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Publié par Marie-Christine Sentenac

L’espace réservé aux arts graphiques, rotonde Sully au Louvre, présente les dessins italiens de la collection Mariette et ceux de Antoine-Jean Gros issus du fonds du musée.

Giuseppe Cesari dit le Cavalier d’Arpin (1568 - 1640), Homme drapé, vu de dos, s’appuyant sur son bras droit. Sanguine, Paris, musée du Louvre © Musée du Louvre, dist. RMN - Grand Palais / Suzanne Nagy.

En 2011 y étaient montrés les dessins français de la collection Mariette dont Pierre Rosenberg, membre de l’Académie française, Président directeur honoraire du musée avait publié en deux volumes le catalogue raisonné (4 500 numéros, 3 000 photos). Vient de sortir, prétexte à cette exposition le catalogue raisonné des dessins italiens et espagnols (4 volumes sous coffret toilé, 1 528 pages, 3 000 illustrations, 9 kg !).  Suivront les dessins nordiques en 2021.

Raffaello Santi dit Raphaël (1483 - 1520), Tête d’Ange vue de profil et tournée vers la droite. Pierre noire et rehauts de fusain, sur papier gris-beige ; piqué pour transfert, Paris, musée du Louvre © Musée du Louvre, dist. RMN - Grand Palais / Suzanne Nagy.

Parmi les 2 400 feuilles de l’école italienne on en compte 40 de Michel-Ange, 30 de Raphaël et 63 sont attribuées à Léonard de Vinci. Une centaine est exposée, dans des cadres anciens qui font ressortir le montage Mariette.

Le plus grand collectionneur du XVIII avoue sa faiblesse pour les Italiens dans une lettre de 1769. "On compte les curieux qui, comme moi, donnent la préférence aux ouvrages des maîtres italiens [… ]. Cela ne m’empêche pas de suivre mon goût, aussi n’est-ce point une exagération de vous dire que ma collection, formée dans cet esprit-là, est peut-être la plus complète et la mieux choisie en Europe. "

Né dans une famille renommée d’éditeurs et marchands d’estampes, dont on peut encore voir la boutique rue Saint Jacques à l’actuel 47, maison du XVIII à l’enseigne de Cabinet de curiosités  ex  Aux colonnes d’Hercule,  Pierre Jean Mariette (1694-1774) apprend à graver et dessiner dans son enfance. Son père l’envoie à Vienne, en 1717, classer la collection d’estampes du Prince Eugène, visible aujourd’hui à l’Albertina. Sa tâche accomplie il poursuit son voyage en Italie de décembre 1718 à juin 1719. Il y noue des liens professionnels et amicaux avec de nombreux marchands et collectionneurs avec lesquels il entretiendra une correspondance suivie tout au long de sa vie. Ses talents d’épistolier sont remarquables et les lettres à son père pendant son voyage donnent l’image d’un jeune homme affectueusement respectueux qui fait le récit des ses expériences et s’émancipe au fil du temps, osant peu à peu exprimer ses goûts.

Il achète les premières des 9 600 feuilles de sa mythique collection, dispersée à sa mort par sa famille. Elle en a fait rêver plus d’un, dont Louis XVI, qui aurait dû en bénéficier si la famille de Mariette avait respecté la volonté du défunt au lieu de tenter d’en tirer un meilleur profit en vente publique du 15 novembre 1775 au 23 janvier 1776. Le roi acquiert malgré tout un millier d’œuvres par l’intermédiaire d’hommes de paille (bien vite démasqués), s’affrontant entre autres au prince de Conti parmi les nombreux enchérisseurs célèbres. Le Louvre conserve la part plus importante de ce corpus éparpillé que l’on tente de recomposer.

Il n’était pas " boulimique " comme Pierre Crozat (1665-1740). Son ambition était plutôt de raconter l’histoire du dessin depuis les origines. Révolutionnaire pour son époque, Giotto et les primitifs l’intéressent bien que Raphaël soit alors la référence ultime des érudits. Il met à profit la devise familiale "Haec meta laborum / Tel est mon labeur " pour constituer un ensemble cohérent exceptionnel.

Bartolomeo Passarotti (1529 - 1592), anciennement attribué à Michelangelo Buonarroti dit Michel-Ange, Étude d’une main en dessinant une autre. Plume et encre brune, Paris, Musée du Louvre © Musée du Louvre, dist. RMN - Grand Palais / Suzanne Nagy.

Le parcours muséal est rythmé par ses échanges avec son père et les étapes de son voyage de Venise à Rome et Naples en passant par Bologne et la Lombardie. Il découvre tous les artistes inconnus en France qui entreront dans sa collection. Il se passionne pour les Carrache, Solimena "qui est à ce que je crois le premier peintre du siècle" et tous les talents célébrés par Vasari : Véronèse, Raphaël, Michel-Ange, Le Cavalier D’Arpin…" que des chefs- d’œuvres " comme le soulignent les commissaires de l’exposition qui mettent l’accent sur le talent particulier de Mariette : œil acéré, indispensable au collectionneur, allié à une grande érudition pédagogique, ce qui est nettement plus rare. Il s’intéresse moins à ses contemporains et, en acheteur avisé, est attentif à sa bourse, ne voulant pas payer un Tiepolo au prix fort, il n’en possède qu’un dessin d’atelier. Critique d’art, il est le premier à donner des détails sur les artistes et leurs biographies dans ses catalogues dont celui de la très célèbre vente Crozat en 1741. Pierre François Bazan (1723-1797) s’en inspirera pour la vente Mariette.

