Une vie pour l’art selon Gino Di Maggio
Gilles Kraemer envoyé spécial.
L'arte è vita e la vita è, anche, arte. #laculturanonsiferma #iorestoacasa
Salle Jouer, détruire et reconstruire / Halle Fluxus. Daniel Spoerri Piano emmenthal (1989). Vue de l'exposition aux Abattoirs, Musée - Frac Occitanie Toulouse de Viva Gino ! Une vie dans l'art, du 28 février au 23 août 2020 © Fondazione Mudima, Milan. Photo : Boris Conte.
Jamais un titre d'exposition n’apparut plus exact, percutant, actuel, dynamique, porteur d'espoir que celui de Viva Gino ! Une vie dans l'art. Tout est dit. Regard sur cette exposition prévue jusqu'en août mais fermée, actuellement, jusqu’à une date inconnue, pour des raisons liées à la pandémie du COVID-19.
Le Futurisme ? Précéda-t-il Dada ou l'inverse ? Un départ de conversation en écoutant le collectionneur Gino Di Maggio et l’artiste Ben(jamin Vautier) traverser les salles des Abattoirs, accompagnés de l'artiste-performeur Michel Giroud, alias Le Coyote, ce jeudi 27 février. Un grand moment légèrement foutraque, mixte de dada et de surréel. Pas facile de comprendre ce cadavre exquis oral, Gino répondant à une question, laissant Ben poursuivre dans une direction différente avant le surgissement du trublion Michel.
Entendre Ben dire " si je souhaite voir de l'art contemporain, je me rends chez Emmaüs dans une période où l'art est plutôt de décoration " est-ce une affirmation provocatrice ou non ? Visite transformée en un dialogue ping pong Gino - Ben - Michel, une conversation d'amitié, le premier commençant une phrase, le second la terminant jusqu’à l’irruption imprévisible du troisième larron. Manifestement une visite programmée dans ces séquences.
L'institution toulousaine, Les Abattoirs, Musée-Frac Occitanie, consacre l'exposition Viva Gino ! Une vie dans l'art à la collection de Gino di Maggio. Né en 1950 en Sicile, il créé en 1989 la fondation d'art contemporain Mudina à Milan. Plus de 70 artistes et une centaine d'œuvres de sa collection sont présentés, d'Arthur Aeshbacher à des manifestes futuristes, de Robert Fillou à Daniel Spoerri, de Yoko Ono à Lee Ufan, de César à Marcel Duchamp avec quelques prêts de collections privées - une suite d'estampes de Marcel Duchamp - ou muséales - Genten (Ciel noir), 1990 de Kazuo Shiraga, collection Les Abattoirs ou Concetto spaziale attese 1+1–111XY de Luciano Fontana, 1962, donation Anthony Denney aux Abattoirs -.
" Je ne le suis pas un collectionneur, je suis un curieux " ainsi se caractérise Gino. Pour lui, " l'art ce n'est pas un marché mais l'observation, être en avance, le regard au-delà des frontières". La parfaite définition de l'acuité de ce connoisseur, dont la collection s’est construite de rencontres, d’échanges, d’amitiés, de participations à des expositions, de soutiens. Un engagement total débutant avec la découverte du mouvement italien le Futurisme, point de départ de l’exposition toulousaine. « Il est probablement difficile ou inapproprié de définir comme une collection ce que j’ai collecté au hasard pendant toutes ces années ».
Salle Jouer, détruire et reconstruire / Halle Fluxus. À gauche piano de Ben Vautier N’importe quoi est musique (1989), à droite celui d’Arman I colori della musica (1989). Vue de l'exposition aux Abattoirs, Musée - Frac Occitanie Toulouse de Viva Gino ! Une vie dans l'art, du 28 février au 23 août 2020 © Fondazione Mudima, Milan. Photo : Boris Conte.
Au centre de l’exposition, dans la grande nef, une forêt de pianos souligne Annabelle Ténèze, directrice de ce lieu, car, le piano n’est-il pas la représentation de l’artiste qui joue seul ? Celui droit de Ben Vautier N'importe quoi est musique (1989), renversé de John Cage Please play or the father or the family (1990), de George Brecht Piano Event (1989), d’Arman I colori della musica (1989) entièrement recouvert de tubes écrasés de peinture, éclaté de Philip Corner Piano activities (2014), de Daniel Spoerri Piano emmenthal (1989), inutile de décrire ce dernier piano à queue, le titre parlant tout seul. Au milieu, comme pour remettre un peu d’ordre un chef d’orchestre avec la forêt des pupitres d’Éric Andersen Opus 51 (I have confidence in you) (1964) attendant d’éventuels instrumentistes pour une musique de chambre.
Salle Gutai. A droite Kazuo Shiraga (1924- Amagasaki -2008), Genten [Ciel noir], 1990. Huile sur toile. Collection les Abattoirs. Au centre, trois encres sur carton de 1990 de Toshimitsu Imaï (1928-2002). Vue de l'exposition aux Abattoirs, Musée - Frac Occitanie Toulouse de Viva Gino ! Une vie dans l'art, du 28 février au 23 août 2020 © Fondazione Mudima, Milan. Photo : Boris Conte.
Salle Mono-ha. Nobuo Sekine (1942), Phase – Mother Earth, 1968. Photographie & Phase of Nothingness – Water, 1969. Acier, laque et eau. Au fond Susumu Koshimizu (1944), From Surface to Surface, 1971. Bois. Au premier plan Katsuko Yoshida (1943-1999), Cut-off (Hang), 1969. Poutre de bois, corde et pierre © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 27 février 2020, Les Abattoirs, Toulouse.
