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Publié par Gilles Kraemer

Gilles Kraemer

place achetée, orchestre

lundi 10 décembre 2018

 

Toujours le doute d'entendre un opéra en version concert après l'avoir vu dans la mise en scène très vite oubliée de Jean Bellorini, à Lille, il y a deux mois. Je titrai Une royale Rodelinda. Je retitre Triomphe royal pour tous pour cette version concertante.  

 

Emmanuelle Haïm © photographie  Marianne Rosenstiehl

Une légère appréhension au TCE ce soir là. Elle s'envola de suite, dès l'ouverture, aux sonorités fines, en lenteur et en ampleur de Le Concert d'Astrée sous la direction lumineuse d'Emmanuelle Haïm. Cet orchestre, qu'elle fonda il y a 18 ans, est en résidence à Lille depuis 2004. Heureux public lillois, connaisseur, n'applaudissent jamais pendant la représentation, seulement à la fin de l'acte. Ceci déstabilise si l'on ne connaît cette convention nordique. L'on s'y fait très rapidement. Finalement n'est-ce pas lui qui a raison pour le plus grand plaisir d'écouter dans sa continuité.

www.lecurieuxdesarts.fr/2018/10/une-royale-rodelinda-a-l-opera-de-lille.html

 

 

Jeanine De Bique © photographie Gilles Kraemer, 4 octobre 2018, opéra de Lille.

Ce lundi, Emmanuelle n'était pas sur ses terres mais au TCE pour  Rodelinda de Georg Friedrich Haendel. Et, cette fusion avec Astrée était encore plus palpable, viscérale avec cet orchestre sur la scène. Un simple détail : cet accord parfait entre elle et son premier violoncelle, Félix Knecht, dans ces regards complices échangés . Un autre détail, ce même violoncelliste, souriant tout au long des 2h 50 de cette représentation. Jouer en étant heureux, quel bonheur !

Connivence aussi avec les chanteurs. Le temps du chanteur statique, assis sur sa chaise est depuis longtemps révolu; maintenant, il entre, il sort, il joue. Le méchant, car il faut toujours un traitre dans un opéra réussi, Garidaldo-Andrea Mastroni qui voudrait prendre de force le trône et épouser Eduige-Romina Basso, la sœur du roi Bertarido que l'on croit mort mais qui ne l'est. "Les baroques" sont toujours très compliqués, obligeant à connaître son intrigue sur le bout des doigts. Andrea Mastroni était dans une forme éblouissante, tout en fureur dans son attitude, La voix de basse du "méchant" caricatural laissant transparaître ses sentiments de cruauté. Voix glissante comme la lame d'un couteau, poussant son rôle jusqu'à dialoguer avec Emmanuelle se prêtant à son jeu et jouant avec lui.

© photographie site  jeaninedebique.com

 Jeanine De Bique-Rodelinda, c'est pour elle, l'avouerais-je, que j'avais souhaité venir.  Royale dès le début. Ho perduto il caro sposo d'emblée la plaçait au sommet dans cette voix sortant du plus profond. Elle avait choisi de ne pas s'économiser tout au long de cette représentation dans l'aisance de toutes ses modulations. Toute en retenue dans la douleur la grandissant. Émouvante dans Ombre piante, urne funeste lorsqu'elle se rend sur "la tombe" de son époux. 

 

 Romina Basso, non entendue à Lille, toute en nuance, remarquable comédienne, voix joyeuse. Benjamin Hulett-Grimoaldo, assurance, diction parfaite, modulation, souffrance, les tourments de l'âme et ses interrogations sur sa conduite dans le temps des remords, tout ceci transparaît chez lui dans Fatto inferno è il mio petto.  Paul-Antoine Benos-Djian, non entendue à Lille, est l'ami fidèle et constant du roi présumé mort, timbre percutant et d'une folle aisance.

 

Tim Mead, émouvant en Bertarido comme il le fut à Lille. Sa douleur nous submerge. Que dire de son duo avec la reine, le seul de cet opéra ? Le sommet, le délire, le public du TCE ne s'est pas trompé, les applaudissant longuement. Lorsqu'ils se retrouvent, comment ne pas entendre les larmes du roi, les soupirs de la reine dans le douloureux adieu que l'on souhaiterait éternel : Io t'abbraccio, e piu che morte aspro e forte è pel cor mio questo addio.... Sublime et déchirant.

Nous l'avions entendu cet hiver 218 à Garnier, dans Jephta, où il fut éblouissant. Haendel lui va comme un gant  lecurieuxdesarts.fr/2018/01/it-must-be-so-jephtha-va-droit-au-guth-a-garnier.html

 

au TCE © photographie site leconcertdastree.fr

Tout se termine bien même si Haendel présente son opéra comme una dramma per musica. Dopo la notte oscura più lucido, più chiaro... Après la nuit obscure, le soleil se lève ici bas plus lumineux, plus clair....Unique ensemble vocal puisqu'il n'y a pas de chœur dans cet opéra. Il sera repris en bis par les cinq chanteurs auxquels s'adjoint... bien qu'occis au 3ème acte Garibaldo. Il faut bien que le traite paye de sa félonie même si dans le livret distribué il est écrit qu'il s'enfuit.

 

Rodelinda. Georg Friedrich Haendel

Jeanine de Bique Rodelinda, soprano 
Tim Mead Bertarido, contre-ténor 
Benjamin Hulett Grimoaldo, ténor 
Romina Basso Eduige, mezzo-soprano 
Andrea Mastroni Garibaldo, basse 
Paul-Antoine Bénos-Djian Unulfo, contre ténor

Emmanuelle Haïm direction 
Le Concert d’Astrée

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