La dernière salle explique les trésors cachés du montage Mariette, reconnaissable au premier coup d’œil. Papier bleu, jeu des filets ombrés qui accentuent la perspective, bandeau d’or à la feuille d’une exceptionnelle qualité, à l’aspect mat, qui met en lumière le dessin. Cartouche, toujours différent, portant le nom de l’artiste, adapté au style du dessin, marque apposée au bas de la feuille sur l’agrandissement.

Paolo Caliari dit Véronèse (1528 - 1588), Tête de jeune noir tournée vers la droite. Pierre noire, sanguine et craie blanche, Paris, Musée du Louvre © Musée du Louvre, dist. RMN - Grand Palais / Suzanne Nagy.

Dans le seul but de donner une meilleure lecture des œuvres, il n’hésite pas à se livrer à des " arrangements " que nous jugerions sacrilèges: il complète, retouche, agrandit, divise, rajoute, colle plusieurs feuilles, annote au centre d’un dessin pour l’expliquer, On peut admirer un Salviati déjà retouché par Rubens Le péché originel et Adam et Ève chassés du paradis : étude pour une lunette. Cette pratique n’était donc pas inhabituelle. A son crédit on peut souligner qu’il n’intervient que sur les rajouts de papier (contrairement à Rubens) laissant l’original intact. Spécialiste, sinon inventeur du "démariages" ou comment d’un dessin en faire deux (!), il coupe dans l’épaisseur et sépare le recto du verso. À déconseiller absolument même aux initiés, la technique n’étant pas sans risque !

A noter: dans les espaces du Cabinet de dessins et estampes, une salle de médiation permet de se familiariser avec les techniques des arts graphiques. On appelle Mariettes les meubles dans lesquels sont rangés les dessins. A l’époque on n’accrochait aux murs que les très grands formats, les feuilles étant préservées dans des classeurs pour lesquels on fabrique ces meubles de classement.

 

Antoine-Jean Gros 

Antoine-Jean Gros (1771 - 1835), Alexandre et Bucéphale. Plume et encre brune, lavis brun, H. 198 ; L. 288 mm, Paris, Musée du Louvre © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado.

Dans d'autres salles sont exposés les dessins  de la période italienne de Antoine-Jean Gros (1771-1835), pour la sortie de l’Inventaire général de ses dessins, 438 au sein de quatre carnets retrouvés sur 24 et dix sept feuilles libres.

Fils d’un peintre en miniatures et d’une mère pastelliste, il portraiture Madame Vigée Le Brun, amie de la famille, alors qu’il n’a que sept ans. Élève de David, il n’obtient que le second prix de Rome en 1792, mais se rend en Italie en 1793. Ses sympathies pour la royauté le poussent sans doute à s’éloigner de la France. Son exil italien durera 8 ans. Son maître lui obtient un passeport : Avignon, Marseille, Sète et un bateau pour Gênes qu’il déteste.

Antoine-Jean Gros (1771 - 1835), Ménélas soutenant le corps de Patrocle mort. Pierre noire, fusain, lavis gris, Paris, Musée du Louvre © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle.

Il y entame cependant une belle carrière de portraitiste qui l’amène à rencontrer Joséphine de Beauharnais, puis Bonaparte à Milan en 1796 comme il le raconte  en détail dans la centaine de missives (conservées au Louvre) que reçoit sa mère. On y perçoit déjà un être tourmenté. Après une période difficile, son Bonaparte sur le pont d’Arcole lui ouvre les portes de la célébrité. Le général aime tellement ce tableau qu’il en commande une gravure. Il devient le peintre attitré du consulat, célèbre Bonaparte dans ses campagnes, en Égypte, à Eylau, jusqu’à la défaite de Russie, participe à la vague orientaliste puis devient le protégé des Bourbons.

De ses années d’apprentissage, amitié teintée de rivalité avec Isabey, Gérard et Girodet (sont présentés des carnets de Girodet qui montrent à quel point leur travail est si semblable que l’on peut se demander s’ils ne les ont pas échangés) à son tragique suicide - il se jette dans la Seine, désespéré par le manque d'enthousiasme suscité par ses récents travaux-, on suit les changements de style qui accompagnent les bouleversements de l’histoire. On découvre le trait fort et rapide de ses esquisses moins connues que ses peintures, sa passion pour l’Orient et ses costumes et ses dons de coloriste. S’éloignant du classicisme hérité de David, le " maître des scènes de bataille " est le précurseur du romantisme, admiré par Géricault et Delacroix qui réhabilitera son œuvre après sa mort.

Antoine-Jean Gros (1771 - 1835), La Mort de Timophane. Plume et encre brune, lavis brun, gris et noir, pierre noire, rehauts de blanc, papier beige, H. 444 mm ; L. 577 mm, Paris, Musée du Louvre © RMNGrand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado

Marie-Christine Sentenac

Dessins italiens de la collection Mariette

27 juin – 30 septembre 2019

Rotonde Sully sud - Le Louvre - Paris 

Antoine-Jean Gros (1771-1835) Dessins du Louvre

27 juin – 30 septembre 2019

Rotonde Sully nord - Le Louvre - Paris

Commissariat Laura Angelucci, ingénieur d’études, chargée de recherche au département des Arts graphiques, musée du Louvre

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