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Publié par Gilles Kraemer

 

Anna-Eva Bergman dans son atelier d'Antibes, 1975, photographie François Walch © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, vue de l'exposition Anna-Eva Bergman. L'atelier d'Antibes (1973-1987), domaine de Kerguéhennec, 2017.

 

 

 

 

" On ne peut vraiment créer du grand art que si l'on ne fait qu'un avec l'univers qui nous entoure - avec les grands rythmes de la vie qui nous a créés - et à condition d'en être conscient (...) ". Anna-Eva Bergman [Carnet] 05-01-1949 © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, vue de l'exposition Anna-Eva Bergman. L'atelier d'Antibes (1973-1987), domaine de Kerguéhennec, 2017.

Dans ce lieu qui interroge les rapports avec la nature, le paysage " comme le souligne Olivier Delavallade, directeur du domaine de Kerguéhennec, l'exposition L'atelier d'Antibes d'Anna-Eva Bergman (1973-1987) entre en communion de l'endroit, dans l'appréciation " d'un vertige des échelles où l'infiniment petit et l'infiniment grand se confrontent et permutent sans cesse, dans un va-et-vient du tellurique au cosmique " comme Claire Moulène décrypte, dans un essai du catalogue, l'œuvre d'Anna-Eva Bergman (Stockholm 1909 - 1987 Grasse), un " Vertige des échelles " dont la perception est toujours perturbée, dans l'évanescence d'un flottement venue d'une force intérieure.

Anna-Eva Bergman. À gauche N°25- 1981 Lac II, acrylique et feuille de métal sur toile doublée, 200 x 250 cm.. À droite N°23-1981, Entre les deux montagnes, acrylique et feuille de métal sur toile, 150 x 300 cm.. © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, vue de l'exposition Anna-Eva Bergman. L'atelier d'Antibes (1973-1987), domaine de Kerguéhennec, 2017.

Retour en arrière sur une longue histoire, avant un voyage poétique de 60 œuvres d'Anna-Eva, peintures et œuvres sur papier. En 1957, le peintre Hans Hartung (Leipzig 1904 - 1989 Antibes) et Anna-Eva Bergman se remarient après s'être retrouvés à Paris en mars 1952. Mariés une première fois en Allemagne en septembre 1929, ils avaient divorcé en mars 1938. En 1961, ils achètent une oliveraie à Antibes, pour y édifier, selon les plans d'Hans, une villa et leurs ateliers. Début des travaux en 1968. Installation en 1973. Ce sont ces années d'Anna-Eva, 1973 à 1987, présentées à Kerguéhennec, autour des thématiques de pluie, vague, montagne, rocher, nunatak (mot esquimau qualifiant un pointement rocheux dominant les glaces), maison, barque, pente et horizon, " ses années d'expérience du paysage norvégien peint de mémoire dans l'atelier du Midi " insiste Christine Lamothe, co-commissaire. C'est du Finnmark et de la Norvège du Nord que je rêve. La lumière me met en extase. Elle se présente par couches et donne une impression d'espaces différents en même temps très très près et très très loin. On a l'impression d'une couche d'air entre chaque rayon de lumière et ce sont ces couches d'air qui créent la perspective. C'est magique " concédait-elle en 1979. La recherche, toujours la recherche, vers la ligne pure et sensible, juste troublée par l'ascète verticalité ou horizontalité d'un trait, comme à l'instar de Geneviève Asse, autre peintre de l'immensité. Ce trait signifiant Montagne en une ligne (N°57-1978), l'épure, la rémanence de photographies prises au Cap Nord en 1964 lors de son voyage avec Hans le long de la côte norvégienne.

 

Anna-Eva Bergman, N°26-1974, Petite pluie III, acrylique, modeling paste et feuille de métal sur papier, 28,5 x 20,2 cm.. © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, vue de l'exposition Anna-Eva Bergman. L'atelier d'Antibes (1973-1987), domaine de Kerguéhennec, 2017

