Giovanni Boldini, le pyrotechnique peintre de la femme. Pirotecnico Giovanni Boldini.
Gilles Kraemer
déplacement et séjour à titre personnel à Ferrare
Giovanni Boldini, Femme en rose (Olivia Concha de Fontecilla), 1916. Huile sur toile. 163 x 113 cm.. Ferrare, Museo Giovanni Boldini.. Remerciements service presse.
Pittore della donna moderna et des plus exubérantes élégantes parisiennes. Ainsi, en 1919, la revue de mode Femina, évoquait Giovanni Boldini (Ferrare 1842 - 1931 Paris), le plus français des peintres italiens. Le magazine Vogue, quelques mois après sa mort, le qualifiait de peintre de l'élégance, pittore dell'eleganza. Plus proche, Cecil Beaton disait de lui qu'il sut transmettre d'une façon fulgurante la sensation que les femmes savaient susciter lorsqu'il les saisissait dans leurs instants les meilleurs. Giovanni sapeva riprodurre folgorante la sensazione che le donne sentivano di suscitare quando'erano viste nei loro momenti miglori. Dommage qu'il n'ait pas connu Charles Baudelaire qui l'aurait, sans aucun doute, compté parmi les peintres de la vie moderne, à l'égal d'un Manet.
Boldini fut un des yeux impitoyables d'un monde qui allait disparaître à l'été 1914, à l'égal de Paul-César Helleu ou Jacques-Émile Blanche, représentés dans cette exposition.
Viendra-t-elle à Paris, ceci serait un souhait ?
Pieds effilés, mains allongées, grand collier de perles, pose alanguie, semi-renversée, serpentine ou acrobatique, assise, debout, maniérée, mutine, se mouvant entre sensualité, élégance, dynamisme, la femme devient fascinante, fatale, émancipée sous le pinceau caressant, avec une charge érotique, charnelle et virtuose, de Giovanni recevant les "divines" dans son atelier du boulevard Berthier.
Attention à la jalousie du mari ! Barbara Guidi relève dans le catalogue qu'en 1911 le prince Georges-Valentin Bibesco refusa la toile de son épouse Marthe Lucile car il la jugeait inconvenante alors que celle-ci était prête à offrir son collier d'émeraudes et toutes les perles du monde.
Giovanni Boldini, James Abbott McNeill Whistler, 1897. Huile sur toile. 170,8 x 94,6 cm.. New York, Brooklyn Museum // Giovanni Boldini, Le comte Robert de Montesquiou-Fézensac, 1897. Huile sur toile. 115,5 x 82,5 cm.. Musée d'Orsay, Paris // Jacques-Émile Blanche, Aubrey Beordsley, 1895. Huile sur toile. 92,6 x 73,7 cm.. Londres, National Portrait Gallery © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2019.
Habillées par les grands couturiers, Worth, Paquin, les sœurs Callot, Jeanne Lanvin, Jacques Doucet, en chapeau - accessoire fondamental de la garde-robe, La Divina en bleue, vers 1905, et La marquise Luisa Casati avec un lévrier, 1908, l'illustrent parfaitement -, en amazone, tenue de ville, d'après-midi, de soirée, de bal, ces professionnelles de beauté, professionniste della bellezza, comme les surnomma le comte Robert de Montesquiou, le Charlus de Proust, se découvrent et se dévêtent décemment dans l'écrin si bien nommé du Palazzo dei Diamanti, Palais des Diamants. Montesquiou qu'il avait peint en 1897 dans une harmonie de gris - exposé ici à côté de Whistler (1897) tout en noir -, lui consacrera l'article Les Peintres de la Femme Boldini dans la revue de luxe Les Modes, en janvier 1901 dont la couverture en couleurs reproduisait Madame R.L.. "Parisianisme, modernité, ce sont les deux mots que le maître de Ferrare a écrit sur chaque feuille de son arbre de science et de grâce".
Jeu de reflets entre Giovanni Boldini, Portrait de Madame Charles Max, 1896. Huile sur toile. 205 x 100 cm.. Musée d'Orsay et John Galliano pour Christian Dior, Haute-couture automne-hiver 2005 © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2019.
Vue de l'exposition. Giovanni Boldini, Feu d'artifice, 1892-1895. Huile sur toile. 200 x 99,5 cm.. Ferrare, Museo Giovanni Boldini // Au premier plan, robe de bal en soie, vers 1895 © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2019.
