Giovanni Bologna dit Giambologna / Jean Bologne (1529-1608), Vénus (détail), 1597. Bronze, hauteur 112 cm. © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Hôtel de Gallifet - Institut culturel italien, Paris, 17 janvier 2017.
Il faut faire très très vite. Vous n'aurez que trois après-midi pour croiser le regard de bronze de la Vénus de Jean Bologne ou Giambologna (Douai 1529 - 1608 Florence). Le lieu ? L'Hôtel de Gallifet, ex-siège du ministère des Relations extérieures de 1797 à 1807 dont le ministre fut Charles Maurice de Talleyrand-Périgord. Il donna ici un bal en l'honneur de Bonaparte revenant des guerres d'Italie. Une histoire merveilleuse d'y présenter la déesse de l'amour en ce lieu qui croisa l'histoire de France.
Ce grand bronze, de 112 centimètres, proviendrait du château de Chantemesle, situé à Corbeil-Essonnes, démoli dans les années 1960. Cette demeure appartint à Louis Hesselin, personnage important de la cour de Louis XIII, collectionneur de bronzes de Jean Bologne achetés par Louis XIV après son décès. La Vénus ne fut pas acquise par le roi. Cette statue est réapparue sur le marché parisien il y a trente ans.
Les recherches d’Alexander Rudigier, les documents découverts par Blanca Truyols, les résultats d’analyses scientifiques menées par des laboratoires européens montrent que cette Vénus fut sculptée par Jean Bologne. Elle fut fondue, performance technique, en une seule pièce par l'Allemand Gerhardt Meyer, le 25 novembre 1597 ; la date et le nom du fondeur sont inscrits sur son socle orné de feuilles d'acanthes et de palmettes.
Des documents des archives de Florence révèlent que ce nu faisait partie d’un ensemble de trois livraisons de présents diplomatiques envoyés par Ferdinand Ier de Médicis, grand-duc de Toscane, à Henri IV, entre 1597 et 1600. Ces envois comprenaient des plants d'arbres, des semences, des bulbes, des coquillages, un automate, des sculptures antiques et modernes. Leurs destinations furent le jardin en terrasses du Château-Neuf que le souverain construisait à Saint-Germain-en-Laye. Dans ces envois figuraient six statues de bronze du sculpteur Jean Bologne, Vénus étant du second envoi.
De ces six sculptures, seules trois sont connues : le Mercure volant (haut de 180 cm) aujourd'hui au musée du Louvre, Paris cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not_frame&idNotice=2943, le Triton (haut de 91,4 cm) visible au Metropolitan Museum of Art, New York metmuseum.org/art/collection/search/192729 et cette Vénus de 1597.
Jean Bologne dit Giovanni Bologna dit Giambologna (1529-1608), Vénus (détail), 1597. Bronze, hauteur 112 cm. © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Hôtel de Gallifet - Institut culturel italien, Paris, 17 janvier 2017
Giambologna était au service exclusif des Médicis, ce qui signifie qu'il travaillait uniquement pour les grands-ducs toscans. D'où la convoitise de ses œuvres et la grande portée diplomatique du geste lorsque les grands-ducs médicéens offraient une de ses sculptures à un souverain européen. Il existe de cette Vénus, une première version en marbre de Jean Bologne, aujourd'hui au J.P. Getty Museum, Los Angeles, une Figure féminine, peut-être Vénus, intitulée Bethsabée (site de cette institution //www.getty.edu/art/collection/objects/936/giambologna-giovanni-da-bologna-or-jean-de-boulogne-female-figure-possibly-venus-formerly-titled-bathsheba-flemish-1571-1573/
Jean Bologne dit Giovanni Bologna dit Giambologna (1529-1608), Vénus (détail), 1597. Bronze, hauteur 112 cm. © photographie Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Hôtel de Gallifet - Institut culturel italien, Paris, 17 janvier 2017
L'idée merveilleuse de Giambologna, dans cette représentation d'un nu féminin sous le prétexte de la déesse de l'amour, dans cet attrait sensuel, est de figurer une femme cachant son visage derrière un vase qu'elle tient de sa main gauche levée alors qu'elle essuie son pied de l'autre main. Ce n'est seulement qu'au moment où l'on se trouve face à elle que son regard croise le nôtre.
"La beauté n'est que la promesse du bonheur". Stendhal.
Gilles Kraemer
Institut culturel italien - Hôtel de Gallifet / Istituto Italiano di Cultura
50, rue de Varenne - 75007 Paris
15 à 18 h, du mercredi 18 au vendredi 20 janvier 2017 inclus
iicparigi.esteri.it/iic_parigi/it
Bulletin Monumental, volume 174 - III, octobre 2016. Articles d'Alexander Rudigier et Blana Truyols : Les présents de Ferdinand Ier de Médicis à Henri IV pour ses jardins de Saint-Germain-en-Laye, par Blanca Truyols / Les bronzes envoyés de Florence à Saint-Germain-en-Laye, la Vénus de 1597 et les dernières œuvres de Jean Bologne, par Alexander Rudigier / Le non finito dans la sculpture florentine et la notion de disegno. Note complémentaire, par Alexander Rudigier. Éditeur Picard & Epona. 18, rue Séguier - Paris. Internet librairie-epona.fr/bulletin-monumental-174-3-2016.html