Souvenirs. Expériences. Pluie non plus nordique mais celle d'Antibes, cette pluie espérée, non dans sa retranscription tombant du ciel mais dans l'expérience visuelle de l'impact sur le sol de cette masse d'eau gorgée d'or et d'argent dans l'irisation de la lumière (Pluie, N°21-1974). Phénomène visuel retranscrit dans Mistral (N°14-1975) lorsque sa peinture se pose sur une feuille de métal plaquée sur la toile lui apportant cette luminosité retrouvée dans la série des vagues - Vague Baroque (n°49-73) - lorsque le déplacement du visiteur devant l'immensité de la toile contribue à de successives perceptions de l'œuvre. " Par l'utilisation de métaux, mes toiles sans user cependant du recours à des artifices de perspective, bénéficient d'effets visuels parfaitement inédits : les différents niveaux spatiaux tantôt se juxtaposent ou se superposent, formant des structures qui s'échelonnent en gradins, tantôt se reflètent " dira-t-elle lors d'un entretien en 1984 avec Andrea Schomburg.

 

Anna-Eva Bergman. Au premier plan N°25-1987 (dernière toile), acrylique, modeling paste et feuille de métal, 97 x 130 cm.. Au second plan N°37-1983 Demi barque IV, acrylique sur toile, 200 x 300 cm.. © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, vue de l'exposition Anna-Eva Bergman. L'atelier d'Antibes (1973-1987), domaine de Kerguéhennec, 2017

Peinture de contemplation, de non-figuration devant laquelle se mouvoir, entrer en elle pour y percevoir les différences de lumière procurant chaque fois une expérience différente, est obligatoire. Le regardeur devient acteur, c'est de lui que jaillira la présence de la toile. Ce n'est pas du noir d'où surgit la lumière selon Pierre Soulages mais de la feuille de métal dont sourd la lumière qui contribue à cette magie, une pratique qu'elle utilise pour ses horizons - Horizon ocre et argent (N°12-1974) ou Un Horizon (N°58-1979) -. Jusqu'à sa dernière toile N°25-1987.

Retour mental vers son pays natal, vers sa Montagne sombre, son Horizon, ses Rochers rouges, cette lente approche vers un paysage senti architecturalement, dans un travail de mémoire, dans une abstraction de plus en plus rigoureuse. La pierre devient navire et apparaît dans la proue de la Barque noire sur fond rouge (N°20-1978), de la Demi barque IV (N°37-1983), proue visualisée comme un rocher.

L'expérience d'un vécu, dans l'émotion toujours présente.

Gilles Kraemer

Anna-Eva Bergman. L’atelier d’Antibes (1973-1987)

5 mars - 4 juin 2017

Domaine de Kerguéhennec - 56500 Bignan

Tél. 02 97 60 31 84 et Internet www.kerguehennec.fr

Exposition réalisée en collaboration avec la Fondation Hartung-Bergman. Commissariat de Christine Lamothe, responsable expositions et éditions pour Anna-Eva Bergman à la Fondation Hartung-Bergman et Olivier Delavallade, directeur du domaine de Kerguéhennec.

Catalogue. Céline Flécheux et Romain Mathieu. "Regard" de Laurent Derobert, Maryline Desbiolles, Maurice Fréchuret, Marjorie Micucci, Claire Moulène, Thomas Schlesser et Annette Wieviorka. Co-édition Domaine de Kerguéhennec et Fondation Hartung-Bergman. Prix 25 euros. Texte également en anglais.  Dommage que n'y figure pas la biographie de cette artiste avec un focus sur ses années dans le Midi, lorsque le couple Bergman-Hartung s'installe au Champs des Oliviers à Antibes.

 

 

© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, vues de l'exposition Anna-Eva Bergman. L'atelier d'Antibes (1973-1987), domaine de Kerguéhennec, 2017
© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, vues de l'exposition Anna-Eva Bergman. L'atelier d'Antibes (1973-1987), domaine de Kerguéhennec, 2017
© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, vues de l'exposition Anna-Eva Bergman. L'atelier d'Antibes (1973-1987), domaine de Kerguéhennec, 2017
© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, vues de l'exposition Anna-Eva Bergman. L'atelier d'Antibes (1973-1987), domaine de Kerguéhennec, 2017
© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, vues de l'exposition Anna-Eva Bergman. L'atelier d'Antibes (1973-1987), domaine de Kerguéhennec, 2017
© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, vues de l'exposition Anna-Eva Bergman. L'atelier d'Antibes (1973-1987), domaine de Kerguéhennec, 2017

© photographies Le Curieux des arts Gilles Kraemer, vues de l'exposition Anna-Eva Bergman. L'atelier d'Antibes (1973-1987), domaine de Kerguéhennec, 2017

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