David LaChapelle, détail de Deluge, photographie, 183,3 x 701 cm. Courtesy of the artist ans Manuani Mercier Gallery, Brussels, Belgium © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition David LaChapelle. After the Deluge.
Un avant. Un après. Comme si la vision de la chapelle Sixtine, ces textes de la Genèse, du Nouveau Testament mis en image par Michelangelo eurent dessillé les yeux de David LaChapelle, au prénom prédestiné, comme celui du juvénile héros triomphant de Goliath.
En 2006, ce photographe (né en 1963 à Fairfield) découvre cette chapelle lors de sa visite privée des musées du Vatican. Face à son aîné Buonarotti qui en peignit le plafond (1508 - 1512), commande du pape Jules II terminée à l'âge de 37 ans, comment ne put-il pas ressentir une émotion ? Le pape Paul III demanda à Michel-Ange de continuer à couvrir ce lieu de fresques en lui commandant Le Jugement dernier (1536 - 1541), terminé à 66 ans. LaChapelle y éprouva-t-il le "syndrome de Stendhal"? L'Italie et le Vatican sont terres de ce phénomène et, peu d'artistes échappent à cette avalanche d'émotions, dans ce trop plein de beautés offertes par ces pays.
La Sixtine venant d'être restaurée, laissant apparaître toute l'exubérance de ses couleurs et la beauté musculaire des corps, ceci ajoutait au bouleversement et à l'émotion. Ida Parlavecchio, dans le catalogue, accompagnant cette exposition de plus de cent photographies de 1996 à 2017, parle d'un "parcours cathartique" dans le cycle "Déluge" qu'aborde le photographe en 2007 "en modifiant l'orientation de son travail du point de vue formel et poétique, l'écartant des circuits commerciaux et publicitaires".
David LaChapelle, The House at the End of the World, 2005. Chromogenic Print. 106,68 x 160,02 cm. © David LaChapelle.
Adieu le "bling-bling", le fugitif, le futile, l'inutile considérés indispensables. Adieu "la société de spectacle", les femmes désirables, icônes de mode, lointaines, inaccessibles, habillées très glamour même lorsqu'elles fuient la cité dévastée par un cyclone When the world i through (2005). Adieu les stars - féminines ou masculines - rendues inaccessibles et hors de toute réalité quotidienne, lorsqu'il capte Faye Dunawey : Day of the Locust (1996). Qu'il semble loin le temps de l'influence warholienne lorsqu'il réinterprétât en Marilyn (2002) ou Liz (2007) des femmes botoxées, aux lèvres "bouche de poisson" sculptées par le même scalpel esthétique. Qu'il est loin le temps de la femme tatouée du logotype L V d'une marque de mode Lil'Kim: Luxury item (1999). Adieu le paraître, l'éphémère, l'insignifiant même si la série Jesus is My Homeboy, interrogeait, dès 2003, sur le Christ dans notre société, dans la re-visitation de la représentation du Sauveur selon la peinture de la Renaissance.
David LaChapelle, Archangel Michael: And No Message Could Have Been Any Clearer, 2009 Chromogenic Print. 246,38 x 182,88 cm. © David LaChapelle.
Même si cette visite de la Sixtine n'est peut-être qu'une légende comme le souligne Sandra Caltagirone dans son texte "Le règne de l'oxymore", ceci a finalement peu d'importance.
Exit le superficiel, le commercial, le narcissisme. "Deluge (2006), cette immense photographie de sept mètres de long donnant l'effet d'une fresque avec la technique contemporaine de la photographie" comme le souligne Gianni Mercurio, le commissaire de l'exposition " est le passage de l'humain à la nature, de la société du spectacle à des visions apocalyptiques". À un moment du changement dans la vie de ce photographe qui avait décidé de se retirer à Maui, dans l'archipel d'Hawaï, y créant une ferme biologique.
Salle de la série Awakened, 2007. De gauche à droite, Abram; Delilah; Jesse; Judith © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition David LaChapelle. After the Deluge.
