Dessiner d'après les maîtres ou... copier pour coller au génie. Cabinet des dessins Jean Bonna. Beaux-Arts de Paris.
Bénigne Gagneraux (Dijon 1756-1795 Florence), Dieu maudissant Caïn après le meurtre d’Abel. Plume, encre brune, lavis brun et rehauts de gouache blanche sur esquisse à la pierre noire sur papier lavé d’ocre. 57 x 442 mm. Provenance : Mathias Polakovits.
Aux Beaux-Arts de Paris le Cabinet de dessins Jean Bonna propose une remarquable exposition de dessins anciens. Dans ce "temple", crée en 2005, sont préservées 25 000 feuilles environ, de la Renaissance à nos jours, des écoles française, italienne et nordique, sous le regard attentif d’Emmanuelle Brugerolles, conservateur général du patrimoine en poste depuis 2010. La collection des Beaux-Arts, deuxième après celle du Louvre, a bénéficié de nombreux legs dont ceux d'Horace Hills de la Salle, Édouard Gatteaux, Jean Masson et Mathias Polakovits qui se sont ajoutés aux dons des professeurs, élèves et amateurs au fil des ans.
© Photographie Marie-Christine Sentenac, mars 2018, Cabinet des dessins Jean Bonna / Beaux-Arts de Paris.
Trente-trois nus, sujets religieux ou mythologiques; sanguine, pierre noire, encre brune, lavis, copies, études ou réinterprétations d’artistes de différentes générations, de Poussin, Boucher, Fragonard à Géricault et Carpeaux, nés de chefs d’œuvres, sont autant de chefs d’œuvres !
© Photographie Marie-Christine Sentenac, mars 2018, Cabinet des dessins Jean Bonna / Beaux-Arts de Paris.
Dès sa création en 1648 l’Académie royale de peinture et sculpture, abolie par la Convention en 1793 à l’instigation de David, devenue Académie des beaux arts de Paris en 1816, a incité les étudiants à s’instruire en contemplant leurs aînés ou … leurs contemporains.
Ainsi, à la suite de Poussin (1594-1665) qui avait longuement regardé le travail de Raphaël (1483-1520), Eustache Le Sueur (1616-1655) surnommé par ses contemporains le "Raphaël de la France" met à profit les leçons des deux précédents avec Étude de Jeune homme tenant derrière son dos un rouleau déployé.
Charles-André, dit Carle Van Loo (1705-1765) se réfère à Carrache (1560-1609) pour son Étude d’homme assis, presque de face, les bras croisés sur la tête. Bénigne Gagneraux (1756-1795) révèle sa proximité avec la Renaissance italienne, Raphaël et Michel-Ange, dans une spectaculaire vue de Dieu maudissant Caïn après le meurtre d’Abel.
Pierre-Charles Trémolières (Cholet 1703-1739 Paris) Nymphe surprise par des satyres ou Vénus surprise par des satyres. Sanguine. 275 x 42 mm.. Annotation de l'artiste en bas à gauche : Poussin inv.. Provenance : Horace His de la Salle (1795-1878).
Quand à Pierre-Charles Trémolières, il livre une brillante interprétation à la sanguine du tableau de Poussin Nymphe surprise par des satyres.
Jean-Honoré Fragonard (1756-1761) découragé lors de son premier voyage en Italie (1756) par la fréquentation des grands maîtres : il "désespéra de pouvoir jamais atteindre à leur perfection et ne chercha pas même à les imiter" dixit Vivant Denon, surmonte cette crise grâce à Charles-Joseph Natoire, alors directeur de l’Académie de France à Rome, qui l’encourage à se frotter aux anciens : Études de figures d’après La Chasse de Diane du Dominiquin. En peine maturité de retour de son second séjour en Italie, Fragonard qui copie surtout lors de ses voyages, de passage à Dresde en 1774, réalise d’après Rembrandt (1606 ou 1607-1669) dont il collectionne les œuvres un spectaculaire Enlèvement de Ganymède, plume, encre noire et lavis d’encre de chine.
Jean-Baptiste Carpeaux (Valenciennes 1827 - 1875 Courbevoie), Étude d’après La Course de chevaux libres à Rome de Théodore Géricault (1791-1842). Plume, encre brune, aquarelle et gouache blanche sur papier bleu. 187 x 295 mm..
L’étude de Carpeaux d’après La Course de chevaux libres à Rome de Théodore Géricault (1791-1842) raconte la proximité de ces deux artistes animés par la passion du cheval et leur profond attachement à l’œuvre de Michel Ange qu’ils ont été les premiers à copier. L’admiration de Carpeaux(1827-1875) pour Delacroix (1798-1863) est telle que non content de s’en inspirer, L’entrée des croisés à Constantinople, il acquiert un carnet de poche et quatre vingt dessins du peintre.
Le voyage en Italie a permis à la plupart de ces créateurs de perfectionner leur art en le confrontant à celui des générations précédentes. "Pour comprendre il faut refaire" dixit Jim Dine.
© Photographie Marie-Christine Sentenac, mars 2018, Beaux-Arts de Paris.
Pour accéder gratuitement à ces merveilles, depuis la rue Bonaparte il faut traverser la Cour des Études et à l’intérieur du bâtiment, la Cour Vitrée conçue par Duban dans le style "éclectique" cher au XIX ème siècle, mélange de références au passé et de modernité.
Gérard Garouste (né en 1945) a pris possession, jusqu’au 15 avril 2018, de ce lieu magnifique restauré en 2007 avec Zeugma le grand œuvre drolatique, réunissant pour la première fois quatre pièces réalisées entre 1987 et 2003. Il s'agit de Les Indiennes (1987), sa lecture de La Divine Comédie de Dante, La Dive Bacbuc (1998), décryptage du Cinquième Livre de Rabelais, Ellipse (2001), son approche des textes bibliques et Les Saintes Ellipses créées pour la chapelle Saint Louis de l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière lors du festival d’Automne à Paris de 2003.
© Photographie Marie-Christine Sentenac, mars 2018, Beaux-Arts de Paris.
Marie-Christine Sentenac
Dessiner d’après les maîtres : Poussin, Fragonard, Géricault…
30 janvier - 13 avril 2018
Cabinet des dessins Jean Bonna / Beaux-Arts de Paris
Commissariat : Emmanuelle Brugerolles
Catalogue. Textes d’Emmanuelle Brugerolles et Olivier Bonfait, Beaux-Arts de Paris éditions - Carnets d'études n°42. Prix : 25 €.
Internet https://www.beauxartsparis.fr/fr/