Patrizia Ciofi une seule reine au pouvoir. Maria Stuarda au TCE.
Maria Stuarda © photographies remerciements Guillaume Giraudon, TCE, 6 décembre 2018.
Vite, vite trouver une soprano connaissant ce rôle, disponible ce soir. Le miracle survient, comme toujours. Michel Franck, directeur général, pouvait respirer : Patrizia Ciofi qui avait chanté ce rôle en janvier 2016 à Avignon était libre. Un quart d'heure avant la représentation, on l'entendait tester sa voix dans les coulisses. C'est dire la forte tension palpable chez elle, ses regards parfois inclinés vers la partition, cette appréhension ressentie au début de l'acte I, dans des aigus peu flatteurs et des sonorités parfois nasales disparaissant peu à peu, lorsqu'elle fut "abandonnée de tous". L'émotion commençait à nous gagner. Et ne nous quitta plus. Par cette grâce magique qui n'existe que dans les représentations d'opéra, le public parisien du TCE perdit la tête à l'entendre, palpitant avec elle tout au long des 70 minutes de l'acte II. Qui est encore capable de provoquer une telle fusion et attention ? La partition fut, ce jeudi soir, dans sa chair. Tel un petit oiseau blessé, La Ciofi termina la représentation en larmes, bien réelles, des larmes de joie et d'épuisement, des larmes mettant le public à ses pieds. La vérité, l'intensité. Un grand moment. Ce fut elle la grande victorieuse de cette soirée, c'est elle qui sauva cette représentation.
Maria Stuarda © photographie remerciements Guillaume Giraudon, TCE, 6 décembre 2018.
Carmen Giannattasio ne cessa de jouer le fortissimo, un timbre métallique même si sa voix trouva des luminescences dans l'acte II "questa vita a me funesta". A sa décharge, comme pour celle des chanteurs, la direction de Speranza Scappucci était trop forte, rapide, aucune respiration, le sentiment d'assister à une représentation verdienne. Est-ce la souvenance de Traviata entendue, en ce même lieu, le 28 novembre, dans ce diapason 432 Hz réhabilité par Jérémie Rhorer ? www.lecurieuxdesarts.fr/2018/11/vannina-santoni-dans-l-incandescence-des-passions-de-traviata. Est-ce ceci qui me poussa à entendre Verdi chez Enea Scala démarrant haut ses attaques dans l'acte I ? Étrange représentation ! Est-ce ceci qui incita ma voisine à s'enfuir, dépitée, à l'issue de l'acte I. Il est dommage d'avoir attendu l'acte II pour... qu'enfin l'émotion arriva.
Patrizia Ciofi - Speranza Scappucci - Carmen Giannattassio / Maria Stuarda © photographie remerciements Guillaume Giraudon, TCE, 6 décembre 2018.
Encore une histoire de diva, détestée par sa rivale jusqu'à en perdre la tête. Même en musique, le trône ne se partage pas. Dura lex, sed lex.
Gilles Kraemer
place achetée, orchestre
programme non offert
Gaetano Donizetti, Maria Stuarda, livret de Giuseppe Bardari (1835)
opéra en deux actes
Patrizia Ciofi Maria Stuarda
Carmen Giannattasio Elisabetta
Enea Scala Le Comte de Leicester
Nicola Ulivieri Giorgio Talbot
Marc Barrard Lord Guglielmo
Jennifer Michel Anna Kennedy
Speranza Scappucci direction
Orchestre de chambre de Paris
Ensemble Lyrique Champagne-Ardenne direction Sandrine Lebec
Paris, TCE, jeudi 6 décembre 2018.