L'eau, entendue comme un élément de rédemption After the Deluge: Cathedral (2007) ou la série Awakened avec ses corps immergés dans l'eau, comme dans la souvenance des vidéos de Bill Viola, est aussi un élément naturel de disparition les richesses artistiques des musées After the Deluge: Museum (2007). L'autre anéantissement est le "Big One", ce tremblement de terre qui pourrait toucher la Californie; LaChapelle le visualise comme une destruction du LACMA à Los Angeles - Seismic Shift (2012) -, une acerbe critique de la bulle spéculative du marché de l'art contemporain afférente à certains artistes. Ce déluge devient global puisqu'il atteint le ciel dans lequel des avions disparaissent dans les épais nuages colorés d'Aristocracy (2014). Ce regard sans concession sur son temps, sur la brièveté, se transpose dans la "stile life" ou "vie tranquille", tels ses prédécesseurs du XVIIe siècle dénonçant et mettant en garde leurs contemporains dans le message de la symbolique florale; dans la série des Earth laughs in flowers revisitant les Vanités, il mêle des objets de la vie quotidienne dans sa dénonciation de la fragilité de l'existence.
David LaChapelle, Once in a garden (1), 2014. Chromogenic Print. 152,4 x 114,3 cm. © David LaChapelle.
Sa série Gas stations (2012) et Land Scape (2013), tout simplement des maquettes, questionnent du devenir de notre civilisation. Ces édifices de distribution d'essence, dans une résonance à la Edward Hopper, sont posés dans une forêt - celle de l'île de Maui - les enveloppant, les mangeant, les engloutissant littéralement. Les raffineries sont construites de pacotilles, de riens, d'objets détournés, agrandis, sortis de leur contexte, triturés, malaxés, assemblés. Un éphémère qui ne peut résister à son engloutissement par la nature.
David LaChapelle, Adam and Eve, 2017. Hand painted negative - Pigment Print. 97,89 x 152,4 cm. © David LaChapelle.
Présentée à Venise, en avant-première, durant la 57e Biennale de l'Art 2017, la série New World dont il dit que les Odilon Redon du musée d'Orsay, William Blake, naturellement Michelangelo l'inspirèrent - bercée de beauté et de mysticisme, réalisée dans la même continuité thématique que Paradise, termine la rêverie implacable de ce cheminement.
Gilles Kraemer (envoyé spécial)
Gianni Mercurio devant la photographie de David LaChapelle Behold, 2017 © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition David LaChapelle. After the Deluge.
David LaChapelle. After the Deluge
28 octobre 2017 - 25 février 2018
BAM - Beaux-Arts Mons. Mons, Belgique
Le commissaire Gianni Mercurio fut celui
de l'exposition David LaChapelle. Dopo il Diluvio, 16 avril - 1er septembre 2015 au Palazzo delle Esposizioni, Rome.
Catalogue. David LaChapelle. After the Deluge. 200 pages. Co-édition Snoeck - BAM. Dommage pour la lecture que certains textes soient imprimés sur un fond rouge.
Internet www.bam.mons.be polemuseal.mons sur facebook et monspolemuseal sur twitter et #davidlachapellemons
Exposition LaChapelle à Venise, au moment de la Biennale de l'art 2017, David LaChapelle : Lot + Found. 12 avril - 10 septembre 2017. Casa dei Tre Oci - isola della Giudecca, Venezia. Commissariat Reiner Opoku et Denis Curti. www.lecurieuxdesarts.fr/2017/08/un-monde-en-poesie-avec-mark-tobey-philip-guston-jan-fabre-david-lachapelle-expositions-de-la-57eme-biennale-de-l-art-de-venise-un-m
Une exposition David LaChapelle est prévue à la galerie templon.com, dans les nouveaux locaux du 28 rue du Grenier-Saint-Lazare, en 2018.
BAM, Mons © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, visite presse de l'exposition David LaChapelle. After the Deluge.