Salle Mono-ha. Lee Ufan (1936), Relatum, 1969. Acier en 16 éléments © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 27 février 2020, Les Abattoirs, Toulouse.
Le sgardo di Gino s'est porté sur les mouvements japonais Gutai (1955 - 1972) et Mono-ha ou École des choses (fin 1960 – début 1970) présentés dans deux salles, les plus percutantes de cette exposition remarquable, présentation reflétant la personnalité de ce collectionneur amoureux. Modestement, Gino susurre qu'il a eu l'honneur de connaître les artistes Gutai dont il a compris très lentement la pensée. Pour lui, ces artistes asiatiques ont créé et non copié l'art occidental, dans cette introduction du hasard, dans cet indéfini incontrôlable, cette mouvance du geste.
Salle L’autre face de l’Italie. À droite Gianni Bertini (Pisa 1922 – 2010 Caen), Totip, 1967. Report photographique sur toile émulsifiée, gazon synthétique. Au fond, à gauche Sergio Lombardo (Roma 1939), Supercomponibile, 1967. Modules stratifiés sur bois. À gauche Mauro Staccioli (Voltera 1937 – 2018 Milano), Sans titre, 1992. Mixte sur toile. Vue de l'exposition aux Abattoirs, Musée - Frac Occitanie Toulouse de Viva Gino ! Une vie dans l'art, du 28 février au 23 août 2020 © Fondazione Mudima, Milan. Photo : Boris Conte.
Salle L’autre face de l’Italie. Marinella Pirelli (Verona 1925 – 2009 Varese), Film Environnement. Tuyaux, base de support, rideau en Polycarbonate, panneau en bois, 2 projecteurs carrousels, série de diapositives peintes dans deux carrousels. © Archivio Marinella Pirelli. Vue de l'exposition aux Abattoirs, Musée - Frac Occitanie Toulouse de Viva Gino ! Une vie dans l'art, du 28 février au 23 août 2020 © Fondazione Mudima, Milan. Photo : Boris Conte.
Salle De nouvelles réalités. À gauche Gianfranco Baruchello (Livourne 1924), A chi di ragione, 1967. Acrylique et émail sur toile. À droite Sergio Lombardo (Rome 1939), Personnagio, 1961-1963. Quatre acryliques sur toile. Collection commune Gino Di Maggio. Au milieu sculpture de César. Vue de l'exposition aux Abattoirs, Musée - Frac Occitanie Toulouse de Viva Gino ! Une vie dans l'art, du 28 février au 23 août 2020 © Fondazione Mudima, Milan. Photo : Boris Conte.
Grazia Varisco (Milano 1937), Quadri communicanti, 2008-2015. Fer et aluminium © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 27 février 2020, Les Abattoirs, Toulouse.
L’Italie est largement présente, non celle du mouvement Arte Povera mais avec des artistes trop méconnus. Marinella Pirelli avec Film Environnement. Sergio Lombardo. Gianfranco Baruchello. Gianni Bertini. Grazia Varisco…Existe-t-il dans le milieu de l'art contemporain, un collectionneur aussi pertinente, dans cette planète, où art rime avec revente et culture espérée ? D'une vraie sincérité, voici le parcours de ce gourmant de l’art, dont la collection ne porte pas son nom mais celui de "collection commune Gino di Maggio". Engagé dans la fédération de la jeunesse communiste italienne à 16 ans, visitant l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques à 19 ans, ne l’oublions pas.
L’art n’est-il pas commun et offert à tous ? Gino ne va pas contredire !
© photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 27 février 2020, Les Abattoirs, Toulouse.
Viva Gino! Une vie dans l'art.
La collection de Gino Di Maggio s'expose aux Abattoirs
28 février - 30 août 2020. Prolongation jusqu'au 15 novembre 2020
Les Abattoirs, Musée - Frac Occitanie Toulouse
Pas de catalogue. Dommage
© photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 27 février 2020, Les Abattoirs, Toulouse.
Takesada Matsutani. Estampes, 1967-1977. Collections de l'Institut national d'histoire de l'art. Du 28 février au 31 mai 2020. Prolongation jusqu'au 20 septembre 2020.
Né en 1937 à Osaka, Takesada Matsutani (il participa au mouvement Gutai de 1963 à 1972) vit et travaille à Paris depuis 1966. Suite à sa donation d’estampes, d'un portfolio et trois livres d'artiste à l’Institut national d’histoire de l’art, Paris, l’exposition présente ses premiers travaux au sein du mythique atelier de gravures dirigé par Stanley William Hayter, l’Atelier 17 (1967), sa réflexion autour de la représentation de l’espace dans les deux dimensions de l’estampe (1968-1969), l’exploration de la sérigraphie et des aplats de couleurs comparables au Hard Edge (1969-1971), la réinterprétation par la photo-sérigraphie d’œuvres antérieures en trois dimensions réalisées à la colle vinylique (1973-1977).
Laure Prouvost, Vois ce bleu profond te fondre / Deep See Blue Surrounding You. Du 23 janvier au 31 mai 2020. Prolongation jusqu'au 20 septembre 2020.
Les Abattoirs accueillent la première étape de l’exposition Laure Prouvost au Pavillon français, lors de la 58ème biennale d'art de Venise. La dilution de cette exposition dans des salles trop grandes et trop hautes ne dynamise pas cette présentation que l’on découvrait en mai 2019 à Venise dans le noir de trois salles. Reste cependant le film autour d'une errance poétique et musicale, de Paris à Venise. http://www.lecurieuxdesarts.fr/2019/05/la-biennale-de-l-art-de-venise-a-un-tournant-que-vuol-dire-ancora-la-biennale-di-venezia-58eme-exposition-internationale-d-art.html
Ben © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 27 février 2020, Les Abattoirs, Toulouse.