Une amitié scellée dans le noir. Pierre Soulages et Hans Hartung. Christie's Paris. Et aussi les frères Le Nain
Pierre Soulages, Brou de noix sur papier marouflé sur toile. 100 x 75 cm. 1948. Collection Pierre & Colette Soulages © Le Curieux des arts, mars 2018, Christie's Paris.
Prêts de collections privées dont trois œuvres de la collection personnelle du peintre de l'outre-noir et de son épouse Colette. C'est de cet ensemble qu'est partie cette exposition, comme nous le raconte Pierre Sallon, directeur de la vente du jour Art contemporain chez Christie's Paris. Hans échangea deux de ses pastels de 1947 contre le brou de noir de 1948 de Pierre. Au décès d'Hans, Pierre rachètera dans la collection de celui-ci ce brou. Les voici réunis. Le mur sublime de l'amitié.
À gauche Pierre Soulages. Peinture 186 x 143 cm., 23 décembre 1959. Huile sur toile. 186 x 143 cm. 1959. À droite
Hans Hartung. T 1955-9. Huile sur toile. 162 x 114 cm. 1955. © Le Curieux des arts, mars 2018, Christie's Paris.
Des pièces exceptionnelles, des qualités muséales ou pour des vrais connoisseurs. Le marché n'est jamais éloigné de ce genre d'exposition puisque certaines œuvres peuvent être cédées et que l'exceptionnelle composition de 1955 d'Hans Hartung, T 1955-9 passera en vente à Paris dans quelques semaines. Autour d’une trentaine d’œuvres, l’exposition fait dialoguer des œuvres de différentes périodes des deux artistes, dévoilant leurs singularités, leurs choix esthétiques et au-delà des différences, leurs passions communes, notamment pour l’architecture et surtout la peinture à laquelle ils ont décidé de consacré leur vie. D'un crayon et aquarelle sur papier d'Hans Hartung de 1935 à une toile de Pierre Soulages du 12 juillet 2013. Destins croisés. Quinze ans les séparent et c’est logiquement l’aîné, Hans (Leipzig 1904 - 1989 Antibes), qui remarque le premier l’œuvre du jeune Pierre (Rodez, 1919).
Hans Hartung, T 1955-9. Huile sur toile, 1955. 162 x 114 cm. © ADAGP, Paris 2018. Courtesy service presse Christie's Paris.
Nous sommes en 1947, Soulages participe pour la première fois au Salon des Surindépendants et c’est là que le repère Hartung accompagné de Francis Picabia. "J’ai souvent raconté que lors de ma première participation au Salon des Surindépendants, en 1947, Picabia et Hartung ont remarqué mes toiles. Ils en parlaient publiquement. Lorsque quelques jours plus tard, je fus présenté à Picabia dans un vernissage, il me dit : "Vous êtes si jeune ! Du coup, je ne peux que répéter à votre égard ce que Pissarro m’a dit lors de notre première rencontre : Jeune homme, si vous faites une telle peinture, vous allez avoir beaucoup d’ennuis"" se remémore avec humour Soulages. Hartung trouve en lui une même exigence, un même désir de ne se consacrer qu’à sa peinture, toute entière, indépendamment des courants majoritaires de l’époque que sont le Surréalisme et l’abstraction géométrique. Les deux hommes ont également en commun de se sentir comme des étrangers à Paris, Hartung l’allemand qui vient de se battre pour la France dans la légion étrangère - l'exposition Hans Hartung, peintre et légionnaire, en 16 avril- août 2016 au musée de la Légion étrangère d'Aubagne évoqua ceci - et Soulages venu de son Rouergue natal.
Surtout, tous deux rencontrent, à partir du milieu des années 1960 et au cours des années 1970, l’enjeu de taille qui est de faire face à l’explosion du Pop Art et du courant Minimal et conceptuel qui naissent en réaction à la peinture abstraite dite « gestuelle ». Ils réagissent et puisent dans cette confrontation un nouveau souffle, Soulages à travers son fameux "Outrenoir" à partir de 1979, Hartung en retrouvant une liberté par la couleur et l’acrylique avec ses célèbres "pluies" des années 1980.
Gilles Kraemer
Soulages \\ Hartung. Destins croisés
26 mars - 30 mars 2018
Christie’s : 9 avenue Matignon – 75008 – Paris
À gauche Pierre Soulages. Peinture 21 septembre 1967. Huile sur toile. 202 x 143 cm. 1967. À droite Hans Hartung. T 1963-H40. Huile sur toile. 180 x 111 cm. 1963 © Le Curieux des arts, mars 2018, Christie's Paris.