David Hockney offre une toile au Centre Georges Pompidou. The Arrival of spring in Woldgate, East Yorkshire.
Lors d'une cérémonie sans prétention, le peintre anglais David Hockney a fait don d’une œuvre exceptionnelle au Centre Georges Pompidou : The Arrival of spring in Woldgate, East Yorkshire (2011). Cette donation s'est déroulée dans le Forum du Centre.
Simple et élégant, coiffé d’une casquette blanche, gilet vert laitue et cravate rouge sang sur chemise bleue layette, baskets profilées marine assorties au caban, chaussé de ses légendaires lunettes, il est arrivé, souriant, comme échappé de l’un de ses tableaux.
Les 32 panneaux (le peintre s’amuse d’avoir trouvé un moyen pour ne plus monter sur les échelles) de cette œuvre monumentale, masqués par des lais de papier que les techniciens du Centre ont enlevés les uns après les autres, de façon théâtrale, pendant de longues minutes, se sont dévoilés, lentement, dans un silence quasi religieux ponctué d'exclamations admiratives. Lent suspense de plusieurs dizaines de minutes avant que ne surgisse cette symphonie de verts, de jaunes et de bruns.
Ce spectaculaire sous-bois fait partie d’une série consacrée aux paysages du Yorkshire où David Hockney a passé son enfance. En 1997, venu au chevet d’un ami malade, il retrouve avec plaisir le cycle des saisons qui n’existe pas en Californie où il s’est installé au milieu des années soixante. Il vient d’avoir 80 ans et depuis quelque années il se rend plus volontiers dans la campagne anglaise pour peindre et filmer le passage du temps. Thème privilégié de ce "touche à tout" de génie qui s’est frotté avec bonheur à toutes les techniques, du dessin et de la peinture à l’huile de ses débuts à l’acrylique qu’il adopte en Californie et qui lui ouvre une palette de couleurs "pétantes" et acidulées qui sont sa marque de fabrique.
Ici il retourne aux sources de la peinture. Le spectateur est immergé dans le tableau grâce à la perspective inversée que ses réflexions et recherches l’ont amené à pratiquer après qu’il l’a empruntée à la gravure Satire on False Perspective de William Hogarth (1753), destinée au frontispice du traité Dr. Brook Taylo'rs method of perspective mode easy. Le point de fuite est derrière. Dans ce souci d’expressivité, c’est la vision subjective et émotionnelle du regardeur qui est sollicitée.
Serge Lasvignes, président du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, pour qui "ce tableau est un peu comme un Sacre du printemps", a mis l’accent sur "la proximité et la complicité" qui unissent le peintre aux équipes du musée depuis 1999, date de l'exposition David Hockney, Espace/Paysage où il présentait sa série des Grands Canyons. Cet "Hymne à la vie" restera pendant un mois à cet emplacement, visible par les 15 000 personnes qui passent dans le Forum, soit les visiteurs de la rétrospective et du Centre, les usagers de la bibliothèque, les spectateurs du cinéma ou ceux qui fréquentent la librairie. Avant de conclure "Merci à David Hockney pour la générosité, pour l’élégance, merci à David Hockney de peindre".
Didier Ottinger qui assurait le commissariat de la précédente exposition retrouve dans cette toile l’héritage de peintres fondateurs : la forme des feuilles des papiers découpés d'Henri Matisse, les fleurs du pop-art d’Andy Warhol, la figuration " enfantine" d’une forêt façon Douanier Rousseau, une sorte de bois sacré des Symbolistes. Son expérience des décors d’opéra transparaît dans ce très grand format..
Éternel enfant il confie, en riant, que ce tableau ne pouvant entrer dans une maison, sa place est dans une institution. Il est d’ailleurs le seul à avoir relevé le défi de la Tate Modern et s’est attaqué en 2007 pour un "summer show" a un mur qui n’avait pas trouvé preneur, pour une toile un peu plus grande que celle offerte au Centre. Dans cette toile se perçoit le total enchantement du bonheur de vivre et de peindre de celui qui a voulu tracer de sa main en bleu pétard sur le mur qui clôt sa rétrospective parisienne : "love life".
Plus de 400 000 personnes ont déjà visité l'exposition consacrée à la star du pop-art anglais, faisant de celle-ci l’une des plus fréquentées du Centre. Cette peinture monumentale est exposée au public, dans le Forum du Centre Pompidou, du 27 septembre 2017 jusqu’au terme de la rétrospective. Ce cadeau de près de 25 millions d’euros, comme le souligne son galeriste parisien, rejoindra grâce aux Amis du Centre Pompidou la collection permanente du musée d'art moderne. Reste à lui trouver une place au sein des collections. Ce ne sera pas une "mince affaire" au vu de ses dimensions.
Marie-Christine Sentenac
David Hockney
21 juin - 23 octobre 2017
Centre Georges Pompidou - Paris
www.centrepompidou.fr/cpv/resource/cR8ydbn/rKA9jL9
Commissaire : Mnam/Cci, Didier Ottinger.
L’exposition est organisée en collaboration avec la Tate Britain (Londres), le Centre Pompidou (Paris) et le Metropolitan Museum of Art (New York).