Alkis Boutlis dans les rêveries de Balzac. Paris. 2018
Alkis Boutlis. Le rêve de Louis Lambert. 2017. Huile sur toile. 50 x 45 cm © cliché Stefanos Tsakiris. Courtesy Suzanne Tarasieve, Paris.
Gilles Kraemer : Yves Gagneux, vous êtes le directeur de cette institution qu'est le musée Balzac, la maison de l'écrivain, sur les coteaux de Passy, où il corrigea les épreuves de La Comédie humaine. Son atmosphère intime ne peut qu'inspirer les artistes. Comment Alkis Boutlis (né en 1978), le thessalonicien, dont vous présentez ici des huiles, des œuvres sur papier et la technique plus rare du cliché-verre, est-il venu à la rencontre de l'écrivain tourangeau ?
Alkis Boutlis. Falthurne. 2017. Huile sur toile. 120 x 105 cm. © cliché Stefanos Tsakiris. Courtesy Suzanne Tarasieve, Paris.
Yves Gagneux : Ce n'est pas une nouveauté de présenter un artiste contemporain en ces lieux. En novembre 2010, avec Louise Bourgeois : Moi, Eugénie Grandet.... nous exposions cette plasticienne française, vivant à New York, qui avait conçu spontanément des œuvres spécifiquement pour ce lieu, autour d'Eugénie Grandet. Au printemps 2015 L'écriture dessinée accueillait Rodin, Duchamp, Christian Dotremont, Alechinsky et Balzac, Picasso et Giacometti. Au printemps et à l'été 2017, un ensemble d’œuvres inspirées de la nouvelle de Balzac Une passion dans le désert réunissait Paul Jouve et des peintures réalisées à Paris, en 1964, de Gilles Aillaud, Eduardo Arroyo et Antonio Recalcati.
J'ai eu l'occasion de rencontrer Alkis Boutlis, lors d'une de ses expositions parisiennes. Grec, vivant et travaillant à Thesallonique, la galeriste Suzanne Tarasieve l'exposait. Voyant ses toiles, je lui ai proposé, quelque temps plus tard, une confrontation avec trois ouvrages peu connus d'Honoré, même inconnus. Séraphîta (1835). Louis Lambert (1832). Et Gambara (1839). L'artiste doit voir au-delà de l'écrit, dans une correspondance entre l'écrivain et lui puisque ces trois ouvrages sont une réflexion de Balzac sur l'art.
Alkis Boutlis. Louis Lambert dans le désert. 2017. Huile sur toile. 30 x 25 cm. © cliché Stefanos Tsakiris. Courtesy Suzanne Tarasieve, Paris.
G. K. : La lecture de Balzac a naturellement influencée la démarche picturale d'Alkis, ces textes porteurs d'une réflexion sur la création ?
Y. G. : Certainement. Il se plait à dire que Balzac fait parti de lui maintenant. Ce qui est fabuleux avec cet écrivain, c'est que la perception de chacun n'est pas la même à l'égard des écrits de l'homme de Saché. Il y a une telle profondeur, une telle richesse incroyable chez lui que son œuvre est une découverte perpétuelle. Que l'on soit employé, financier, artiste, chacun y trouve une réponse à ses interrogations. Et, cette rencontre entre Alkis et Honoré n'est pas terminée.
Alkis Boutlis. Sans titre. 2014. Gouache, grattage sur papier. 38 x 47,5 cm. © cliché Stefanos Tsakiris. Courtesy Suzanne Tarasieve, Paris.
G. K. : Des trois ouvrages proposés, sa vision de Gambara n'est pas visible ici, remplacé par Falthurne (1822-1823) ?
Y. G. : Incroyable ouvrage que cet essai de jeunesse, inachevé, non publié à l'époque du romancier. Il le sera seulement en 1951. Une rareté connue de ... 10 balzaciens. Le pays où se déroule l'action est la Grèce ancienne où vit une femme terrifiante, telle une préfiguration de Séraphitâ.
Ce dernier ouvrage, est tout, sauf réaliste. Ce roman devient un outil sur la spiritualité, la métaphysique. L'auteur y parle beaucoup de paysages nordiques, du Stromfjord, de Norvège pays où il ne s'est jamais rendu, inspirant Alkis, le grec, nourri d'icônes. Les paysages changent en fonction des sentiments de Séraphîta dont Alkis a souhaité montrer la réalité.
Louis Lambert revêt un aspect plus personnel, se rapprochant du jeune Honoré lorsqu'il était collégien à Vendôme. Un jeune surdoué, artiste, dont l'esprit s'évade dans des visions de paysages, d'un futur. Personne ne le comprend sauf son épouse.
Alkis Boutlis devant La mort du poète. 2018. Huile sur toile. 35 x 30 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Paris, maison de Balzac, avril 2018.
G. K. : Quel est ce Balzac dont Alkis Boutlis explore l'écriture ?
Y. G. : Un autre Balzac, nullement l'écrivain des mœurs de Paris et de province. C'est le Balzac d'Alkis. Celui-ci y a perçu le mystique, le visionnaire, l'écrivain qui va au-delà de la réalité, des réalités. Sait-on que le tourangeau écrivit Le Centenaire, publié dans sa jeunesse sous un nom d'emprunt, une histoire de vampire ! Cette exposition reflète la vision d'Alkis sur l'œuvre de Balzac, enfin une des facettes de l'écrivain. Le public va-t-il adhérer à ce Balzac inconnu ?
À travers son œuvre figurative et émouvante, Alkis Boutlis développe ses propres interrogations à l’aide d’éléments de la littérature, de la mythologie ou de l’histoire de l’art qui l’inspirent. Il exprime ses pensées sur divers supports en reprenant les techniques picturales anciennes telles celles de l’art des icônes. Il pratique le dessin, la peinture à l’huile et le cliché-verre, sur des panneaux de bois, des toiles ou du papier à la manière des maîtres anciens, en particulier les peintres allemands du XVIe siècle, qu’il observe, étudie et cite dans son travail. La spécificité de ces œuvres étant toujours de fournir au spectateur des informations à grande échelle ainsi que des détails.
G. K. : Penser, c’est voir ! Alkis Boutlis ne serait-il pas Balzac comme Flaubert était Madame Bovary ?
Gilles Kraemer
Penser, c'est voir ! Alkis Boutlis et Balzac
30 mars - 1er juillet 2018
Maison de Balzac - 47 rue Raynouard, Paris
Commissariat d'Yves Gagneux, directeur de la maison de Balzac. En partenariat avec la galerie Suzanne Tarasieve, Paris.
Rencontre avec l'artiste et Suzanne Tarasieve dimanche 27 mai 2018 à 15h30
Rencontre avec Georges Vigarello dimanche 10 juin 2018 à 15h30. Cf Georges Vigarello et ses livres. lecurieuxdesarts.over-blog.com/2018/04/georges-vigarello-du-kunstkammer-des-livres-d-un-curieux-bibliotheque-de-l-arsenal.html
Catalogue en français et anglais. Préface d'Yves Gagneux. Variations balzaciennes de Serge Legat. Imaginaires croisés de Dominique Gagneux. 76 pages. 28 photographies. 20 €.
Alkis Boutlis. Sans titre. 2014. Gouache, grattage sur papier. 38 x 45,5 cm. © cliché Stefanos Tsakiris. Courtesy Suzanne Tarasieve, Paris.