Cette exposition, réunissant 120 peintures, dessins et estampes de Boldini et de ses contemporains, des habits dont les chaussures rouge de la comtesse Henry Greffhuhle - Oriane, duchesse Basin de Guermantes chez Marcel Proust -, raconte pour la première fois les rapports entretenus entre Boldini et la haute-couture parisienne. Quarante années de fascination autour de "la parisienne", de la mode, époque restée dans le souvenir des créateurs et des artistes. Une des robes de la collection Dior haute-couture automne-hiver 2005 de John Galliano entre en dialogue avec Madame Charles Max (1896). Boldini était à l'écoute des "fashionables" et de leurs fournisseurs, comme un prescripteur du glamour. Un dialogue triangulaire. Organisée d'une façon thématique et chronologique, l'exposition commence en noir. Le noir, la couleur de la distinction, de l'élégance et du raffinement aussi bien pour la femme que pour l'homme, dans un monde de la retenue, du mystère, de la modernité, convoquant Baudelaire, Degas, Manet, Seurat, de Nittis - Le retour de la promenade de la belle aux yeux dissimulés par une voilette -, Sargent - portrait de Paul-César Helleu -.
Giovanni Boldini, Lino Bilitis avec deux pékinois, 1913. Huile sur toile. 220 x 116 cm.. Collection particulière. Remerciements service de presse.
Très people, face à ce paraître, ce fashion, Boldini sut bâtir sa carrière autour du milieu parisien et international fréquentant la ville lumière. Quel moyen le plus approprié de lui ouvrir les portes du monde et des salons, dans un temps où l'instantanéité d'Instagram ou du twitt n'existait pas, que le portrait en amazone ou en déshabillé de l'actrice de théâtre Alice Regnault ou celui de la demi-mondaine Cléo de Mérode. Face à ses modèles, c'était lui le décideur. Eulalia d'Espagne (1898), à la figure bien triste, dans sa pose si hiératique et convenue, sera contrainte toute princesse qu'elle fut, d’abandonner le vêtement noir de Doucet qu'elle s'était choisi pour porter une robe blanche en crêpe de chine de Madame Nicaud.
Giovanni Boldini, étude pour La duchesse de Marlborough, circa 1906. Crayon sur papier. 149 x 118 mm.. Ferrare, Museo Giovanni Boldini © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2019.
Vue de l'exposition. Giovanni Boldini, Consuelo Vanderbilt, duchesse de Marlborough, avec son fils Lord Ivo Spencer-Churchill, 1906. Huile sur toile. 221,6 x 170,2. Metropolitan Museum of Art, New York © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2019.
Manifestement fasciné par Gladys Deacon (1916), Boldini prolongea les séances de pose sur le motif bien compréhensible de reprendre par trois fois, pendant un long mois, le visage de la captivante américaine - elle aussi un modèle proustien -, maîtresse puis seconde épouse en 1921 de Charles Spencer-Churchill, 9ème duc de Marlborough. Celui-ci s'en plaignit dans une lettre à Gladys "quel porco di B. adora la tua compagnia a tal punto da cancellare per la terza volta il tuo viso". Le volage Charles avait oublié sa première femme, la très fortunée étasunienne Consuelo Vanderbildt, à la tête fine comme une épingle, épousée en 1895 à New York dont Boldini avait exécuté son merveilleux portrait, l'année où le couple se sépare pour mésentente. Est-ce cette tension dans le ménage que Giovanni a souhaité instiller dans ce lien de proximité, cette intimité palpable entre Consuelo délaissée et trompée mais tenant son rang et son second fils Ivor serré contre elle ? Ce tableau, avant qu'il ne fut offert par le modèle au MET en 1946, plut aux commanditaires; le souhaitant de suite, Boldini ne put le présenter au Salon de 1906.
Giovanni Boldini, La marquise Luisa Casati avec des plumes de paon, 1911-1913. Huile sur toile. 130 x 176 cm.. Rome, Gallerie Nazionale d'Arte Moderna e Contemporanea. Remerciements service de presse.
De ces quelques personnalités hors du commun sous le pinceau "pyrotechnique" de Giovanni, Gabriele d'Annunzio leur faisait dire "je suis un animal de luxe, le superflu m'est nécessaire comme respirer" "io sono un animale di lusso, il superfluo m'è necessario come il respiro".
ringraziamenti al Ufficio stampa Studio Essecci
Boldini e la moda / Boldini et la mode
16 février - 2 juin 2019
Palazzo dei Diamanti - Corso Ercole I d'Este - Ferrare - Italie
Commissariat de Barbara Guidi assistée de Virginia Hill
www.palazzodiamanti.it/ #Boldinielamoda
Catalogue. 288 pages. Fondazione Ferrara Arte Editore. Manquent une fiche de la biographie de l'artiste et une courte bibliographie. Quand à ses dates de vie, il ne me semble pas les avoir lues dans le catalogue.
Grand succès pour cette exposition. 54 673 visiteurs pour 107 jours d'ouverture, une moyenne quotidienne de 791 billets. Cette exposition a coûté 1 292 654 €.
Palazzo dei Diamanti (1493-1503), Ferrare © photo Le Curieux des arts Gilles Kraemer, 2019.