’un gentilhomme avec un livre et des gants (c. 1540-1541) de Pontormo. Balla et Boccioni, Casorati, Severini, Picasso, Magritte. Modigliani et Giacometti. Andy Warhol, Paolini, Burri et Manzoni. Jeune fille aux roses (1897) de Renoir. Autoportrait métaphysique (1919) de Chirico, Étude pour Portrait IX (1957) di Francis Bacon. Portrait de Harry Melvill (c. 1930) de Man Ray.