Gilles Kraemer.
Echange de bons procédés. Au printemps et à l’été 2019, les Galeries de l'Académie offraient une importante rétrospective à Georg Baselitz (1938), premier artiste - peintre, sculpteur et graveur - vivant à être exposé dans cette institution vénitienne. Le commissariat était de Kosme de Baraňano, l’exposition bénéficiant du soutien de la galerie Gagosian, très impliquée dans cette année de Biennale de l’art puisqu’elle soutenait l’exposition Helen Frankenthaler (1952-1992) au Palazzo Grimani. Et le catalogue, imposant, se vendait ... 135 euros !
Georg Baselitz, Sans titre – étude de Francesco Pianta, 1965 © Jochen Littkemann.
Le Gallerie dell'Accademia de Venise viennent de s’enrichir d’un important dessin de Baselitz Sans titre – étude de Francesco Pianta, don de l’artiste. Il figurait à la rétrospective vénitienne de 2019.
Exposition Baselitz. Exposition Leonardo da Vinci. L’uomo modello del mondo du 17 avril au 14 juillet 2019 où L’Homme de Vitruve fut exposé. © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Galeries de l’Académie, Venise, 6 mai 2019.
A peine décroché, l’Homme de Vitruve était réservé pour le Louvre où il fut présenté le 24 septembre 2019. Manifestement, les autorités muséales italiennes ne prirent pas en compte qu’une œuvre sur papier ne doit pas être exposée avant plusieurs années. Mais, il est vrai que cette histoire de prêt prenait une tournure diplomatique et que sa venue en France était liée aux prêts des Raphaël du Louvre pour l’exposition Raphaël à Rome, aux Scuderie, ce printemps 2020
L’entrée du dessin de Baselitiz à l’Académie marque la volonté d’un fonds d’œuvres d’art contemporain, complétant celui des dessins du XXe siècle. Le Cabinet des dessins et des estampes de l’Académie est l’une des plus prestigieuses collections d’art graphique publiques italiennes. Elle est forte de 2 697 dessins et 1 040 estampes dont des dessins de Léonard de Vinci (L'Homme de Vitruve fit grand bruit pour la façon rocambolesque dont il fut prêté au Louvre pour l’exposition Leonardo à l’automne - hiver 2019), Raphaël, Michel-Ange, Dürer, Tintoret, Piazetta, Canaletto, Hayez… .
Baselitz © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Galeries de l’Académie, Venise, 6 mai 2019.
Directeur de cette institution, Manieri Elia souligne le choix d’ouvrir les portes de l’Académie à l’art contemporain, et de laisser une trace à travers un fonds spécifique aux artistes reçus ou qui seront reçus dans notre institution, se rattachent aux origines du musée fondé il y a deux siècles, animés par Leopoldo Cicognara et Antonio Canova, souhaitant mettre en avant la création de leur temps à côté des chefs d’œuvres anciens.
Salle des dessins de Baselitz, série dite de Rosso, 1960 © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Galeries de l’Académie, Venise, 6 mai 2019.
Ce dessin de 1965 correspond à la période du premier voyage de l’artiste en Italie, celui de son séjour de six mois comme boursier à la Villa Romana à Florence. Durant cette période naquirent les premières études pour la série des Die Helden / Les Héros. Il aura, ensuite, un studio à Florence de 1976 à 1981 puis à Arezzo en 1981-1987 et Imperia en 1987. Ses liens avec Venise sont importants puisqu’il participe à la Biennale de l'art, exposant dans le Pavillon allemand en 1980, au Pavillon international en 1980 et 2015.
Cette feuille appartient à une série inspirée des sculptures allégoriques en bois que Francesco Pianta réalisa pour la Salle Capitulaire de la Scuola Grande di San Rocco à Venise (1657 - 1676). Baselitz , à cette époque, ne s'était pas rendu dans cette ville. Cette série trouve son origine dans la lecture et les reproductions photographiques de l’ouvrage d’Enrico Lacchin Francesco Pianta. Etrange et capricieux sculpteur sur bois du baroque vénitien et ses œuvres pour la Scuola di San Rocco / Bizzarro e capriccioso scultore in legno del barocco veneziano e dei suoi "geroglifici" nella scuola di San Rocco (1930). Cet ouvrage, qu'il acheta à Florence, figure toujours dans sa bibliothèque.
http://laboratorioberetti.eu/senza-categoria/francesco-pianta-alla-scuola-grande-di-san-rocco/
Il ne s’agit nullement de copies mais de libres interprétations; Kosme de Barañano note : " Les dessins de Baselitz réalisés à partir de Pianta en 1965 sont beaucoup plus des œuvres de création et intellectuelles que de simples copies […]. Baselitz visualise les photographies des Pianta et les transforme en rythme. Il va au-delà de la simple copie et, ses mélodiques et abstraites courbes d’encre évoquent ces muettes figures sculptées, bien qu’elles ne conservent plus aucune ressemblance avec elles ".
Baselitz, lors de son séjour florentin s'inspirera aussi de Giovanni di Paolo, Pontormo, Parmigianino, Rosso Fiorentino.
© photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Venise, 9 septembre 2019.