Le bouleversant Dialogues des Carmélites d'Olivier Py au Théâtre des Champs-Élysées. Il convolgente Dialogi delle Carmelitane di Olivier Py.
Acte III, 3ème tableau © Vincent Pontet.
1957, création du Marteau sans maître de Pierre Boulez, Michel Butor publie La Modification. 26 janvier 1957, création des Dialogues des carmélites, dans une version italienne à la Scala. Cet "opéra sans intrigue amoureuse", comme se plaisait à le souligner son compositeur et librettiste Francis Poulenc, composé dans des moments douloureux, sera créé dans sa version française à Garnier en juin 1957.
Acte I, 4ème tableau © Vincent Pontet
Acte II, 1er tableau © Vincent Pontet
Il existe des instants qui côtoient le miraculeux. Il faut les saisir, les sentir, s'en imprégner, jusqu'au syndrome de Stendhal. Cette première des Dialogues au TCE en fut un, un de ces rares moments incisés comme le fut la création mondiale du IIIème acte achevé de Lulu ou la première de Saint-François d'Assise dans un palais Garnier abandonné de ses spectateurs au fur et à mesure des actes. Un temps de rare bonheur ce mercredi, dans cette communion physique, mentale, spirituelle, quasi religieuse de toute la salle, le silence de recueillement palpable "face à ce transfert de la grâce" comme le dit le compositeur "entre la première Prieure et Blanche, l'héroïne". Jusqu'à l'acmé du Salve Regina mater misericordiæ et le bruit sourd de la lame tombant sur la nuque des seize carmélites et l'In sæculorum incandescent de Patricia Petibon à la voix d'ange se tournant vers les étoiles, sous les yeux de Mère Marie de l'Incarnation-Sophie Koch. Rideau.
Tonnerre d'applaudissements sur cette quadrature du cercle entre direction musicale de Jérémie Rhorer, plateau vocal, mise en scène d'Olivier Py, qui renaît, aussi prégnante que lorsque ces Dialogues furent créés dans cette même scénographie en décembre 2013, dans ce même lieu. Cet ineffable moment permettant au miracle de se reproduire, le TCE l'a vécu. Pari tenu que cette reprise.
Olivier Py, interrogateur insatiable de la religion, sublime ces Dialogues en une exceptionnelle vision à laquelle contribuent les décors de Pierre-André Weitz et les lumières de Bertrand Killy. De hauts murs de bois, où la lumière passe à travers les interstices lors des tableaux du parloir du Carmel de Compiègne dans la scène entre Blanche et la Prieure madame de Croissy, de la cellule de la Conciergerie lorsque les sœurs apprennent leur condamnation, deux moments de l'acte I et III encadrant cette longue interrogation sur la foi, son mystère, la peur, le doute, la fuite, la mort, le salut, le dépassement de soi.
Les murs coulissants dont le déplacement forme une immense croix s'ouvrant sur le lointain, des lumières Philippe de Champaigne lorsque la Prieure est dans sa cellule, un placement rappelant des prédelles de la pré-Renaissance italienne lors de la reconstitution de la Madone à l'enfant ou de la mise en Croix, des images se détachant en contre-jour.
Acte II, 4ème tableau © Vincent Pontet
Des impressions fortes. Parmi lesquelles se détache indiscutablement - mais tous les tableaux de cet opéra sont si forts - la mort de la Prieure-Anne Sofie von Otter s'éteignant dans un souffle -, sa chambre accrochée au mur, comme si nous étions le Saveur regardant et ressentant son agonie d'un haut.
Acte III, 2ème tableau © Vincent Pontet
Gilles Kraemer, orchestre, place achetée
mercredi 7 février 2018. 1ère représentation
© Le Curieux des arts Gilles Kraemer, TCE, 7 février 2018
Dialogues des Carmélites Francis Poulenc
Du 7 au 16 février 2018 - Théâtre des Champs-Elysées
Opéra en trois actes et 12 tableaux (1957). Texte de la pièce de Georges Bernanos avec l’autorisation de Emmet Lavery d’après une nouvelle de Gertrude Von Le Fort et un scénario du R.P. Brückberger et de Philippe Agostini. Création à La Scala le 26 janvier 1957 dans une version italienne. Première de la version française à l’Opéra de Paris -Garnier le 21 juin 1957 (avec Denise Duval et Régine Crespin).
Jérémie Rhorer direction
Olivier Py mise en scène (date de la création 2013)
Pierre-André Weitz scénographie et costumes & Bertrand Killy lumières
Patricia Petibon, soprano, Blanche de la Force
Sophie Koch, mezzo-soprano, Mère Marie de l’Incarnation,
Véronique Gens, soprano, Madame Lidoine
Sabine Devieilhe, soprano, Sœur Constance de Saint Denis
Anne Sofie von Otter, mezzo-soprano Madame de Croissy
Stanislas de Barbeyrac, ténor, Le Chevalier de la Force
Nicolas Cavallier, baryton-basse, Le Marquis de la Force
Sarah Jouffroy, mezzo-soprano Mère Jeanne de l’Enfant Jésus
Lucie Roche, mezzo-soprano, Sœur Mathilde
François Piolino, ténor, Le Père confesseur du couvent
Enguerrand de Hys, ténor, Le premier commissaire
Arnaud Richard, baryton-basse, Le second commissaire, un officier
Matthieu Lécroart, baryton, Thierry, le médecin, le geôlier
Orchestre National de France
Chœur du Théâtre des Champs-Elysées
Ensemble Aedes direction Mathieu Romano
Coproduction Théâtre des Champs-Elysées / Théâtre Royal de La Monnaie, Bruxelles Coproducteur associé pour la reprise : Théâtre de Caen.
Cette production sera présentée au Théâtre de Caen les 22 et 24 février 2018.
Ce spectacle, créé en décembre 2013 dans une mise en scène d'Olivier Py et sous la direction de Jérémie Rhorer, fut récompensé par le Grand Prix du Syndicat de la critique 2014.